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Eledow
Chapitre 1 - Orion la crevette

Chapitre 1 - Orion la crevette

Published Mar 30, 2024 Updated Mar 30, 2024 Adventure
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CREATIVE ROOM

Eledow

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Chapitre 1 - Orion la crevette

— Qu’est-ce que tu fous, Skye ? Debout !

Liam, ne parvenant pas à réveiller son amie, lui flanqua un généreux coup de coude dans les côtes. Immédiatement, l’adolescente se redressa, envoyant ses cheveux courts et sombres en arrière. Orion, le jeune chat noir qui dormait sur ses genoux, se redressa et sauta sur le sol avec un feulement agacé. Après quelques secondes, nécessaire à son réveil complet, elle se tourna vers son camarade et lui adressa un regard noir de reproche.

— C’est quoi ça, pour une façon de traiter une dame ? asséna-t-elle avec fureur. Vous manquez de savoir-vivre, Môssieur Malpoli !

— Une dame, toi ? ricana son interlocuteur en haussant un sourcil sceptique. Tu es aussi féminine qu’un camion de déménagement.

— C’est sûr que toi, t’as l’air très masculin avec tes cheveux longs.

Tout en parlant, Skye avait tendu le bras et passait ses doigts dans les mèches blond platine de la queue de cheval de son ami. Puis brusquement, elle lui ébouriffa le haut de la tête en lâchant un rire diabolique. Le garçon écarta brutalement sa main, avant de lui montrer du doigt les cahiers qui s’étalaient sur le bureau.

— Revenons à nos moutons ! déclara-t-il avec un soupir désespéré. Je te signale que notre travail ne va pas se faire tout seul !

Liam fixa sa camarade, dans l’espoir vain que ses yeux verts parviendraient à capturer l’attention des prunelles grises de Skye. Mais la jeune fille s’appuya sur le dossier de sa chaise, joignit ses mains et les tendit au-dessus de sa tête pour s’étirer en bâillant.

— Je suis crevée, soupira-t-elle en passant sa main dans son cou. On peut pas s’arrêter pour aujourd’hui et reprendre ça demain ?

— T’exagères, grimaça le blond sans cacher son exaspération. On a à peine avancé, et le peu qu’on a, c’est moi qui m’en suis chargé. En plus, demain, on est au boulot ! Je sais pas si tu es au courant que dans « travail de groupe », il y a le mot « groupe ».

— Sérieusement ? s’écria Skye avec un air faussement étonné, un immense sourire sur les lèvres. Waah, je savais pas ! Comme quoi, je me coucherai moins bête !

Cette fois, son ami se laissa retomber en avant, et son front heurta son manuel d’histoire dans un toc creux.

— T’es vraiment épuisante, soupira-t-il en laissant ses bras pendre dans le vide. Je suis sérieux, c’est important, ce truc !

La jeune fille aux cheveux noirs resta muette quelques secondes, avant d’éclater de rire. Liam releva la tête, le menton appuyé sur le bois, et l’observa comme si elle avait deux têtes.

— Pourquoi tu rigoles ? interrogea-t-il avec lassitude, sachant qu’il allait regretter d’avoir posé la question.

— Explique-moi… haleta Skye entre deux fous rires, ce que… la révolution industrielle… a d’important !! Ahaha, c’est n’importe quoi !!

La voyant totalement hilare, le blond préféra attendre patiemment qu’elle retrouve ses esprits. Après une bonne minute, elle se calma enfin, et il répondit :

— Je me fiche de cette révolution ! Mais si je reviens encore avec une sale note, ma mère va me tomber dessus !

Immédiatement, son amie perdit son envie de rire.

— Ah. Au fait, comment ça va avec ta mère ? demanda-t-elle, bien qu’elle connaisse la réponse.

— Comme d’hab’, marmonna Liam en secouant la tête. Je la vois presque pas, quand je la vois, on discute pas. Sauf quand mes notes sont mauvaises, alors elle me râle dessus en disant que je n’irais pas loin dans la vie si je fous rien…

— D’ailleurs, elle rentre quand ? Il est déjà presque dix heures du soir, fit remarquer l’adolescente en consultant son téléphone.

— Elle sera là dans quarante minutes environ, grommela le blond en coinçant une mèche de cheveux derrière son oreille.

Skye le fixa avec une vague inquiétude, avant que la surprise ne prenne la place. Ses yeux gris se posèrent sur le poing serré de son ami, et elle recula prudemment, se calant dans le dossier de sa chaise comme pour fusionner avec.

— Eeemh… Liam ? souffla-t-elle, espérant ne pas le brusquer. Tu as… un truc… à la main droite…

Avec désintérêt, le concerné leva sa main, avant que ses yeux ne deviennent ronds comme des soucoupes. Sa peau était parcourue de petits éclairs, comme si on l’avait branché à un générateur. Si la jeune fille ne l’avait pas prévenu, il ne s’en serait pas rendu compte : il ne sentait rien du tout. Pris d’un moment de panique, le garçon secoua son poignet, imitant le geste pour chasser un insecte particulièrement gros et répugnant. L’électricité disparut aussi vite qu’elle était apparue.

— J’en ai marre ! gronda Liam en regardant son membre comme s’il l’avait insulté. Ça m’arrive à chaque fois que je m’énerve !

— Tu as essayé d’en parler avec ta mère ? demanda prudemment Skye. Ce n’est pas la première fois que ça t’arrive…

— Tu te souviens de la première fois que ce truc s’est activé ? Je t’en avais parlé par téléphone, non ?

— Euuh, oooouuais… bredouilla son amie.

Liam la fixa quelques secondes, désespéré. « Mémoire » avait visiblement quitté la conversation !

— Le prof d’anglais m’avait vraiment énervé, lui rappela-t-il. J’avais la haine parce qu’il m’avait descendu sur le devoir et qu’il m’avait mis zéro. Ce jour-là, j’avais fait griller mon téléphone !

— Aaah oui ! se rappela l’adolescente en hochant vigoureusement la tête. Tu l’avais fait fondre !

— Ouais, et tu sais ce que ma mère a dit ?

— Non.

— Elle m’a engueulé parce j’avais eu zéro, puis elle m’a traité de gamin immature parce que j’avais cassé mon téléphone pour ça. Crois-moi, je ne vais sûrement pas lui en parler !

— Ouais… dis comme ça, ça donne pas envie, sympathisa Skye.

— Enfin, je suis habitué, soupira le blond en passant une main dans ses cheveux. On va s’arrêter pour ce soir… tu veux que je te raccompagne chez toi ?

— Non, ça ira, t’inquiètes, sourit la jeune fille en rassemblant ses affaires pour les fourrer dans son sac avec la délicatesse d’un Viking. On se voit demain.

— Je viens avec toi, déclara Liam en quittant sa chaise. Je vais vérifier si Orion n’est pas en train de faire une connerie…

Ils sortirent de la chambre et rejoignirent le studio plongé dans l’obscurité. Connaissant bien l’appartement, Skye appuya sur l’interrupteur à côté de la porte, et la lumière s’alluma. Du coin de l’œil, son ami aperçut son chat sur le buffet de la cuisine, visiblement à la recherche de nourriture.

— Toi, tu veux vraiment que maman te transforme en descente de lit, marmonna-t-il en le prenant dans ses bras.

En guise de réponse, le félin lâcha un miaulement mécontent et planta ses griffes dans la manche du pull de l’humain rabat-joie.

— À demain, lança Skye en serrant rapidement son ami dans ses bras. À plus Orion !

Le jeune fauve regarda sa main le caresser comme s’il s’agissait d’une limace gluante. Irrité, il bondit des bras de Liam et fila par la porte ouverte de l’appartement.

— Merde, jura le garçon. Je parie qu’il va encore aller au grenier, ce con !

— Tu veux de l’aide pour l’attraper ? demanda l’adolescente.

— J’m’en sortirai… on se voit demain. Bonne nuit !

— Bonne nuit ! Et bonne chance !

Après un dernier ricanement moqueur, elle s’échappa et commença à descendre les escaliers pour rejoindre Crawford Street. C’était là que la mère de Liam avait acheté un grand appartement pour elle et son fils, ainsi que le grenier. Quelques mois plus tôt, le garçon avait trouvé un petit chaton abandonné non loin de chez eux, dans un carton qui avait pris l’eau et pour toute nourriture une croûte de pain. Liam l’avait ramené, et avait passé deux bonnes heures à se battre avec sa mère pour qu’elle accepte de le garder.

Au final, il avait remporté la victoire, mais il était certain que c’était plus par forfait de la part de l’autorité suprême que parce qu’il avait réussi à la convaincre. Ainsi, sous condition qu’il ne fasse pas ses griffes sur le canapé, qu’il ne fasse pas ses besoins partout et qu’il ne dorme pas dans la chambre parentale, Liam avait eu le droit de s’en occuper. Si elle détestait ce tas de poil bruyant et casse-pied, son fils en était gaga. Il lui avait trouvé plein de surnoms plus ridicules les uns que les autres et lui passait presque tous ses caprices.

Mais aller mettre le bazar dans le grenier, où était stockée toute l’histoire de la famille comme les arbres généalogiques et les cadeaux de l’oncle machin ou de la tatie truc, risquait de signer l’arrêt de mort de son adorable fléau !

La porte ne fermait jamais totalement, et Orion pouvait facilement se glisser entre elle et le mur. Liam retira la chainette qui la bloquait, et pénétra dans le débarras poussiéreux. À tâtons, il chercha l’interrupteur, et le pressa. Il savait l’électricité capricieuse, alors il attendit quelques secondes. Mais l’ampoule qui pendait au plafond resta éteinte.

L’adolescent récupéra son téléphone dans sa poche et en alluma la lampe. Juste sous son nez se balançait une toile d’araignée.

Charmant.

Avec une grimace, le blond l’écarta de la main, et regarda avec désespoir les caisses en cartons qui s’empilaient dans tous les sens. Avec tout ce fatras, son adorable sale bête pouvait s’être cachée n’importe où.

— Ooorioooon, appela Liam avec son ton d’humain gaga. Viens mon chouchou !

En réponse, il entendit un petit miaulement plus loin, derrière un tas de cartons couverts de crasses. Il se mit à quatre pattes, cala son téléphone pour éclairer un interstice entre deux boîtes et jeta un coup d’œil. Le petit démon noir était assis majestueusement à deux mètres de lui, et ses yeux jaunes brillaient.

— Allez, viens ma crevette, supplia le blond avec douceur. On va te donner à manger !

Indifférent à ses promesses, l’animal se leva gracieusement, et avec un balancement insolent de la queue, il s’éloigna dans l’obscurité du grenier.

— T’es chiant, espèce de cornichaton ! Reviens avant que je te mette au régime !

Comprenant que l’impitoyable créature ne reviendrait pas de lui-même, Liam poussa un soupir désespéré. Il posa son téléphone sur le sol, sa lampe éclairant le plafond, tandis qu’il entreprenait d’écarter les cartons pour se créer un chemin. Tout en attrapant les caisses, l’adolescent lâchait des marmonnements agacés avant de les reposer brutalement sur le sol.

Reprenant son portable, il commença à ramper sur le sol pour passer par la petite ouverture qu’il avait réussi à percer.

— Attends un peu ! Tu vas voir quand je vais te mettre la main dessus, grommela-t-il d’une voix chargée de menace. Tu vas subir une peine de câlins à vie !

Orion revint près de lui et lâcha un miaulement si adorablement que toute la rancœur du garçon disparut instantanément. Il frotta sa petite tête douce contre le visage poussiéreux de l’humain.

— Allez, viens, on rentre, murmura Liam en retrouvant le sourire.

Mais le chat semblait vraiment se payer sa tête, car il repartit dans la direction opposée.

— Reviens ici, sac à puces !

Toujours à plat ventre, le blond essaya de le plaquer sur le sol, mais tout ce qu’il attrapa fut la queue du félin qui lui glissa entre les doigts et s’éloigna. Frappant le sol de rage, le garçon regretta son geste au moment où un nuage de poussière s’envolait pour lui rentrer dans les narines. Plus loin, il entendait la cruelle bestiole miauler comme si elle était désespérée.

Liam se remit à quatre pattes et continua sa progression, slalomant entre les caisses. Sa main se posa alors sur quelque chose d’humide.

— Orion, me dis pas que t’as pissé ! gronda-t-il, bien qu’il savait que ses réprimandes allaient avoir autant d’impact que s’il avait parlé à l’armoire.

Il éclaira sa main, s’apprêtant à sentir l’odeur d’urine féline à tout moment. Mais ce qu’il vit le fit paniquer davantage.

C’était du sang qui tachait sa paume.

— Orion ! appela-t-il, anxieux qu’il se soit blessé. Orion ! Bouge pas ! J’arrive !

Liam avança sans se soucier de la crasse qui lui brûlait la gorge, repoussant n’importe quel obstacle le séparant de l’animal qui miaulait toujours plus fort.

Le chat surgit alors de derrière une caisse et trottina jusqu’à l’adolescent. Ce dernier s’assit en tailleur et Orion sauta sur ses jambes en ronronnant.

— C’est bien ma crevette, murmura le blond d’une voix fébrile en calant son téléphone entre sa joue et son épaule pour l’examiner.

Il passa ses mains sur son pelage sombre pour trouver la provenance du sang. Orion ne l’aidait pas, essayant à tout prix de caler sa tête dans sa paume. Pour Liam, ce fut rapidement le soulagement.

— Tu n’as rien… tu m’as fait peur, idiot…

Puis, ce fut le questionnement.

— Attends, mais si tu n’es pas blessé… qui a laissé ce sang ?

Ensuite, une vague inquiétude.

— C’est moi qui saigne ?...Non, j’ai rien non plus.

Une pointe d’observation.

— Il y a d’autres traces, murmura Liam en regardant le fond du grenier, avant que le matou ne descende de ses genoux et qu’ils ne continuent tous les deux.

Et finalement, le choc total, qui prend aux tripes.

— Ah.

Bon, un choc partiel, on va dire.

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