L'Enfant de Rosporden - 4/6
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L'Enfant de Rosporden - 4/6
Une nouvelle publiée dans mon recueil "Adagio Affetuoso"
Chapitre 4
Sandra avait parlé assez fort de sorte que Marc avait pratiquement entendu la conversation. Stéphanie, encore un peu méfiante, gênée que Marc ait pu entendre la communication, lui transmit l’invitation qu’il accepta aussitôt. Marc n’avait pas grand-chose à faire ce soir là. Il était passé vingt et une heures et, de toute façon, personne ne l’attendait chez lui, au studio qu’il louait à Nation. Sandra habitait dans le XVIIème, rue de Tocqueville, à une vingtaine de minutes de métro. En chemin ils échangèrent quelques mots.
— Je pensais que vous étiez plus jeune, s’enquit Stéphanie, se remémorant la scène au commissariat où chacun avait dû décliner identité, date de naissance, nationalité, etc.
— On me le dit souvent. Mais, évidemment, pour vous, à trente-cinq ans, je dois vous paraître très vieux, répliqua Marc.
— Oh non ! Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, rétorqua Stéphanie avec un sourire enfantin.
Les freins crissèrent. La rame de métro entra dans la station Villiers. « C’est là », chuchota Stéphanie.
Tous deux sortirent du métro et Marc suivit Stéphanie qui semblait avoir récupéré toute son énergie à l’idée de revoir son amie qu’elle n’avait pas vue depuis trois mois. Arrivés rue de Tocqueville, Stéphanie tourna la tête vers Marc qui se tenait un peu en retrait.
— Vous savez, je ne lui ai pas dit que j’étais enceinte et, la dernière fois que je suis venue chez elle, ça ne se voyait pas encore.
— Elle le verra bien. Pensez-vous qu’elle puisse avoir une réaction négative ?
— Je ne sais pas. Je l’adore mais, parfois, elle a des réactions tellement inattendues.
Stéphanie se présenta à l’interphone et le déclic de la serrure se fit. Marc poussa la porte et laissa passer Stéphanie devant lui. En montant l’escalier jusqu’au deuxième étage, Marc ne pouvait s’empêcher de regarder le balancement gracieux des fesses de Stéphanie, qu’elle avait très rondes et bien proportionnées. Lorsque Sandra ouvrit la porte, elle jeta instantanément un coup d’œil vers Marc qui la salua.
— Steph ! Comment vas-tu depuis tout ce temps ? Mais, dis moi, tu m’avais caché que tu étais enceinte ! Et Monsieur est ton ami ?
— Non… En fait… Ça n’a rien à voir, répondit Stéphanie.
— De toute façon, la dernière fois que tu es venue, j’ai vu tout de suite que tu étais enceinte. Ta poitrine, ton attitude… Mais je t’ai laissé libre de ne pas me le dire, reprit Sandra. Et vous, Marc, vous êtes le père ?
— Pas du tout ! Répondit Marc. Ce n’est pas que je n’aurais pas aimé mais, en fait, nous nous sommes rencontrés dans le train. Et puis la différence d’âge…
— Donc vous ne vous connaissiez pas ? C’est une histoire incroyable ! Ce bébé abandonné. Il faut que vous me racontiez ça en détails.
Stéphanie commença à narrer à Sandra toute l’histoire. Sandra était enthousiaste et l’interrompait sans cesse pour plus de détails. Au contraire, Stéphanie gardait une expression d’inquiétude vis-à-vis de ce bébé qu’elle avait serré dans ses bras pendant presque tout le trajet et qui avait semblé si calme et si heureux avec elle.
— Je parie que vous n’avez pas dîné avec toute cette aventure, coupa Sandra.
— Je ne voudrais pas vous déranger, répondit Marc, je vais vous laisser entre filles.
— Ah mais, pas du tout, Marc ! Vous êtes invité. N’est-ce pas Steph ? A moins que votre femme et vos cinq enfants ne vous attendent, répondit Sandra en riant.
Le dîner se déroula chaleureusement jusque vers onze heures. Bien entendu, Sandra et Stéphanie avaient beaucoup parlé, surtout au sujet du futur enfant de Stéphanie qui devait naître dans deux mois. Stéphanie considérait Sandra un peu comme une grande sœur – qu’elle n’avait pas – et aussi comme une référence du fait de son métier de professeur de lettres modernes. Sandra avait vingt-six ans et vivait une vie très libre, voire très libérée, et ne concevait ni de s’associer définitivement avec un homme, ni d’avoir des enfants avant longtemps. Ce qui ne l’empêchait pas de s’attendrir devant la situation de Stéphanie. Plusieurs fois elle avait posé la main sur son ventre pour ressentir les mouvements du bébé. Marc s’était contenté de parler un peu de sa situation professionnelle de cadre à la SNCF sans trop porter de jugement sur la conversation des filles.
Vers onze heures trente, la sonnette retentit. « Ça, c’est mon mec » dit Sandra en se levant de table. Elle ouvrit la porte.
— B’jour mon chéri. Viens, je te présente Stéphanie et Marc.
— Bonjour. Gilles ! se présenta le jeune homme à l’adresse de Marc et de Stéphanie.
— Gilles ! Tu n’imagines pas l’histoire incroyable qui leur est arrivée dans le train, enchaîna Sandra.
Elle se mit alors à résumer à son ami l’histoire du bébé abandonné par sa mère. Stéphanie qui, au cours du dîner, avait un peu oublié l’histoire du petit Cédric, retrouva son anxiété. Elle s’adressa à Sandra.
— Demain, il faut que j’aille à l’ASE pour savoir ce qu’ils ont fait de Cédric. Et aussi il faut que je cherche du boulot, même enceinte. Et ça risque d’être difficile !
— Oh, j’y pense ! Je vais te présenter au Directeur du Monoprix de la rue Lévis. Il cherche du personnel en ce moment. Tu peux dormir ici et comme demain je n’ai pas cours, on pourra aller ensemble à l’ASE et après, au Monoprix, répondit Sandra.
— Tenez-moi au courant, Stéphanie, ajouta Marc. Vous avez mon numéro ? Je vais rentrer avant qu’il n’y ait plus de métro.
Marc rassembla ses affaires et prit congé du trio. Lorsqu’il fit la bise à Stéphanie, il fut ému au point qu’il se sentit rougir. Tout au long du trajet, il ne put s’empêcher de penser à Stéphanie. Il la trouvait belle et pensait que son gros ventre lui allait bien. Cela fit remonter à la surface ses propres désirs de progéniture qu’il avait eus dès l’âge de vingt-cinq ans mais qu’il n’avait jamais pu réaliser. Les quelques compagnes avec qui il avait vécu jusque là – jamais plus longtemps que six mois – n’auraient pas voulu entendre parler d’enfants et encore moins de mariage. Après être rentré chez lui et fatigué de cette longue journée, il se coucha et s’endormit aussitôt.