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Et une ombre trop bavarde

Et une ombre trop bavarde

Veröffentlicht am 30, Juli, 2024 Aktualisiert am 30, Juli, 2024 Horror
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Et une ombre trop bavarde

???, 1928

 

Quatre dossiers étaient posés, sur la table devant elle. Des observations, des photographies, des notes, toutes concernant. Les participants de ce grand concours, qui montrerait qui d’eux cinq était le plus cruel, le plus inventif, le plus efficace, le plus discret. Entre Edith Sinclair, Richard Lefleur, Sarah Laroche, Edward Carlson et… elle.

Il fallait maintenant les contacter, après les avoir observés pendant tout ce temps. Et un peu interagit pour certains. Elle ne pouvait pas résister. Tous si bons comédiens, capables de se montrer inoffensifs aux yeux du monde. Jusqu’au coup de grâce.

 

Depuis la fenêtre, elle entendait les cris de joie et la musique émanant de la place centrale de la ville, et de partout ailleurs. La fiesta del verano*. La célébration du jour le plus long de l’année, une fête organisée et ordonnée par le roi qui avait lieu chaque année dans toute l’Espagne. S’arrachant de ses carnets, elle se dirigea vers sa chambre pour se préparer. Elle devait faire une apparition publique et s’amuser avec le peuple comme si tout était normal.

Cela l’ennuyait profondément. De plus, elle ne pouvait se montrer en cette tenue, pleine de sang, de cambouis et de matière grise. Il fallait admettre, elle bloquait, et la rencontre avec ces gens, des gens presque comme elle, pouvait l’aider à terminer son… projet en cours. Elle lui jeta d’ailleurs un dernier regard avant de s’éloigner. Bientôt, il se mouverait, marcherait et prouverait au monde le génie de sa créatrice.

 

-Madame ? Êtes-vous prête ?

 

Le majordome du manoir, Mendoza Valdes, toquait à la porte, inquiet, car la jeune femme, propriétaire des lieux, avait disparu dans sa chambre depuis déjà plusieurs heures.

 

-J’arrive Mendoza. Laissez-moi quelques minutes.

-Bien Madame. Que Madame me fasse signe quand elle sera vêtue d’une tenue décente.

 

La jeune femme passa une robe émeraude aux épaules nues, un châle d’argent, et coiffa ses cheveux d’ébène en un chignon lâche, le piquant d’épingles de saphir, s’accordant avec ses yeux bleu azur. Avant de partir pour de bon, elle réunit sur son bureau plusieurs enveloppes de papier noir cachetées, afin que son assistante les envoie au plus vite. Elle pensait déjà à la suite, à leur réunification, ce qui en un sens, malgré son apparente froideur, la réjouissait.

Mais elle devait se réfréner, se tenir à son rôle. Elle afficha donc son plus beau sourire et se rendit aux festivités, déterminée à se montrer aux yeux du peuple en tant que Luzia Ifelis Dela Ria, maîtresse de la ville et des environs. Son cœur n’y était pourtant pas, sa tête revenant sans cesse aux quatre noms, ces rivaux, ces potentiels alliés qui allaient bientôt se rencontrer. Et enfin…

 

Le fil de ses pensées fut interrompu par la vue d’une silhouette sombre, qui l’attendait dans un recoin du manoir.

 

-Tu m’apportes de bonnes nouvelles, j’espère ?

-Bien sûr Señorita Dela Ria, fit l’autre d’une voix moqueuse. Toujours pour ma suzeraine.

-Et bien parle !

-Je reviens de la capitale. La Reine est enceinte…

-Mon Dieu ! soupira la première, agacée. Encore une célébration à laquelle je vais devoir assister pour le plaisir malsain de Sa Majesté. Je ne vois pas en quoi ceci est une bonne nouvelle.

-La Reine est enceinte de son huitième mois, compléta la femme en noir, pas le moins du monde gênée par cette interruption. Le Roi restera donc à ses côtés les quelques jours avant la naissance de l’enfant. Il ne viendra donc pas ici fourrer son nez.

-Intéressant effectivement. Mets quand même des dispositifs en place pou tuer le nourrisson. Un empoisonnement au monoxyde de carbone suffira.

-Tu n’as décidément aucun cœur ma chère Luzia, ricana son interlocutrice.

-C’est un outil bien inutile si tu veux mon avis.

-À ta convenance ! Mais dépêche-toi, ton peuple t’attend.

-Tu as malheureusement raison.

-Je finirais les derniers préparatifs, ne t’en fais pas.

 

Sans un mot de plus, les deux femmes repartirent chacune dans une direction, l’une vers la lumière des regards braqués sur elle, l’autre dans la pénombre des couloirs emmurés du manoir, partageant un secret des plus sinistres. Luzia sourit. Tout était presque fini. Tout était presque parfait. Et enfin leur drôle de jeu pourrait commencer.



Lexique :

 

« fiesta del verano »* : la fête de l’été en espagnol.



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