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Chapitre 58

Chapitre 58

Veröffentlicht am 30, Mai, 2025 Aktualisiert am 30, Mai, 2025 New Romance
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Chapitre 58

Je suis restée un long moment là-bas, dans l’atelier, bien après que le résultat soit apparu. Trois minutes ont suffi, mais j’en ai pris quarante. Ou peut-être une heure. Je n’en suis plus certaine. Le temps s’est étiré, dilaté comme une pâte trop souple entre les doigts. Rien n’avait vraiment changé, et pourtant, je n’étais plus tout à fait la même. C’est comme si j’avais ouvert une porte sans le vouloir, et que maintenant, je devais apprendre à respirer dans cette nouvelle pièce.


Je n’ai pas pleuré. Je n’ai pas souri. J’ai juste… existé. D’un silence dense. D’un poids doux et troublant.


Quand j’ai quitté l’atelier, j’ai refermé la porte lentement derrière moi. Verrouillé. Le test dans mon sac, glissé entre mon portefeuille et un paquet de mouchoirs chiffonné. J’ai marché sans me presser, sans vraiment savoir où poser mes pensées. Je flottais. Les trottoirs semblaient plus durs, le ciel plus haut, et la lumière plus aiguë.


Je suis rentrée chez nous les mains dans les poches, le cœur battant à contretemps.


Samuel était déjà réveillé. Il avait ouvert toutes les fenêtres, comme chaque matin. L’air circulait librement, emportant avec lui les parfums du linge propre, du café un peu brûlé et du sucre encore chaud. Il était dans la cuisine, en train de ranger quelques tasses. Je l’ai entendu avant de le voir. Et dès qu’il m’a aperçue, il a souri.


— T’es rentrée pile à temps.


Il s’est approché, m’a embrassée sur la joue, ses doigts frôlant brièvement le bas de mon dos. Un geste tendre, familier. Mais je me suis figée une fraction de seconde. Juste assez pour qu’il le remarque.


Il a penché la tête, sourcils froncés, son regard glissant sur mon visage comme pour en lire les plis invisibles.


— Tout va bien ?


J’ai forcé un sourire. Pas trop large. Juste ce qu’il faut pour détourner.


— Il n’y avait plus de croissants à la boulangerie, j’ai dû faire trois allers-retours pour trouver un truc mangeable.


Samuel a haussé les épaules, amusé.


— On survivra. Tant qu’il y a du café.


Il m’a tendu une tasse encore tiède. Je l’ai prise entre mes mains, comme un ancrage. Et puis, j’ai senti cette vibration subtile dans l’air, ce petit quelque chose qui change la gravité d’une pièce.


Il s’est éloigné de quelques pas, est revenu vers moi, ses yeux brillant d’une lumière que je connaissais : celle de l’élan. De la nouvelle. De ce qui brûle d’être dit.


— Ils m’ont appelé tout à l’heure, m’a-t-il dit. L’équipe. Du concours.


Il s’est arrêté. M’a sondée.


Et puis, dans un souffle retenu :


— Je suis sélectionné. Pour la Coupe du Monde. De la pâtisserie.


Il a laissé tomber la phrase comme on laisse tomber une bombe douce. Une bombe enrobée de chocolat noir et d’espoir. Et j’ai vu, dans ses yeux, la fierté pure. Une lueur rare. Il n’était pas juste content. Il était vivant. Intégralement. De cette vie brute qu’on touche rarement.


Je n’ai pas su quoi répondre tout de suite. Alors je l’ai serré. Fort. J’ai souri. Je l’ai embrassé sur la tempe.


— Tu le mérites.


Et je l’ai pensé. Profondément.


Mais je n’ai rien dit d’autre.


Je suis restée là, dans cette étreinte silencieuse, le front contre son épaule, la gorge nouée d’un mélange étrange de tendresse, de fierté et de peur confuse.


Je l’ai laissé briller.


Je l’ai laissé ne rien voir.


Je ne pouvais pas lui voler ce moment. Pas alors qu’il venait de recevoir le monde en cadeau.


Et dans le creux de mon ventre, la question battait, silencieuse, palpitante, encore trop informe pour avoir un nom.


Je n’ai rien dit ce jour-là.


Ni le lendemain.


Le test est resté dans mon sac. Comme un petit fragment de réel que je n’étais pas prête à affronter. Je n’ai pas pu le jeter. Pas encore. C’était trop net. Trop définitif. Alors il est resté là, coincé entre un stylo et des tickets de caisse froissés. Une vérité à retardement.


Les jours suivants ont glissé avec une rapidité désarmante. Samuel s’est engouffré dans cette nouvelle aventure avec une énergie presque adolescente. Il gribouille des idées sur des carnets, laisse des feuilles partout, s’enferme parfois des heures dans l’atelier pour tester des ganaches improbables ou retravailler des équilibres de textures.


Je le regarde faire. Je l’encourage. Je suis là. Présente. Et pourtant, à l’intérieur, quelque chose d’invisible prend forme. Une peur douce. Une attente. Un vertige.


Deux soirs plus tard, nous sommes dans le salon. Il travaille sur son ordinateur, une lueur blanche lui dessinant le profil. Je plie du linge, machinalement. Les gestes m’apaisent. Le silence est doux, ponctué par les cliquetis du clavier.


Je ne prévois pas ma question. Elle sort toute seule. Naturelle. Fluide. Trop, peut-être.


— Tu t’es déjà imaginé avec des enfants ?


Je ne le regarde pas. Mes mains s’activent sur un t-shirt.


Un silence.


Puis le clavier s’arrête.


— Des enfants ? reprend-il, lentement.


Je hoche la tête, toujours sans lever les yeux.


— Oui. Un, deux… une ribambelle. Ou aucun. Je veux dire… est-ce que c’était quelque chose que tu envisageais ?


Il se redresse, passe une main dans ses cheveux. Il hésite.


— Pas vraiment. Enfin… si. Parfois. Mais c’était vague. Lointain. Et surtout… j’avais peur. De moi. De reproduire ce que j’ai connu. De ne pas être à la hauteur.


Je replie lentement une chemise. J’ai du mal à avaler.


— Et maintenant ?


Il me regarde. Vraiment. Il pose son ordinateur à côté. Puis il dit :


— Maintenant, je me dis… que si ça devait arriver, ce serait avec toi. Parce qu’à deux, on est autre chose. Parce que tu rends ça envisageable. Moins effrayant.


Je sens mon cœur accélérer. Ce n’est pas une déclaration. C’est un point d’ancrage.


Je murmure, presque pour moi :


— Même si ça tombait mal ? Même si c’était… pas prévu ?


Samuel me fixe. Et dans son regard, il y a autre chose. Une sorte d’alerte douce. Une veille.


— Les grandes choses ne tombent jamais bien. Mais ça ne veut pas dire qu’elles n’ont pas leur place.


Et puis, après un silence :


— Tu as quelque chose à me dire, Paule ?


Je soutiens son regard. Une seconde. Deux. Et je sens le poids du test dans mon sac, dans ma gorge, dans chaque fibre de mon ventre.


Je secoue la tête. Un sourire aux lèvres. Léger. Détaché.


— Non. C’était juste… une question. Comme ça. Pour voir si tu étais plus “tribu” ou “chat solitaire”.


Il sourit à son tour. La tension se relâche un peu. Il reprend son ordinateur.


— Dans l’idéal ? Un chien. Une cuisine. Et toi.


Je ris. Un peu. Je ramasse le panier. Je m’échappe.


Dans la chambre, je range les vêtements lentement. Puis je m’assieds sur le lit, les mains posées à plat sur les draps.


Il ne sait pas.


Et moi, je ne suis pas encore prête à le faire entrer dans cette pièce nouvelle où je me tiens seule, depuis ce matin-là.


Mais je sens déjà, dans ma poitrine, dans ma chair, que je n’y resterai pas seule bien longtemps.

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