CHAPITRE IV ET V
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CHAPITRE IV ET V
CHAPITRE IV : Où Force reste à la Loi
Monsieur DUPONT, qui a prévu de rester chez lui pendant l’été, faute de revenus suffisants pour partir en villégiature, aura beau se rendre à plusieurs reprises à la Mairie en profitant de la climatisation, n’obtiendra pas de réponse à ses demandes répétées quant au délai d’intervention.
Un jour de fort vent, il collera même une affiche à l’angle de la rue pour que les piétons passent de l’autre côté et ne prennent pas le risque de recevoir la plaque sur la tête.
La Police municipale fera son enquête pour découvrir l’auteur de cette affiche scandaleuse qui met en doute l’efficacité de l’administration.
Après avoir découvert qu’il s’agit de monsieur DUPONT, domicilié au 15 de la rue, la police municipale, sur ordre de la commission de la communication de crise (dont c’est la première depuis les élections), transmettra au parquet, copie de la CNI et du titre de propriété de « l’administré », pour suite à donner.
Cela confortera la décision d’exiger ces pièces justificatives à tout « administré » qui se présente…
Parallèlement, la commission de communication de crise obtient un budget dérogatoire, qu’impose l’urgence, pour faire intervenir l’Institut des Médias pour la Protection des Organisations Territoriales[1].
Heureusement, l’adjoint en charge de la communication de crise est le cousin du président de l’institut. Il obtient ainsi une intervention, couteuse certes, mais immédiate.
L’institut propose après 45 heures, facturées, un plan média, comprenant en premier lieu, une campagne d’affichage avec l’établissement semi-public qui détient tous les panneaux publicitaires, dont le président est l’adjoint chargé de la voirie.
En deuxième, une action forte par un message déterminant sur les réseaux sociaux et en troisième lieu, un discours du Maire, sur la télévision locale qui fera un prix, en contrepartie d’une légère augmentation de la subvention.
Cette dernière assurera également un suivi com de la procédure judiciaire engagée, pour soit, relever les cafouillages de la Justice qui fait preuve d’une indulgence coupable, soit, développer dans les médias, la preuve de la gravité des actions anti-municipales, que la Justice a sanctionné avec vigueur et rigueur.
Le 25 juillet, monsieur Dupont reçoit convocation pour se rendre le 31, au commissariat central.
Sa colère lors de cet entretien fut telle qu’il sera placé en garde à vue et passera en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel pour rébellion et outrage.
Le Tribunal, dans sa grande clémence et compréhension, le condamnera à 500 € d’amende avec sursis et à 1000 € de dommages et intérêts.
Pour un supplément tout à fait raisonnable l’Institut des Médias pour la Protection des Organisations Territoriales, lance sur le champ, malgré cette période de congés[2], une campagne pour faire apparaitre la violence, l’agressivité qui semblerait imposer au moins un suivi psychologique, sinon psychiatrique, de ce personnage désœuvré, qui abuse des services sociaux dont le chômage, et qui a pour seule occupation de s’attaquer aux institutions œuvrant pour l’intérêt général.
Monsieur DUPONT qui revint à son domicile, déjà haineux à l’encontre de la Mairie après l’audience correctionnelle, pris une colère tornadesque à la lecture de l’article du journal local, « Le Quotidien du Matin », le décrivant comme un fou furieux, dont la dangerosité semble tellement évidente, que l’on ne peut que regretter la clémence du tribunal.
Tout l’immeuble entendit ces injures et menaces à l’encontre de l’équipe municipale.
Le lendemain, il écrit un texte de pétition contre l’inutilité des services municipaux.
A compter de ce jour, il rameute toutes les personnes qu’il croise.
Sa virulence effraie bien certains mais petit à petit un noyau dur se concentre et chacun fournit des exemples.
Ces citoyens décident de créer une association et déposent les statuts auprès des services de la Préfecture.
CHAPITRE V : Où l’on se rend compte de la force de l’Histoire
Lorsque le matin de fin juillet, qui suit l’emport du carton spécial, monsieur DUPONT se trouve devant porte close de l’ancienne maison familiale, il ne peut qu’être surpris et inquiet du sens qu’il doit donner à cette situation.
La clef que lui avait laissée sa sœur, n’entre pas dans la serrure.
Il passe donc un coup de fil à cette dernière qui le réconforte en semblant tout aussi surprise que lui. Elle lui indique qu’elle va appeler son époux pour en savoir plus et le rappellera dans la matinée.
Dès lors qu’il ne peut, donc, avancer dans ses recherches, il décide de se rendre sur la falaise du « suicidé ».
N’ayant pu découvrir le moindre passage secret, dans les caves de la maison, et pourtant persuadé de son existence, il se dit qu’il pourrait peut-être en trouver trace par l’autre extrémité, qui devait se trouver, sans presqu’aucun doute, sur le plateau.
Arrivé sur place après une bonne marche, il prend le temps de souffler et d’admirer la vue sur la ville et tout particulièrement sur la maison de famille.
Grâce aux relations de son père, la zone, autour de la maison, est devenue réserve biologique et de biodiversité. Il est ainsi assuré qu’aucune construction ne viendra dénaturer le site.
Il en regrette d’autant plus de s’être trouvé dans l’obligation de vendre et que le nom sur la boite aux lettres ne soit plus celui de sa famille. Un bon veuvage, peut-être, s’amuse-t-il…
Reprenant son déplacement, il finit par se remémorer le rocher d’où avait sauté le fameux « suicidé » sur l’histoire duquel, il se promit d’effectuer les recherches.
Par curiosité, il grimpa sur ce promontoire et fut envahi par la violence instantanée d’une prise de conscience de ce qu’avait, sans doute, ressenti le défunt, avant de se jeter dans le vide.
Il en eut le souffle coupé et une colère intense lui serra la gorge, comme cela lui arrivait parfois, sans qu’il en connaisse la source mais qu’il réussissait encore à canaliser, par une nécessaire débauche d’énergie.
Immédiatement, il descendit du rocher et chercha à s’épuiser en effectuant des demi-cercles concentriques autour de ce point de départ.
Il espérait bien que cette méthode lui permettrait de découvrir une sortie de tunnel ou pour le moins sa trace.
Après avoir crapahuté pendant toute la matinée au travers des hautes herbes, des ronces et autres buissons, il n’avait toujours rien trouvé.
Il se promit de reprendre ses recherches à la première occasion.
Il regarda son téléphone et se rendit compte qu’il n’y avait pas de réseau, ceci expliquant l’absence d’appel de sa sœur.
Lorsqu’il parvint aux abords de la maison, sa sœur se préparait à repartir à son boulot et commença par lui faire le reproche de n’avoir pas répondu et que cela lui avait imposé son retour à la maison pour déposer un double de la clef, que lui avait donné son mari.
Il tenta bien de se justifier par l’absence de réseau, mais devant l’attitude de sa sœur, abandonna et subit sans réagir la diatribe familiale sur son inconsistance…
La colère, qu’il avait calmée par sa marche, remonta bien d’un cran, sinon plusieurs, mais il sut camoufler ce sentiment et récupéra simplement la clef.
Après les explications succinctes échangées, il apprécia d’autant plus d’avoir informé sa sœur de l’emport du carton.
Il se rendit compte, à cette occasion, qu’il en avait complètement oublié de l’ouvrir, obnubilé qu’il était par une sorte d’urgence de progresser et de terminer ses recherches dans la maison, avant que la porte ne lui soit définitivement close pour une raison ou une autre.
Après le départ de la propriétaire des lieux, il pénétra dans ce qu’il appelait, dorénavant, les archives secrètes.
Une fois installé, il effectua quelques recherches sur Internet, grâce à sa tablette, pour tenter de retrouver l’histoire du défunt, du « suicidé », dont il ressentait un besoin irrépressible de comprendre la décision.
Il trouva bien le nom, les date et heure du geste désespéré, mais aucune information sur les raisons de son acte.
Une forme d’impatience insurmontable lui imposa de se rendre aux archives municipales, sans attendre.
Il passa également un appel auprès de la presse quotidienne régionale, pour prendre rendez-vous aux fins de lire les articles de cette affaire.
Aux archives, à partir du nom, il apprit qu’un ouvrier, qui pouvait être de la famille, était décédé dans la carrière du plateau, lors d’un éboulement dans les galeries, le 4 août 1927.
Coïncidence, cette recherche se fit le jour anniversaire de ce décès et de la nuit de la fin des privilèges[3]…
Il espérait, pour la suite de ses recherches, que la presse serait plus informative, plus complète.
Lors de son passage, quelques jours plus tard, au siège du journal, il découvrit que l’ouvrier était bien le fils du suicidé et que le père, Albert Ségurier, s’était évertué à tenter d’obtenir l’ouverture d’une enquête criminelle.
Il soutenait que son fils avait été la victime d’un mari trompé. Il n’en connaissait pas le nom mais certains sous-entendus de son fils l’amenaient à penser qu’il s’agissait d’un notable.
Cet homme qui était particulièrement solide physiquement et mentalement, avait fini par abandonner tout espoir et avait mis fin à ses jours, en janvier 28, laissant son épouse et 2 autres enfants dans les difficultés financières et affectives.
Monsieur DUPONT mit au fond de sa mémoire, la petite étincelle de doute que laissait transparaitre plusieurs articles, du même journaliste.
Il poursuivit ses recherches dans les archives des mois suivants des derniers articles insinuants à partir du nom de l’auteur, François MORTANT, et s’aperçut qu’il n’avait plus jamais écrit dans cet organe de presse…
Il ne trouva pas d’élément concernant le départ de ce journaliste, mais se promit de rendre une visite à ses descendants.
Il commença un nouveau carnet pour inscrire les résultats de ses recherches et la liste des choses à faire.
Il note les références du plan des galeries de l’époque et obtient l’autorisation d’en tirer une copie, qu’en outre, il prend la précaution de photographier avec son mobile.
[1] Acronyme IMPOT
[2] Il est important de le préciser car cela explique le surcoût de l’intervention
[3] 4 août 1789