Glückwunsch! Deine Unterstützung wurde an den Autor gesendet
Un prince au village

Un prince au village

Veröffentlicht am 5, März, 2020 Aktualisiert am 5, März, 2020 Kurioses
time 4 min
0
Liebe ich
0
Solidarität
0
Wow
thumb Kommentar
lecture Lesezeit
0
Reaktion

Auf Panodyssey kannst du bis zu 30 Veröffentlichungen im Monat lesen ohne dich anmelden zu müssen. Viel Spaß mit 29 articles beim Entdecken.

Um unbegrenzten Zugang zu bekommen, logge dich ein oder erstelle kostenlos ein Konto über den Link unten. Einloggen

Un prince au village

Un prince au village

 

Dès que nous nous voyons, Ali et moi, nous sommes saisis d’un fou rire irrésistible – sans bien savoir pour­quoi.

Il serait peut-être astucieux de recevoir tous les migrants de cette façon.

Parfois, le serveur pakistanais du Café carré arrive tard dans la matinée ; par­fois à peine suis-je assis pour travailler mes pages, l’étui à cigarettes argenté sur la gauche, deux aérosols Trimbow et Bronchodual sur la droite, une laine à mon cou, il m’apporte déjà mon petit-déjeuner ; parfois il me le fait payer, parfois pas. Une dis­tinction émane de cette dé­contraction.

Il est tou­jours très bien vêtu, avec une sorte de légè­reté élégante qu’il me semble recon­naître dans les do­cumentaires sur l’Inde et l’Asie, mais comment être sûr, je bouge peu, surtout pas. Il y a de la sou­plesse dans sa démarche : il évolue, sa lenteur pouvant passer pour de l’indolence ou une certaine paresse, à moins de cir­conspection ? à croire qu’il serait en milieu hostile. Non, à mon avis, Ali n’est pas tout à fait là – entre deux mondes comme entre deux eaux.

Je ne parle plus qu’à mon ami pakistanais dans cette ville où je sais d’avance tout ce qui peut m’être dit : comme il me comprend à peine et que je ne le com­prends pas du tout, notre relation est heureuse. Il me regarde avec une affection timide.

Je lui dis qu’il devrait tout de même ap­prendre à mieux parler français, sa vie ici serait plus intéressante, ainsi de suite.

Il me regarde avec une affection décuplée.

Bon, tu t’en fous, c’est ça ?

Il est pris d’un fou rire heureux.

______

 

Quand il pleut, Ali n’admet pas de sortir du Café car­ré, devant la Maison carrée, honorable bâtiment. Il a des réti­cences de chat. Il fait du surplace der­rière le comptoir à la façon du sportif en salle sur un tapis de course. La mousson a dû traumatiser son enfance pakistanaise.

Et justement il pleut quand le marathon annuel vient à passer devant le parvis du monument romain. Mon ami étrange, à cette vue, est écroulé de rire. Il ne s’explique pas, il s’explique rare­ment, mais je crois com­prendre. Il évident que ce garçon aime s’amuser, malgré tout. Et qu’y-a-t-il de plus amusant qu’un Occidental ? À quoi bon se dépêcher ? À moins qu’ils ne courent après un para­pluie ? Ainsi de suite.

Les sportifs défilent, leurs survêtements sont un arc-en-ciel humain en déplacement horizontal, tous sont extrêmement poussifs, lourds, en sueur – trop physiques. La pluie claque des mains. Légère. Rien ne me perturbe. J’écris avec autorité ma Merveilleuse Autobio­graphie – 1001 vies, à l’abri de l’averse sous un parasol, le regard fixé sur la ligne bleue de l’Arrivée. Mon marathon per­son­nel.

Ali s’assied près de moi sous le toit de toile sans se soucier s’il me dérange. Il va de soi que je ne lui en fais rien sa­voir : il est de la diversité – alors que j’aurais en­voyé balader n’importe quelle souche. Il me regarde travailler. Ça le repose. Un coup de vent disperse mes notes, je cours après comme je cours après le ta­lent. Il me re­garde courir avec intérêt.

À peu de temps de là, pour les Fêtes de la romanité, tous les garçons café devant se déguiser de circonstances, une foule de Bar­bares envahit les terrasses de la noble et an­tique cité. Vous connaissez mon amour de l’humanité. Ce n’était pas simple. C’est alors que ce Pakista­nais du feu de Dieu re­fuse catégori­quement de servir en sénateur romain.

Je suis musulman, pas comique.

J’apprenais ainsi qu’il s’exprimait bien mieux – dès qu’il s’agissait de religion – que je ne le supposais dans mon ingénui­té.

Souvent, debout près de moi, Ali s’absente en lui-même, son plateau sous le bras. Je n’en doute pas, sa rêverie est déposée dans le filet du compar­timent de bois d’un train à va­peur hindou. La cheminée éternue des nuages de fumée qui luttent contre les trombes d’eau de la mousson. Si bien caché quil semble une de ces fi­gu­res mê­lée aux circonvo­lutions dun tapis oriental dans le jeu cher­chez lintrus, le visage d’Ali s’y confond avec les volutes de la fumée dans le soleil couchant.

 

à suivre dans :

http://impeccablemichelcastanier.over-blog.com

[l’image est de Samuel_van_Hoogstraten]

 

lecture 140 Aufrufe
thumb Kommentar
0
Reaktion

Kommentar (0)

Dir gefallen die Artikel von Panodyssey?
Unterstütze die freien Autoren!

Die Reise durch dieses Themengebiet verlängern Kurioses
Reflet
Reflet

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, vôtre sourire, ma joie.

Bernard Ducosson
1 min
Jurer
Jurer

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, vôtre sourire, ma joie.

Bernard Ducosson
1 min

donate Du kannst deine Lieblingsautoren unterstützen

promo

Download the Panodyssey mobile app