CHAPITRE XVIII
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CHAPITRE XVIII
CHAPITRE XVIII : Où l’on cherche la petite bête
Après avoir subi les visites intéressées de quémandeurs, solliciteurs et adjoints toute la matinée, sans avoir pu rédiger les mémos prévus, il quitte son bureau pour se rendre à la « Brasserie du cordon sanitaire ».
Il ne manque pas, par précaution, d’indiquer, avant de partir, qu’il n’en a pas pour longtemps et qu’il souhaite disposer de la plus grande tranquillité pour pouvoir travailler sur ses dossiers cette après-midi.
Le chauffeur de la Mairie, présent dans le hall, lui demande s’il doit chercher le véhicule.
Le maire refuse l’offre, en indiquant qu’il déjeune juste à côté et, après avoir vérifié qu’aucun adjoint n’a réservé le véhicule, insiste pour que cet agent prenne son après-midi.
Après avoir attendu un moment, la venue éventuelle du commissaire, il passe sa commande.
Au cours de son repas, il ne peut apprécier pleinement la qualité des plats, tracassé qu’il est par le retard qu’il a pris ce matin dans la rédaction d’un mémo de protection.
Il sent intuitivement qu’il y a la plus grande urgence à se garantir avec une démarche administrative.
L’intervention du 8ème adjoint lui semble, de plus en plus, montée de toutes pièces pour tenter de le piéger. Il se souvient alors que l’un des fonctionnaires du service
« cherchait un document dans un dossier », à quelques mètres [1]!
Il se félicite de l’accentuation de sa parano, depuis qu’il pratique les amitiés politiques… Et de ses compétences indéniables de tir rapide, où il est indispensable d’avoir un regard circulaire, qui lui ont permis de noter et de se méfier.
Il demande un calepin au serveur et commence à noter les détails de son entretien.
Il se souvient alors que l’adjoint a indiqué à plusieurs reprises qu’il soutenait de longue date les projets du Maire, et que sa fidélité était sans faille[2].
Il rappelait également que les financements devaient être contrôlés avec rigueur et qu’outre sa capacité exceptionnelle de travail, son implication, parfois excessive selon sa famille, dans sa mission municipale le conduisait à solliciter la gestion de ces financements.
Le maire se rendit alors compte de son erreur initiale, lorsqu’il pensait que l’adjoint voulait se servir au passage…
S’il lui refusait la gestion, il était évident que lui serait reproché tout coulage, dont il serait, bien entendu, responsable pour ne pas l’avoir empêché alors qu’il était prévenu !
Il rédige sur le bloc à sa disposition, un courrier interne chargeant la commission budgétaire de mettre en place avec le service budget, une analyse des coûts des travaux du tramway, pour aider le 8ème adjoint à assurer le suivi des dépenses.
Il établit un autre courrier à l’attention du 3ème adjoint, qui, outre un adversaire tortueux, est celui des relations intercommunales.
Il le charge, avec moults compliments et signes de reconnaissance, de mettre en place les discussions avec les communes concernées par la nouvelle ligne de tramway, et d’étudier avec elles les financements nécessaires.
Que, bien entendu, il lui fait entièrement confiance pour mener à bien cette mission, grâce à sa force de conviction et à son expérience municipale pour gérer tout cela sur tous les plans.
Il ne doute pas de recevoir les appels de reproche des maires des communes concernées.
Il lui faudra prendre le temps d’aller les rencontrer, pour expliquer les tenants et aboutissants et surtout, les financements possibles de solutions alternatives.
Parallèlement, il indique au service budget et à la commission budgétaire, qu’il vient de charger le 3ème adjoint de contrôler en collaboration avec le 8ème…
Ces courriers passant par le service courrier interne, l’information circulera plus vite que le courrier lui-même !!!
C’est la règle du savoir-faire, du faire et du faire-savoir !
En conséquence, soit l’alliance probable entre ces 2 adjoints se maintient et il lancera un audit au bon moment pour les piéger tous les deux, soit chacun joue sa propre partition, et une bonne « haine » lui permettra de diviser pour régner.
Sans compter que le service budget se chargera tout naturellement de dénigrer et de dénoncer toute dérive dont il ne serait pas maître…
La fin de son repas lui apporte entière satisfaction et il prend le temps d’un excellent café gourmand, suivi d’une poire parfaite.
Il prend quelques minutes pour converser avec le patron de l’établissement, dont, outre la relation amicale précieuse, l’entregent peut servir ultérieurement.
Dès son arrivée au bureau, il appelle sa secrétaire pour lui dicter ses courriers qu’il exige de pouvoir signer dans l’heure.
[1] En politique, un « témoignage », une remarque anodine à un journaliste suffisent à faire perdre une élection, surtout quand la presse n’est pas du même bord…
[2] Répéter trop souvent l’assurance de fidélité n’est que la preuve de son absence, surtout en politique administrative. Les fameux amis énarques de 30 ans…