

Chapitre 14 : Un cavalier sacrifié
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Chapitre 14 : Un cavalier sacrifié
Le réveil me trouve froissée, en vrac. Les céréales sont renversées, le lait avec, une des roues de mon vélo crève en pleine montée et Dorian, qui doit sentir le vent tourner, me donne un baiser de conte de fées. Un vrai traquenard, ou alors, la convergence de signes de l’Univers qui me disent d’annuler sagement, de ne pas faire de bêtises encore, dans un infernal schéma qui ne cesse de se reproduire. Comme une gamine tellement fascinée par la beauté des flammes qu’elle ne peut résister à la tentation d’y aventurer les doigts et s’y brûle férocement. Les heures passent, mes synapses s’agitent sous mon casque. Les gens dans mes oreillettes râlent, je réponds mécaniquement, analysant tous les angles de l’inconfortable situation dans laquelle j’ai sauté pieds joints. Mes yeux se faufilent le long du dos de Dorian, s’arrêtent un instant sur sa nuque d’artiste échevelée, courbée sur son bureau en pleine esquisse. Je repense à mes doigts qui s’y accrochent dans notre fauve intimité, puis mon regard s’écorche sur le petit sachet de «Cicatryl» que je lui ai donné il y a plusieurs mois, punaisé puis abandonné là, sur la paroi de son box. Je replonge, en pensées, au creux de ce soir où nous étions chez moi et je m’étais brûlée en cuisinant. J’avais barbouillé mon doigt de crème cicatrisante et je lui avais glissé un sachet jumeau dans la poche pectorale de sa chemise, en lui chuchotant, sous la forme d’un triste présage : « Pour si jamais je te blesse un jour… » Il m’avait enveloppée d’un regard amusé, puis avait ébouriffé ses cheveux en un geste machinal touchant à souhait, avant de m’embrasser et de faire s’envoler au loin les funestes prédictions. Aujourd’hui, la vue de ce vieux sachet tout écorné réanime la tristesse mêlée de remords et de regrets, de nostalgie pour ce qui est déjà mort, ce qui n’a jamais été et de détermination vis-à-vis de ce que je n’ai pas encore fait.
C’est décidé, j’annule avec Emmanuel ! Je ne peux pas faire ça.
Dorian, qui semble presque avoir télépathiquement suivi le cheminement de mon âme torturée, pivote légèrement sur son siège pour m’adresser un clin d’œil complice et un sourire à me damner. Je me déteste. Moi et mon cœur pour toujours fragmenté.
J’attends que la journée s’achève et trace mon chemin rapidement pour ne pas être alpaguée par qui que ce soit. Je survole les portes battantes, le sas d’entrée, les bruits métalliques et le dédale des rues qui me procurent un cocon d’anonymat. Presque sans trembler, je pianote son prénom et appelle Emmanuel.
— Coucou, tu vas bien ? Voilà, par rapport à ce que je t’ai dit hier, ça ne va pas être possible. Je me suis trompée de week-end ; en réalité, ma fille est là et ma meilleure amie vient pour quelques jours. J’avais complètement zappé…
Olala, j’ai ma voix de menteuse, il va me griller, là…
— Ah, euh… ok.
Un pesant mutisme glace mon téléphone puis il glisse :
— Ben, ce n’est pas grave. On peut se voir avec Fleur, elle fait partie de ta vie, c’est même elle aussi une de mes anciennes clientes. Ne t’inquiète pas pour ça. Et pour ta copine, c’est cool de la rencontrer, tu m’as beaucoup parlé d’elle…
Zut, il est pugnace…
— Non mais moi, ça me met terriblement mal à l’aise. Elle ne vient pas souvent et je ne pense pas qu’elle apprécierait…
Pardon Stella, je te fais passer pour une peste, mais nécessité fait loi.
— Bref, je suis désolée mais on annule, ok ?
Je ne me rappelle plus précisément ce que nous nous sommes dit, tant j'étais soulagée d'avoir lâché cette bombe cyclothymique. Mais à sa voix, je sentais qu'il ne me croyait pas, ou du moins, qu'il doutait de la véracité de mes paroles. Il me connaissait trop bien, et c'était là l'inconvénient. D'ailleurs, il est vraiment étrange d'envisager quelque chose avec un homme qui a été mon banquier. Il connaît mes petits secrets, s'immisce dans ma vie, juge mes moindres dépenses superflues. Je me trouvais tout un tas d'arguments pour conforter le pragmatisme de ma décision, prise et exécutée avec froideur. Mais comme souvent, je vacille encore et toujours sur le fil de mes émotions, ballottée entre mes deux hémisphères, oscillant entre deux nuances de couleur. Le soir, quand l'appartement se pare d'une atmosphère douce et que le silence fait son nid, c'est déjà une tout autre mélodie qui résonne. Comme si un marionnettiste invisible avait tourné un diabolique interrupteur pour tamiser la lumière et la teinter de gris.
Je ressasse chaque phrase, détricote les mots, les respirations, me demande s'il est en colère, déçu, fâché. Si notre relation est morte, prête à être enterrée. Je me dis que moi aussi, si on me faisait la même chose, je serais tout ça : en colère, déçue et fâchée. Et en même temps, mon existence était déjà si compliquée, à naviguer perpétuellement entre deux planètes, que ce n'était pas le bon moment pour envisager autre chose qu'une simple "possibilité". C'est doux, une possibilité, ça caresse la peau, embrase l'imaginaire, ça ne débarque pas à l'improviste pour mettre le bazar dans une vie déjà chaotique. Et puis, il fallait que je fasse les choses correctement avec Dorian. Dès lundi, je lui dirais que c'est terminé, quand il rentrera de son expo, c'est mieux. Pas très sympa, mais mieux.
En boucle, j’actualise les réseaux sociaux d’Emmanuel, comme bloqués dans le passé. Pas de posts récents et aucun nouveau message. En même temps, je ne vois pas pourquoi il m’en enverrait là, maintenant. Je n’écris pas non plus, puisque je suis censée être avec ma meilleure amie. Quelle idiote je fais ! Voilà ce que c’est de mentir ! Si ça se trouve, il est passé à autre chose. C’est même sûr. À cette heure, il doit être dans les bras de Barbara, j’en fiche mon billet !
En soupirant, je m’avachis dans ma loveuse en rotin, me glisse sous le plaid avec un pot de crème glacée au chocolat et ingurgite des séries sucrées à la petite cuillère, jusqu’à me sentir glisser dans un sommeil froissé par les vents contraires.
La lumière du jour me réveille à travers les fins voilages de ma chambre. Fleur dort encore. Le manège des sentiments contradictoires fait résonner les premières notes de son carrousel. Je me secoue, pas le temps pour les regrets. C’est samedi, ne pas penser à lui, ne pas penser à Dorian, appuyer sur pause, jouer avec Fleur, aller faire les courses, nettoyer, ranger, déjeuner, et ce soir, elle partira chez son père. Je pourrais alors réfléchir, peut-être appeler Emmanuel, dire la vérité, attendre le retour de Dorian et arracher le pansement d’un coup rapide et précis. Après, j’y verrai certainement plus clair. Tandis que je griffonne cette liste mentale pour m’amarrer à son encre, mon portable émet un bref signal d’alerte - un message de William.
Je hausse un sourcil, déverrouille d’un doigt agile et lis sa brève missive :
« Je ne pourrai pas prendre Fleur ce soir. Désolé. »
Quelques mots négligemment jetés, et en un seul uppercut : un retour de karma.
Tu parles, tu ne peux pas ! Tu ne veux pas, en fait. Comme par hasard, deux jours après le rendez-vous de médiation, où tu es encore passé
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