5. Ça vient de l'intérieur
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5. Ça vient de l'intérieur
Tokyo - Japon
J -21
Seul le cliquetis régulier des doigts qui courraient sur les claviers créait un bruit de fond dans l’immense étage ouvert en un unique espace. Les box se révélaient tous identiques, alignés pour optimiser au mieux la surface. Les cloisons basses permettaient à chaque employé d’élargir leur champ de vision s’ils redressaient la tête de leur cubicule. Mais aucun ne redressait la tête. Ils étaient tous concentrés à la tâche, subjugués par leur écran et les informations qui y défilaient.
Aucune discussion ne venait alourdir l’ambiance. Pas un éclat de voix. Pas même un chuchotement. Il régnait une atmosphère studieuse digne d’un passage d’examen de fin d’année.
Masao Takahashi, vingt-huit ans, bien de sa personne, focalisait toute son attention sur le rapport d’activité des ventes attendu par son superviseur. Un petit chat en plastique gris aux yeux trop grands pour son corps représentait la seule touche personnelle sur son bureau. Le « maneki-neko » – littéralement « Chat qui invite » – était censé apporter fortune quand il levait la patte droite, et saluer les clients quand il levait la patte gauche. Les intérêts de Masao portaient de toute évidence sur les revenus de sa compagnie, comme l’indiquait la dextre montée sur ressort de son porte-bonheur et qui oscillait au rythme de la frappe de son propriétaire sur les touches de son clavier.
Il enchaînait les fonctions de son tableur et de son traitement de texte avec aisance. Sa capacité de concentration était telle, qu’il pouvait d’ordinaire travailler des heures durant jusqu’à l’issue d’un rapport. Mais ce matin, Masao s’arrêta soudain au milieu d’une ligne. Ses mains restèrent en lévitation au-dessus du clavier, immobiles. Son visage se crispa, il manqua une respiration. Ses yeux quittèrent l’écran et ne trouvèrent que le tissu beige de la paroi de son espace de travail. Ils s’arrondirent de surprise, d’effroi, puis de douleur. Ses mains abandonnèrent enfin leur position saugrenue et agrippèrent le rebord du bureau. Masao reprit un instant une bouffée d’air. Sa respiration était saccadée, les traits de son visage crispés. Sa bouche s’ouvrit pour appeler à l’aide, mais aucun son n’en sortit. Il se plia brusquement en deux. Sous l’impulsion, sa chaise à roulette le propulsa à l’écart, et la patte du petit chat s’agita de plus belle.
Autour de lui, personne n’avait encore remarqué quoi que ce soit, tout le monde restait appliqué à sa tâche.
Masao convulsa, tomba de son siège qui partit valser en arrière et se renversa dans le couloir séparant deux rangées de cubicules. Le fracas fit l’effet d’une bombe. La collègue de droite lâcha un juron étouffé, celui de gauche expira en un souffle réprobateur. Personne en face ne se retourna. Pourtant, le fragile équilibre était rompu. Un chuchotement par ci, un étirement par-là, la douce régularité du cliquetis baissa d’intensité, et les gémissements étranglés de Masao se firent entendre.
Akiko Tanaka, à deux allées de distance, fut la première à se redresser, juste avant que le long cri d’agonie de Masao ne parvienne enfin à s’échapper de ses lèvres.
Le hurlement sortit tous les travailleurs de leur transe. Les têtes jaillirent comme une colonie de chiens de prairie aux aguets et tous les regards se tournèrent bientôt vers le box vide.
Masao, roulé en boule sur le sol, retrouva le silence. Pendant quelques secondes, l’incompréhension la plus totale se peignit sur les visages. Seule Akiko se déplaça et longea les box pour rejoindre Masao. Elle se figea à l’entrée de l’allée où travaillait le jeune homme. Ce dernier venait de se redresser d’un coup, comme un diable en boîte. Plus aucun son ne sortait de sa bouche entrouverte et il resta immobile un moment, tel un pantin désarticulé. D’autres employés commencèrent à converger vers lui, mais s’arrêtèrent eux aussi au débouché de l’allée, témoin désormais de ce qui avait cloué Akiko sur place.
Une épaisse fumée noire s’échappait des pans du pantalon de Masao, stagnant pour l’instant au sol. Puis soudain, le tissu s’enflamma et le corps s’embrasa aussitôt comme une bûche surchauffée.
Des cris de panique retentirent. Les collègues les plus proches évacuèrent leurs stations de travail au pas de course pour rejoindre les artères principales.
Masao restait immobile, sans doute rongé de l’intérieur depuis un moment, tandis que les flammes s’élevaient jusqu’au faux plafond. Puis, les os finalement consumés, la torche humaine s’affaissa sur elle-même. Les extincteurs automatiques se déclenchèrent, ajoutant encore aux cris de panique. Akiko tomba à genoux devant l’horreur de la scène, une main crispée sur sa bouche ouverte et un hurlement de torpeur silencieux. L’eau ruisselait sur elle. Les collègues qui l’avaient rejointe la prirent sous les aisselles pour l’éloigner, d’autres accoururent avec des couvertures et des extincteurs portatifs pour finir d’éteindre le feu qui rongeait le corps de Masao. Le reste évacuait l’étage en silence. En contrebas, les sirènes des premiers véhicules d’urgences retentirent dans la rue. Les plus courageux des employés qui étaient demeurés sur place reculèrent à leur tour, effondrés par la situation. Personne ne comprenait ce qui venait de se passer. Ils formèrent un groupe compact et protecteur pour soutenir Akiko, incapable de marcher par elle-même, et sortirent de l’immeuble en laissant entrer les secours.
Cedric Simon 6 giorni fa
A quand la suite ? L'impatience me gagne...
Franck Labat 5 giorni fa
Quelques petites retouches sur l'existent déjà, et je vous envoie Claire pour... clarifier la situation ;-)
Cedric Simon 5 giorni fa
A bientôt, Claire, donc.
Snakecroqueur 3 mesi fa
phénomène d'autocombustion ?
Franck Labat 3 mesi fa
Oui, se sont des choses qui arrivent, mais pas de panique : il n'y a pas de rechute en générale.
Snakecroqueur 3 mesi fa
une fois flambé, c'est sûr qu'il n'y a plus de rechute ^^