A propos de l'âme
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A propos de l'âme
L'âme, on en a une de temps en temps.
Personne ne l'a en continu
ni pour toujours.
Il arrive qu'elle nous évite,
de jour en jour,
d'année en année.
Parfois, c'est dans nos ravissements
et dans nos peurs d'enfant
qu'elle vient se blottir un peu plus.
Parfois, c'est dans le trouble
du constat de notre âge.
Elle ne nous assiste guère
dans nos fastidieuses besognes,
comme déplacer des meubles,
porter des valises
ou porter des chaussures trop petites*.
Ou lorsque nous renseignons des questionnaires,
hachons de la viande,
et, d'ordinaire, durant nos congés.
Sur mille conversations
elle ne participera qu'à une seule
et encore rien n'est sûr
car elle préfère le silence.
Quand notre corps commence à nous nous faire mal, encore et encore,
elle quitte sa permanence en catimini.
Elle est exigeante.
Elle n'aime pas nous voir dans la foule.
Nos compétitions futiles et le tintamarre des affaires
la répugnent.
Elle ne fait pas de différence
entre la joie et la tristesse.
Ce n'est que dans leur réunion
qu'elle se manifeste à nos cotés.
C'est quand on n'est plus sûr de rien
mais curieux de tout
qu'on peut compter sur elle.
De tous les objets
elle aime les horloges comtoises
et le zèle des miroirs,
même quand personne ne regarde.
Elle ne dit pas d'où elle vient,
ni quand elle s'en ira
mais, à l'évidence, elle attend qu'on lui pose cette question.
Il semblerait que,
tout comme nous d'elle,
elle aussi,
elle ait besoin de nous.
- Auteur : Wislawa Szymborska
- Langue : Polonais
- Traduction : Julien Ziemniak
- Photo d’entête : Julien Ziemniak
- Version PDF et autres poètes, ici : https://jb-photographies.net/poesie/.
* Ce vers fut réécrit en collaboration avec Jean-Jacques Hubinois
Julien Ziemniak vor einem Jahr
Le parti-pris de la sobriété est fait pour me plaire. C’est davantage dans l’esprit de Szymborska. Vous avez raison : au diable la lettre, respectons l’esprit ! Mais je vais pousser encore d’un cran pour écrire : « Porter des chaussures trop petites ». On aura ainsi un écho avec le vers précédent. Merci pour votre implication et votre collaboration.
Jean-Jacques Hubinois vor einem Jahr
C’est juste parfait!
Jean-Jacques Hubinois vor einem Jahr
Bien aimé... Difficile de définir l'âme. Aristote avait une belle définition et pour lui tout être vivant avait une âme.
Peut-être serait-il plus élégant de modifier la phrase: "traverser la chaussée chaussé de chaussures..."
Bien à vous
Julien Ziemniak vor einem Jahr
Merci pour votre commentaire et votre remarque. Je vais retravaillé la traduction de ce vers. Je l'aimais bien pourtant car le polonais est une langue qui chuinte beaucoup et il collait assez bien aux sonorités d'origine, à la musique de la strophe. Auriez-vous une suggestion ? Je suis preneur. Merci encore.
Jean-Jacques Hubinois vor einem Jahr
Peut-être simplement s’éloigner du texte originel et mettre simplement « traverser la route dans des chaussures trop petites »
Mais seul vous puissiez ressentir le texte… Ce n’est qu’une modeste suggestion.
Ça reste très beau à part cette phrase inélégante.
Merci pour ces écrits.