

Chapitre 23 : Le miroir menteur
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Chapitre 23 : Le miroir menteur
Les jours se suivent, chacun est identique ou presque à celui de la veille. Le cœur au bord des lèvres en permanence, elle n’arrive plus à manger. Au début, rien n’y parait. Mathéo n’est pas souvent là, alors, elle ment et prétend avoir déjà déjeuner ou diner. Il ne semble pas voir que rien ne disparait dans le frigo ou dans les placards, toujours aussi remplis que les jours précédents. Dans un rituel quotidien, un pétard le matin, avec un café et un petit pain au chocolat acheté à la boulangerie au coin, ramolli dans son bol pour ne pas avoir à le mâcher.
Et rien d’autre de la journée… Juste de la nicotine, de la caféine et quelques joints. Mais très vite, son corps montre des signes de faiblesse. Elle se sent partir, enchaine vertiges, malaises et crises d’angoisse. À bout de force, elle démissionne de son travail qui l’oblige à faire de longs trajets en bus dès potron-minet, pour St Malo. Elle ment encore, pour justifier.
Et puis, un jour, éclate une dispute avec Mathéo, qui vient de prendre conscience du manège de Juliette. Sa mère à lui est venue et tout de suite, Juliette sent qu’il se trame quelque chose de particulier. La mère de Mathéo, Anita, a apporté des plats qu’elle a cuisinés pour eux.
Juliette essaie de faire bonne figure, s’empare des tupperwares et s’agenouille pour les mettre au frigo en essayant de dissimuler les hauts le cœur que génère le simple fait de toucher de la nourriture.
Elle tente, en vain, de contenir les larmes de rage qui menacent. Mathéo s’approche, la relève de sa génuflexion et maintient ses mains dans les siennes. Il la regarde fixement, et lui glisse doucement :
“qu’est-ce qu’il y a Juliette ? Je vois bien que tu ne manges plus rien, tu sais ? Tu as envie de mincir, c’est ça ? Mais tu n’as absolument pas besoin de faire un régime, tu sais ? Je te trouve parfaite comme ça…”
Non mais il est grave lui…Il croit vraiment que j’essaie de maigrir ? Rage Juliette à l’intérieur
─ Mais qu’est-ce que tu racontes ? JE NE FAIS PAS DE RÉGIME ! Parce que je mange moins, c’est forcément parce que je veux perdre du poids ? Ce n'est pas un peu misogyne comme réflexion ça, « mon chéri ? C’est juste que je n’ai PAS FAIM ! Non, je ne fais pas de régime ! Je n’ai juste pas envie de manger ; ça me dégoute, tu me dégoutes, tout me dégoute ! Maintenant, tu me lâches ? Ou je me tire ?
Anita essaie d’intervenir, Juliette la toise de son regard dédaigneux et file se terrer dans la chambre, en attendant qu’elle s’en aille. Mathéo ne reviendra pas à la charge frontalement, sans doute par peur que Juliette ne s’envole définitivement de sa cage.
Quand elle s’observe dans le miroir, elle ne voit rien de particulier.
Celui-ci lui renvoie toujours la même image qu’à l’ordinaire. Elle n’est pas grosse, Juliette. Elle a de jolies formes latines qu’elle a toujours acceptées, même quand elles se sont retournées contre elle, puisque visiblement, elle fait ressortir le pire chez l’homme, la testostérone incontrôlable. Elle se rend bien compte que ce n’est pas normal de ne rien manger, à part un pain au chocolat, parce qu’elle a toujours été gourmande, Juliette. Mais elle se dit que ça passera, forcément, que ça doit être le contre-coup émotionnel de tout ce qu’elle a traversée depuis ces derniers mois. Pourtant, les semaines passent, puis les mois, et sa gorge est toujours cadenassée.
Pain au chocolat, café et joints. Rien de plus, jamais. Toujours cette boule, encore cette bile dans le gosier. Et puis, le malaise de trop. Cette fois, elle tombe net, n’a pas le temps de s’asseoir pour amortir la chute.
Mathéo arrive et la trouve inconsciente.
Il soigne les bobos, la force à boire de l’eau avec du sucre, puis l’emmène chez le médecin, à côté.
Elle est sommée de se déshabiller, de se peser. Juliette, mal à l’aise, voit le regard du docteur la détailler des pieds à la tête. La balance, froidement goguenarde clignote en affichant le poids qu’une gamine fait habituellement à 13 ans… Juliette tente de plaider une défaillance technique, mais le médecin prend déjà sa tension, racle sa gorge et s’assoit en remettant ses lunettes.
“Juliette, là, tu es vraiment sur une pente très glissante…Ta tension est dangereusement basse et tu as perdu énormément de poids. Mathéo m’a dit que tu ne me mangeais plus rien ou presque et quand je te vois, je ne peux que le constater. Je n’irais pas par quatre chemins, si tu perds encore un kilo, tu vas vraiment te mettre en danger et je serai contraint de demander une hospitalisation d’office.”
Elle déglutit à grand-peine. Elle ne comprend pas vraiment ce qu’il se passe, parce que, pour elle, rien n’avait changé, si ce n’est qu’elle n’a plus jamais faim. Mais si son reflet est toujours le même, où étaient donc passés ses kilos volatilisés et surtout, pourquoi la regarde-t-on ainsi, avec presque de la pitié ? Elle rentre à l’appartement, Mathéo sur les talons, entourée d’un brouillard opaque, où elle semble se noyer. Juliette perçoit des bribes de phrases, des mots qui brutalisent les oreilles. Il décrit avec un détachement professionnel, le déroulé rigide d’une hospitalisation pour troubles alimentaires. Mais elle sait déjà qu’elle ne supporterait pas d’être hospitalisée, et puis que deviendrait Muffin si elle partait ?
Il la soutient de son bras, quand elle monte les escaliers pour regagner l’appartement, comme une poupée de porcelaine que l’on craindrait de briser. Juliette se libère, agacée par sa sollicitude et s’enferme dans la salle de bain. Elle extirpe la vieille balance, planquée sous la baignoire, se déshabille et se scrute sans compromis dans le miroir baigné de la lumière crue et sans âme du plafonnier.
Elle palpe ses bras, ses épaules, ses omoplates, en sent chaque os, touche son torse et ressent la saillance de chaque côte. Puis, elle observe ses jambes, ses genoux qui semblent disproportionnés, et ses hanches, décharnées, couvertes des bleus. Elle détaille crûment le visage qui se reflète face à elle. Il est pâle, presque jaune et ses pommettes, proéminentes, font ressortir ses traits creusés. Toute couleur l’a désertée, à part l’estafilade rouge qui zèbre sa joue gauche, depuis sa rencontre avec la table basse, quand Juliette s’est effondrée.
Puis, elle monte sur la balance, en fermant les yeux. Elle respire très fort, avant de les ouvrir, essayant de se persuader que la situation n’est pas si dramatique que ce qu’on veut bien lui faire croire. Mais visiblement, ça l’est… Juliette sautille sur la balance pour vérifier que l’aiguille n’est pas bloquée. Ladite aiguille tressaute, et se met d’accord avec celle du cabinet médical. Son épée de Damoclès du moment, s’appelle « 45 kgs ». Ne pas descendre plus bas, pour échapper à la sonde, mais… comment manger, quand son corps s’y refuse ?
Alors, elle commence à avaler les anxiolytiques qu’il lui a prescrits. Comme les Smarties d’un autre temps. Peut-être qu’alors la boule nichée dans sa gorge disparaitra, enfin, parce que finalement le plus difficile n’est pas d’arrêter de se nourrir, l’épreuve, c’est de réapprendre à manger.
Les semaines suivantes, Mathéo l’enrobe d’une présence et d’une douceur inhabituelles.
Il s’arrange pour rentrer tôt, lui prépare les petits plats qu’elle aimait tant avant, va lui acheter des viennoiseries et ne la lâche plus d’une semelle. Elle essaie de lui faire plaisir et chipote dans son assiette, mais dès qu’il tourne le dos, glisse, en douce, des fourchetées entières à Muffin qui n’est jamais bien loin. Elle avale une bouchée ou deux, lors de ces repas qui ressemblent à des supplices chinois, et dort pendant des heures, la journée et la nuit. Comme engluée d’une torpeur perpétuelle, empêtrée dans sa chrysalide intérieure. Juliette, bien que consciente qu’il essaie de l’aider, supporte de moins en moins cette oppressante présence.
Il la regarde comme on surveille une gamine capricieuse, lorgne les assiettes toujours aussi pleines. Juliette, quant à elle, bataille contre son corps rebelle, qui refuse les aliments dans sa bouche, comme s’il ne savait même plus mastiquer, encore moins déglutir.
Des heures, chaque jour, de lutte contre elle-même. Elle essaie
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