Comment les institutions européennes assassinent-elles les lanceurs d'alerte ? (Troisième partie)
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Comment les institutions européennes assassinent-elles les lanceurs d'alerte ? (Troisième partie)
Le livre eut à l’époque une couverture médiatique importante : « Il dévoilait le rôle du lobby de l’adoption à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union Européenne ». La télévision allemande réalisa même un film intitulé ‘Suche Kind, Zahle Bar’ (Cherchez un enfant, payez cash), basé sur le livre de Madame Post, et reçut en novembre 2010 le prix Stiftung Kindernothilfe.
Madame Post ne s’attendait pas à des représailles parce-qu’elle avait déjà violemment été retirée de son travail avant de publier le livre. Dans un sens, elle estimait qu’elle n’avait plus grand-chose à perdre. En tant que fonctionnaire, il serait compliquer de la ‘virer’ et à ce moment-là, la fonctionnaire la plus gradée de la Commission était de son côté. Cependant, les choses se sont compliquées : « J’étais de force en arrêt maladie, les services médicaux de la Commission ne m’autorisaient pas à reprendre le travail et voulaient me mettre en invalidité. Dès la publication de mon livre, j’ai refusé leur décision. J’ai donc été détachée dans une organisation qui a été créée spécialement pour cette raison. Entre temps cependant, j’avais demandé un congé sans solde pour travailler pour l’ONG des droits de l’enfant de JK Rowling et de la baronne Nicholson, ce que la CommissionEuropéenne refusa oralement."
Le lobby de l’adoption est comme le lobby du tabac : Toxique
Roelie Post
Les conséquences de son lancement d’alerte sont à scinder en deux parties. La première partie eut lieu entre 2007 et 2014. Madame Post explique qu’après la publication de son livre, elle a été un peu mise de côté, même si la Commission Européenne ne réagit pas à son livre.
Combattre les lobbies impliqués dans la traite d’enfants
Comme solution temporaire, la Secrétaire Générale proposa que Madame Post travaille hors de la Commission Européenne pour lutter contre les lobbies de la traite d’enfants. Comme il n’existait aucune organisation non-gouvernementale (ONG) se chargeant de cette problématique à l’époque, Madame Post et d’autres personnes en ont créé et développé une ; c’était ainsi une façon de « mettre de côté » la lanceuse d'alerte. La Commission Européenne l’a détachée sur cette ONG pendant six années, la payant à plein temps. Pendant cette période, elle rendait compte annuellement de son travail et des problématiques rencontrées à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la Commission Européenne. Elle explique qu’elle “a continué à alerter sur leur modèle frauduleux dans la traite d’enfants : ils fermaient intentionnellement les yeux sur le problème tout en finançant les trafiquants et leur lobby”.
La deuxième phase de son lancement d’alerte commença en 2014 quand son détachement s’est achevé. “J’ai dû revenir au sein de murs où je n’étais pas la bienvenue. J’ai reçu le traitement traditionnellement réservé aux lanceurs d’alerte : je n’avais pas de fonction réelle, on faisait tout pour me forcer à me mettre en invalidité sur la base de motifs psychiatriques etc.”
Madame Post confie qu’elle a alerté la Secrétaire Générale avec laquelle la relation était bonne puisqu’elle ne savait pas comment traiter la problématique du lobby. La lanceuse d’alerte explique qu’: « Elle n’a répondu à aucun de mes courriers. Ensuite, en février 2016, j’ai écrit à Martin Schultz, Président du Parlement Européen, sur la base des procédures de lancement d’alerte, en copiant la Présidence de la Commission Européenne – à l’époque le Premier Ministre néerlandais assurait la Présidence – et en copiant également le médiateur européen ».
Même si plusieurs Eurodéputés ont essayé de soutenir Roelie Post, ils n’ont pas été entendus : Les Eurodéputés roumains ont appelé à la soutenir lorsque le lobby de l’adoption attaqua leur pays et essaya de les mettre dehors de l’Union Européenne en 2010. L’Eurodéputée portugaise Ana Maria Gomes a fait de son mieux en écrivant le 16 juillet 2015 au Vice-Président néerlandais Timmermans, demandant à ce que Roelie Post soit protégée en tant que lanceuse d’alerte. En vain. Elle ne reçut aucune réponse. Madame Gomes a alors écrit à Madame Emily O’Reilly, la médiatrice de l’Union Européenne, qui n’a pas offert de protection non plus : "Alors la Commission Européenne a commencé des procédures disciplinaires et j’ai été licenciée au milieu d’une myriade de procédures coordonnées avec toutes les parties prenantes".
Comme l’Eurodéputée Ana Gomes l’a écrit dans sa lettre, les problèmes de Roelie Post sont liés à avoir aidé à mettre à jour « la connivence internationale avec le trafic d’enfants ». Madame Post déclare : « Les institutions européennes et les états membres de l’Union Européenne étaient tous impliqués. Ils devraient s’excuser maintenant que le trafic a été reconnu aux Pays-Bas et que le Parlement néerlandais m’a unanimement déclarée lanceuse d’alerte”.
Pendant ce temps, le Vice-Président néerlandais Timmermans déclara aux media néerlandais que les lanceurs d’alerte doivent être protégés, ne sont pas supposés perdre leur salaire, ni être licenciés etc. mais cela n’a pas aidé à ce que le cas de Madame Post soit résolu.
A suivre : Comment les institutions européennes assassinent-elles les lanceurs d'alerte ? (Quatrième partie)
Photo de couverture : Christian Lue ; site Unsplash