Je m’appelle Dora, petite créature discrète venue des Ténèbres. Les saisons de votre univers glissent sur ma silhouette depuis des siècles et je me plais à vous observer, tapie sur une branche. Vous ne prêtez pas attention à moi - vous ne pouvez imaginer ma présence -, pourtant je suis à l’affût du moindre de vos gestes.

Cette année, j’aime perdre mon regard dans les teintes d’or et de cuivre, sentir au plus profond de mon être les vibrations particulières des feuilles dans leur dernière parure, ces fragrances chaudes, enivrantes comme un verre d’hydromel, distillées dans l’air sous les frottements de vos pas, si subtiles que votre esprit ignore la provenance de cette langueur qui vous cueille lors de vos promenades dans le mystère des forêts.

Je me délecte de ces notes aromatiques exsudées dans l’air à peine obscurci par un voile jeté sur l’été déclinant ; je puise ma force dans le nectar de cette atmosphère aux contours flous, un pied dans la chaleur des après-midis estivaux, l’autre dans la fraicheur des automnales brumes matinales.

Je me laisse porter par le chant des oiseaux dispersé de branches en branches, le cœur encore guilleret dans la chaleur de l’été finissant. Cependant, du lac à l’aspect si paisible, la surface éclairée de reflets d’or et d’argent, s’élèvent les litanies des âmes enfouies dans vos souvenirs en un crescendo déchirant.

Chaque jour de cet automne d‘apparence si douce est un répit dans vos existences, un moment de sérénité avant les menaces sournoises cheminant vers votre civilisation.

Texte d'Ysa Lapiert

Image par Nicky ❤️🌿🐞🌿❤️ de Pixabay