Assis à ses côtés
Su Panodyssey puoi leggere fino a 10 pubblicazioni al mese senza effettuare il login. Divertiti 9 articles da scoprire questo mese.
Per avere accesso illimitato ai contenuti, accedi o crea un account cliccando qui sotto: è gratis!
Accedi
Assis à ses côtés
Une variation libre autour d'un texte de Nick Cave ("As I Sat Sadly By Her Side", audio en fin de texte). Ce n'est, bien évidemment, pas une simple traduction littérale.
Elle et moi, assis. Dans un moment de calme, de quiétude et d'ennui que de sincères amis, voire peut-être un peu plus, il me faut l'espérer, se plaisent à partager.
Mais la tristesse est là. Elle est inévitable, tant les affres du monde nous sont insupportables. A travers la fenêtre, nos visages pressés sur la vitre glacée, nous regardons tous deux l'univers s'effondrer. Le chat sur ses genoux ne ronronne même plus malgré toutes les caresses qui lui sont prodiguées.
« Nous tombons doucement depuis le commencement jusqu'à l'éternité. Nous ne sommes que cela: des objets en mouvement dirigés vers le bas. Ce grain de poussière, là. Cette constellation qui brûle de mille éclats. La buée qui se forme sur le carreau bleuté. Toi, moi et tous les autres, nos parents et nos sœurs, la pute d'à côté, les cons à la télé, les gendarmes, les voleurs. Une seule gravité pour tous nous attirer. La sphère du cosmos complètement renversée pour tous nous réunir, nous lier, nous attacher, nous contraindre, nous soumettre dans une chute funeste vers le fond, vers l'incréé. Dans notre vanité, la tienne comme la mienne, nous y voyons du beau, du glorieux, du flamboyant. Nous ne sommes que des idiots, des personnages immondes. Des êtres insignifiants. »
Sa sentence est terrible, son jugement implacable. Mais son sourire est là. Et son regard est frais, innocent et intact. Tout comme sa douce voix. Et je l'aime pour ça. Et je veux lui répondre. Lui offrir à mon tour mon point de vue sur la vie, même si tout est maudit.
Mes lèvres sont fermées, elle sent mon désarroi. C'est d'une subtile caresse juste orientée vers moi qu'elle fait bondir le chat de ses cuisses aux miennes, m'accordant par ce geste le droit de m'exprimer.
Je regarde ses cheveux ruisseler sur son visage, s'échapper de ses joues, échouer sur ses épaules en enveloppant son cou. Et je dis simplement en pressant ma pommette sur le verre trempé, la tête sur le côté:
« Peut-être. Mais si je tombe dans la rue, me brise les chevilles et par des gestes amples, copieux et abondants j'alerte les passants, je leur demande de l'aide, les supplie de venir et de me secourir, es-tu si convaincue qu'ils iront tous vers moi dans un même mouvement, risquant eux-mêmes la chute, l'échec, l'effondrement? Au mieux ils m'ignoreront au nom de la sélection. Mais plus probablement ils me piétineront. Par jeu, par pur plaisir ou bien par négligence, ce qui est encore pire. Par amour du profit, aussi, même si assurément il n'y a rien à gagner à broyer son suivant. Ou bien son précédent. Mais la nécessité, le besoin immédiat de tout surexploiter, y compris le vivant, brise les relations et tranche chaque fil de toutes nos connections. »
D'un geste un peu tremblant, riche de témérité, de désir et d'espoir, je caresse ses cheveux d’un blond presque argenté. Je libère son regard de ce voile embrasé.
Le chat revient à elle. Ou bien il me fuit moi. C'est probablement ça.
Elle se redresse alors et d'un geste superbe elle tire les rideaux, elle assombrit la pièce, brise mes perspectives, occulte mon horizon, puis, d'une voix affligée, me déclare sèchement:
« Penses-tu réellement que ce qui est dehors nécessite ton jugement? Mais quand comprendras-tu que rien n'est fait pour toi, pour ton esprit étroit? Signifiant, signifié, dimension et essence sont des concepts creux, tous comparés à Dieu. Et puis ta bienveillance? Ce n'est qu'un parasite, un agent infectieux qui envahit ton cœur. Et Dieu n'en a que faire. Il ne t’a pas créé pour être le creuset de la douceur humaine et ouvrir tes bras à tous ceux ici-bas privés de réconfort, d'amour et de tendresse. Dieu se moque de tout, ne s'intéresse à rien. Il poursuit son dessein en restant vent debout, alors que la détresse, la laideur et la peine explosent autour de nous. »
Elle détourne la tête, l'efface à mon regard.
Elle pleure.
Et ce sourire obscène qui déchire mon visage.
Alors que je suis assis, triste, à ses côtés.