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Monsieur

Monsieur

Pubblicato 20 lug 2024 Aggiornato 31 lug 2024 Romance
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Monsieur

Monsieur

En 1912, Jean Bertin, clerc de notaire à Pont-Audemer, m’a offert à sa femme, Adeline, pour la naissance de leur fille, Madeleine. Je suis un piano droit Hoffmann, en bois d’érable avec des incrustations néoclassiques et des pieds cannelés. Je suis du haut de gamme né en 1900 dans un atelier de Berlin. J’ai beaucoup d’allure avec mes deux chandeliers en cuivre encadrant le pupitre. Une banquette cannée me fait face. Ma copine, l’armoire normande, me protège de son imposante présence. Nous avons le même âge, elle a été offerte en dot par les parents d’Adeline à son mariage. Tel un membre de la famille, j’ai un surnom : Monsieur.

Je connais bien l’histoire de la rencontre d’Adeline et Jean pour l’avoir maintes fois entendue. Un jour de tempête, une bourrasque a retourné le parapluie d’Adeline, un homme galant l’a invité sous le sien et ils ne se sont plus quittés. En 1910, sous une haie d’honneur de parapluie, il se sont unis. 

En 1916, Jean est mort dans un assaut à Verdun. J’ai eu honte pour la première fois d’être Allemand, mon cœur était désormais français. Adeline s’est retrouvée veuve à vingt-six ans avec son enfant qui n’avait que quatre ans. Elle a eu l’idée de dispenser des cours de piano, sa fille étant sa première élève. J'étais un peu le père aimé, dont Madeleine n’avait que de vagues souvenirs.

C’est dans le train qui l’emmenait de Paris à Pont-Audemer que Madeleine a rencontré l’amour en 1936. Ce jour-là, elle a raté le marchepied et s’est étendue de tout son long sur le quai. Un homme est venu à sa rescousse. Elle s’était foulée la cheville et ne pouvait plus marcher. Sans faire de chichis, il l’a portée jusqu’à son automobile et l’a raccompagnée chez elle. Il est revenu les jours d’après pour prendre de ses nouvelles. 

Un soir d'octobre 1936, Paul a fait sa demande en mariage. Pour l’occasion, Adeline a joué une valse de Strauss, ils ont dansé et bu du champagne. 

Ils se sont mariés en 1937. Paul s’est installé chez Adeline et Madeleine, mais de par son métier de voyageur de commerce, il était souvent absent. Le mariage de Madeleine n’a donc pas changé grand-chose au quotidien des deux femmes. Lorsque Paul rentrait, ils se retrouvaient avec plaisir, car ils n'avaient pas à souffrir d’un quotidien lassant. 

Le 2 septembre 1939, Madeleine et Paul ont eu une fille, Nicole. Le lendemain, la France déclarait la guerre à l’Allemagne. Ils ont acheté un poste radio qui ne m'annonçait que des mauvaises nouvelles. Le monde en feu était dans mon salon et me faisait une fois de plus honte d’être Allemand. Les veillées ne tournaient plus autour de moi, mais auprès de cette TSF grésillante, que l’armoire et moi trouvions très moche. Un jour, le poste de bakélite nous a annoncé la capitulation de la France face à l’Allemagne, nous sommes passés à l’heure anglaise. 

Pendant l’occupation allemande, j’aurais pu finir ma vie comme bois de chauffage, mais la famille a fait bloc autour de moi en grelottant. Adeline donnait très peu de cours, j’étais attristé de ne pas pouvoir donner mon écot. 

La maison a miraculeusement survécu aux bombardements de la deuxième guerre mondiale. Lorsque j’ai appris l’horreur des camps de concentration et que la police française avait contribué à ces massacres, je me suis senti apatride.

Le 8 mai 1945, la TSF a enfin annoncé une bonne nouvelle : la capitulation de l'Allemagne nazie face aux forces alliées. La famille, autour de moi, a chanté la Marseillaise, bu du calvados et dansé jusque tard dans la nuit. L'armoire a vibré. Puis, Adeline a joué la Vie en rose, Madeleine et Nicole ont imité Edith Piaf. Les garçons un peu éméchés ont refait le monde.

Adeline est partie rejoindre son Jean en 1962, nous allions fêter nos cinquante ans de vie commune. Tout comme moi, Nicole était dévastée, elle ne me touchait plus. Je n’avais pas non plus le cœur à la musique. Je venais de perdre la femme qui a le plus compté pour moi et j’ose avouer que j’en ai été amoureux. L'armoire normande conserve, comme des reliques, le linge brodé d’Adeline. 

J’étais de plus en plus muet et je commençais à désespérer lorsque Nicole a voulu me faire accorder. J’attendais depuis longtemps ce moment de renouveau sous les mains du facteur piano. J’allais reprendre ma place de chef de famille et museler la TSF. 

Mais au lieu du vieux Charlie, l’artisan qui me prodiguait des soins depuis des années, c'est un jeune homme de trente ans qui est venu me faire une beauté. L’accordeur avait les mains fines et agiles, cela n’a pas échappé à Nicole. Roger m’a diagnostiqué des faiblesses dans ma caisse. J’ai pensé que je n’avais plus d’avenir, mais Nicole a supplié Roger de soigner mes bobos. Il a senti combien elle tenait à moi. Sur la banquette cannée, ils se sont rapprochés et lorsqu’ils se sont embrassés, j’étais un peu jaloux. Roger est reparti avec la main de ma Nicole en promettant de revenir vite s’occuper de moi et du coup je l’ai trouvé sympathique. Affaire rondement menée.

J’ai vu le ventre de Nicole s’arrondir. Un jour d'août 1966, ils m'ont présenté une petite Claire et le temps des comptines est revenu. Ma descendance était assurée dans cette lignée de femmes qui prennent soin de moi depuis des décennies.

Claire a fait ses premiers pas entre l'armoire normande et moi. Elle adorait pianoter au hasard sur mes touches. Je lui ai vite senti du potentiel.

En 1969, Madeleine et Paul ont acheté un appareil de télévision pour regarder Apollo 11 se poser sur la Lune et j’ai cru que j’allais prendre la poussière. Je suis devenu envieux de cet écran en noir et blanc qui les fascinait, je me sentais relégué au deuxième plan. 

Paul était plus âgé que Madeleine, ils avaient vingt ans d’écart. Il s’est éteint paisiblement dans son lit en 1977. 

En 1985, Claire est partie à Paris pour étudier au Conservatoire. Je suis fier d’avoir contribué à sa réussite. Pendant des heures nous avons répété ensemble. Maintenant elle parcourt le monde lors de ses tournées. Elle est concertiste.

Lorsque Madeleine est morte en 1994, j’ai eu peur de m’écrouler. Roger a changé mes cordes usées, rafistolé mes fêlures. J’ai retrouvé de la finesse dans mes aigus, de la gravité dans mes basses et ma place dans les mains de Nicole. Comme sa grand-mère et sa mère avant elle, pour transmettre son amour de la musique, cet art qui est toute ma vie, j’ai repris, avec elle, les leçons aux enfants. 

Depuis la mort subite de Nicole et Roger, je suis totalement abandonné à la poussière et à l'humidité. Avec l’armoire, on se sent vieux, on craquelle de partout. Nous sommes en 1995, la France mange des pommes, mais la maison ne sent plus la tarte tatin de Nicole et l’encaustique. Je viens d’avoir quatre-vingt-quinze ans.

Claire est arrivée aujourd’hui. Lorsqu’elle a posé ses doigts de concertiste sur mon clavier, j’ai senti que je sonnais faux. Roger n’est plus là pour m’entretenir. J’aimerais bien que Claire s’installe dans cette maison et continue de me choyer. L'armoire normande craint que nous devions déménager. Il n’en est pas question, cela fait presque un siècle que je suis le maître du lieu et j’entends bien le rester. Pourtant, Claire ne peut pas interrompre sa carrière pour ne devenir qu’une simple professeure de piano à Pont-Audemer, même si c’est une tradition familiale. Elle doit vivre sa passion en dehors de moi, en dehors de sa Normandie natale pour mieux y revenir. Que vais-je devenir ?

Claire

La maison familiale à Pont-Audemer est toute en hauteur avec des colombages, à ses pieds coule la Risle. La serrure de la porte d’entrée est grippée et je me débats pour l’ouvrir. Lorsque je pénètre dans la maison, c’est l’humidité qui m’accueille. La pendule du salon est arrêtée. Il n’y a plus que moi pour remonter le temps. J’ouvre les volets, allume un feu dans la cheminée du salon et enlève les housses sur les meubles. Je me sens seule, triste et mélancolique. La dernière fois que je suis venue à Pont-Audemer, c’était pour enterrer mes parents. Nicole et Roger ne sont pas morts de vieillesse, leur véhicule a glissé sur la départementale et a rencontré un arbre fatal. Ils sont morts comme ils ont vécu. Main dans la main, ils avaient soixante ans, j’en ai trente aujourd’hui. 

J’attache mes cheveux et je me pose un instant sur la banquette cannée qui fait face à Monsieur. Mes doigts glissent sur les touches d'ébène et d’ivoire et j'entame les premières notes de La Lettre à Élise. Comme toutes les femmes de ma famille, j’ai le piano dans la peau. Et celui-là cristallise tous mes souvenirs familiaux. Il a suscité ma vocation de pianiste. Je porte à Monsieur la même affection qu’à un grand-père, je ne l’imagine pas ailleurs que dans cette pièce. Pourtant, je suis dans un affreux dilemme, un vrai crève-cœur. Il me faudra peut-être vendre la maison pour payer les frais de succession. Que va devenir Monsieur ? Il ne supportera pas un déménagement à Paris, au sixième étage, sans ascenseur.

Le carillon de la porte retentit. Je sursaute. Une visite ? Dans le miroir de l’entrée, mon reflet me déplait, j’ai maigri, je pince mes joues pour me donner de la couleur, réajuste ma queue-de-cheval et j’ouvre. D'emblée, je le reconnais, Élias Klein. Nous étions ensemble au lycée. Il jouait de la guitare dans un groupe et je rêvais d’en faire partie. Il était en terminale et moi en seconde, on avait flirté à une soirée de fin d’année et j’avais gardé un souvenir impérissable de ses baisers. Puis, il est parti à la fac et nous nous sommes perdus de vue. Je rougis un peu en le voyant.

Il est accompagné d'une petite fille blonde aux yeux clairs qui se prénomme Sophie. Je les invite à rentrer, le feu crépite dans la cheminée. La petite fille se dirige vers le piano que j’ai laissé ouvert, s’assoit et commence un prélude de Bach.

— Tu joues bien ! 

— C’est ta Maman qui m’a appris. Elle me donnait des leçons le mercredi et le samedi après-midi. 

Je m’assois à côté d’elle. Je lui montre quelques accords et nous poursuivons à quatre mains la Petite musique de nuit de Mozart. Je sens la présence d'Adeline, Madeleine et Nicole, et je frissonne. Elias perçoit mon trouble, il me présente ses condoléances et m’expose l’objet de sa visite. Sophie est attachée à Monsieur et il voudrait savoir si je vais remplacer ma mère comme professeur. Plongée dans son regard de velours, je réponds machinalement un « Qui sait ? ». Je lui raconte brièvement l’histoire de ce piano qui est dans la famille depuis 1912 et avec lequel j’ai tellement de souvenirs heureux. Mes yeux me piquent tout en lui parlant. Dans un geste d’empathie, il met sa main sur mon épaule, je regarde sa bouche pulpeuse, nous nous rapprochons, mais Sophie nous interrompt. 

 C’est toi qui va vivre avec Monsieur maintenant ?

 Je leur propose un thé. Je n’ai que quelques biscuits à leur offrir. J’explique à Sophie que je ne suis là que pour quelques jours. Elias me raconte brièvement sa vie et je conclus qu’il est dans une situation compliquée de séparation. Ma maison lui plaît, il me demande si je ne veux pas la lui louer, justement il cherche une maison meublée. Sophie est déjà chez elle, elle sait où se range le service à thé. 

Après leur départ, je prends place, près de l'âtre, dans le fauteuil de mon père. Cette visite m’a bouleversée et le passé me submerge. Mon cœur s’est emballé en revoyant Élias. Il réapparaît à un tournant décisif de ma vie.

Monsieur

 L’armoire normande me fait part de sa peur qu’on la vide, je fais mine de ne pas comprendre.  J’ai plutôt l’impression qu’une idylle est en train de se nouer autour de moi. Claire pose ses mains sur mon clavier et entame les premières notes de Summertime de George Gershwin. Nous ne faisons plus qu’un, sous ses doigts ma table d’harmonie vibre avec passion. J’ai confiance en elle, elle ne m'abandonnera pas.

Claire

Cette nuit, j’ai rêvé de Sophie au piano avec ma mère. Je prends ce rêve comme le signe qu’elle approuve ma décision de confier la maison à Élias et Monsieur à Sophie. Cela me parait une évidence, Monsieur mérite d’être choyé comme personne. Qui mieux que Sophie pourrait en prendre soin. La dernière élève de ma mère, la fille d’Élias. 

 Tout s’est enchaîné si vite que j’ai un peu le tournis.

Devant mon café qui embaume la cuisine, je me souviens du matin où j’ai vu mes parents pour la dernière fois. Ma mère avait sa robe de chambre en pilou bleu et mon père avait celle aux revers de satin qu’il portait avec élégance. Elle a beurré mes tartines, il a servi le café, nous avons papoté sur les actualités du jour. Puis, ils m'ont accompagnée à la gare de Lisieux, ils avaient des courses à faire. Sur le quai, mon père m’a glissé un billet de cent francs avec un clin d'œil. Si j’avais su qu’ils n'avaient plus que quelques heures à vivre, je les aurais serrés plus fort dans mes bras. 

Monsieur 

Monsieur Klein est venu aujourd’hui, j’ai compris qu’il allait s’installer dans la maison avec Sophie. Le feu ne va pas cesser de crépiter et l’armoire va arrêter de grincer, elle n’aime pas les changements de température. Mon moment préféré de cette journée a été celui où ils se sont tous réunis autour de moi. Un trio en parfaite harmonie. J’ai remarqué que Claire est chaleureuse avec Élias et je me demande si elle ne va pas succomber à ses charmes. 

Je les imagine tous les deux autour de la cheminée. Le ventre de Claire arrondi. La petite Sophie au piano.

Je m’emballe. 

Claire

Dans le train qui me ramène à Paris, je me sens plus légère qu’à mon arrivée à Pont-Audemer. Je suis venue avec mon chagrin d’orpheline, pleine d’inquiétudes et je repars apaisée. 

Lorsqu’Elias est venu signer le bail, il m’a prise dans ses bras et nous avons repris où nous en étions resté il y a quatorze ans. Il m’a fait l’amour avec infinie douceur dans ma chambre de jeune fille et je me suis abandonnée à ses caresses qui m’ont  transportée dans un monde lumineux et orangé. Mon cœur s’est enflammé pour cet homme à qui je confie ma maison, mon piano. 

Il m’a accompagnée à la gare. 

Sur le quai, nous nous sommes embrassés. 

« Reviens vite » m’a-t-il dit.

Oui, je reviendrai, et pour lui je jouerai la mélodie du bonheur. 

J'aime à revoir ma Normandie, c'est le pays qui m'a donné le jour.







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