Chapitre 36
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Chapitre 36
Chapitre 36
Florence, 22/12/21
Après trois heures de vol depuis la capitale parisienne, nous avons atterri à l’aéroport de Rovaniemi. La température au sol est de dix-sept degrés en dessous de zéro. Un bus nous emmène à quelques kilomètres de l’aéroport pour notre première halte où nous devons récupérer des tenues adaptées aux conditions climatiques. Il y a quelques temps, nous sommes allées acheter des cagoules, des sous-gants, des sous-pulls, des polaires et des leggings dans un magasin de sport. Ça m’a permis de bien cerner les déficiences visuelles de Valentine et les implications dans sa vie quotidienne. Elle m’a offert un chouchou qui me servira à la guider par le bras lors de nos déplacements. Depuis Halloween, sa vue s’est encore nettement dégradée. Je suis ravie de l’emmener dans l’un de ses derniers voyages au pays des lumières et des couleurs. Sa maman a vraiment été touchée par mon geste. La vente des boîtes de Noël m’a permis de rembourser totalement Cézanne et Bérengère. Nous avons même un petit bénéfice qui ira à une association qui forme des chiens-guides pour aveugles. C’est quelque chose qui me tenait vraiment à cœur depuis que je côtoie Valentine. Je sais qu’elle est sur une liste d’attente pour une attribution. J’ai appris que c’est une petite femelle, prénommée Lova qui a deux frères, Lilo et Lary. Tous les trois vivent encore dans une famille d’accueil dans la Loire et intègreront dans quelques mois le centre d’éducation de Roanne. Valentine m’a expliqué que c’est une femelle labrador au poil doré, qu’elle est très douce et très calme. Elle m’a même montré une photo qu’elle garde en permanence sur elle, avec le prénom de la chienne inscrit juste en dessous.
Il est seulement quinze heures et pourtant le soleil se couche déjà dans cette région du monde. A cette époque de l’année, il n’est présent que trois à quatre heures par jour. Il fait nuit noire quand les Finlandais partent au travail le matin et idem quand ils rentrent le soir. Le reste de la journée, une lumière bleutée les accompagne. La pleine luminosité n’est présente que pendant deux heures environ. Une autre particularité qui me frappe ici, c’est la vitesse du bus qui nous transporte. Il roule à environ quatre-vingt kilomètres par heure malgré les routes verglacées sur lesquelles il évolue. En France, les bus scolaires cessent de circuler dès qu’il y a un centimètre de neige et c’est le chaos à Paris qui ne sait pas faire face à cet événement climatique. Je suis aussi interpellée par les pistes cyclables qui jouxtent toutes les chaussées et qui servent autant aux piétons qu’aux cyclistes. Une dameuse les rend praticables en toute sécurité. Je constate aussi que l’éclairage public y est présent et bien efficace. Je savais qu’aux Pays-Bas, contrairement à chez nous, les cyclistes bénéficient de belles infrastructures, mais j’ignorais qu’il en était de même en Finlande.
Nous sommes une vingtaine de familles à participer à ce voyage organisé. C’est évidemment une destination très prisée pour fêter Noël. Les enfants sont d’ailleurs plus nombreux que les adultes. Tout le monde s’émerveille de la beauté des paysages enneigés et du ciel teinté de couleurs douces. Chacun guette l’apparition d’un renne, depuis que notre guide francophone nous a expliqué qu’ils sont très présents à l’état sauvage dans les forêts qui jouxtent la route. Les nombreux panneaux de signalisation appellent les automobilistes à de la prudence. L’ambiance autour de moi est joyeuse, en particulier chez les enfants qui n’ont qu’une attente : voir le vrai « Père Noël ». Les bébés, au nombre de trois, sont moins enthousiastes. En plus des jumeaux Frédéric et Alice, une petite fille d’environ huit mois qui vient de l’île de la Réunion fait partie de notre groupe. Leurs pleurs ont accompagné notre vol et la fatigue les rend grincheux.
Alors que le bus vient de s’arrêter près d’un chalet, Fabienne, notre guide francophone nous invite à sortir à l’air frais. Comme à l’aéroport, le froid nous saisit dès l’ouverture des portes. Nous rentrons rapidement dans un local chauffé où l’on nous demande nos mensurations : taille pour la combinaison et pointure pour les bottes. Nous avions eu comme consigne de ne pas en acheter en France car leur qualité n’est pas adaptée au froid polaire.
Les bras bien chargés, nous reprenons la route et arrivons au village qui nous hébergera durant tout notre séjour. Nous avons tous reçu la clé correspondant à notre chalet. J’admire l’architecture de la maison en bois dans laquelle je vais séjourner avec Valentine. La toiture atteint quasiment le sol et la porte d’entrée est située sur le pignon. Cette particularité architecturale nous explose en plein visage lorsque nous pénétrons dans notre petit chez-nous.
- Waouh ! s’exclame Valentine.
La hauteur de la pièce principale est à la fois vertigineuse en son centre et très petite de chaque côté à cause de la pente du toit. L’ambiance y est cosy et chaleureuse en raison de la l’omniprésence du bois. J’analyse l’agencement : un petit sas d’entrée qui donne sur la pièce principale, sur la droite une petite chambre et sur la gauche, la salle de bain. Dans le sas, un meuble à bottes permet de se déchausser directement. C’est ce que Valentine est en train de faire. Je l’aide à enlever sa combinaison et la pose sur le porte-manteau prévu à cet effet. Un plateau en inox posé au sol permet de récupérer la neige fondue. Valentine s’empresse de monter à l’escalier à clairevoie pour découvrir ce que l’étage lui réserve. Débarrassée de mes bottes et de ma combinaison, je la rejoins dans l’immense mezzanine. Son sol couvre toute la surface de la chambre, du couloir et de la salle de bains du rez-de-chaussée.
- C’est ici que je vais dormir, annonce Valentine, tout excitée.
Cette pièce mansardée comprend un lit double, deux tables de chevet et quatre poufs. Nous redescendons pour terminer la visite des lieux. Dans la pièce de vie ouverte jusqu’au toit, un lit double avec une couette lilas et des oreillers violets se partagent l’espace avec d’autres meubles : une table, six chaises, un canapé d’angle, une table basse et un meuble télé. Quelques tapis ajoutent encore davantage de chaleur à la pièce. Mes yeux s’attardent sur la décoration composée de quelques cadres posés ça et là. On frappe à la porte. Je jette un coup d’œil à la salle de bains en ouvrant la porte : de taille réduite, elle n’en est pas pour autant moins fonctionnelle, que du contraire. Elle contient un lavabo, une douche et un wc.
- Maman a dit que je pouvais m’installer avec Valentine….enfin, si vous êtes d’accord.
Avant même que j’aie pu répondre, le cri de joie de ma co-locataire résonne dans la pièce. Valentine se précipite vers nous en se laissant glisser sur le parquet.
- Entre Célia. Ne reste pas dehors.
Je prends sa valise pendant qu’elle se déchausse. A côté d’elle, Valentine trépigne d’impatience.
- On va dormir en haut. Je vais te montrer. On sera bien tranquilles, tu vas voir.
Je ramasse la tenue de Célia et range ses bottes alors qu’à l’étage, les deux fillettes sont en train de sauter sur leur lit en riant aux éclats. Je me sens bien dans cette maison chaleureuse. J’entreprends de défaire mes bagages. Avant de partir de la maison, j’ai emporté la jolie boîte en bois fabriquée par Théo et peinte en vert par Mathilde. Sur son couvercle et tout autour, j’y ai collé plein d’étoiles blanches et j’ai inscrit : « Clara, six ans». Bérengère m’a offert un magnifique bijou : un pendentif en forme de cœur spécialement prévu pour y déposer une petite quantité de cendres funéraires. Ainsi, j’ai toujours ma fille avec moi, autour de mon cou. Elle va m’accompagner durant ce séjour dont elle rêvait tant. Je ne me laisse pas submerger par l’émotion et j’appelle les filles. Nous avons rendez-vous dans la salle commune pour un pot d’accueil. C’est l’occasion de faire connaissance avec toutes les personnes qui voyagent avec nous. Nous allons passer nos journées et nos soirées ensemble ; autant nouer de bonnes relations. Notre guide nous explique que c’est dans cette pièce que nous prendrons nos repas et que toutes les soirées seront animées. Elle nous annonce aussi qu’à priori les conditions météo des prochains jours devraient être favorables aux aurores boréales, mais qu’il est très rare d’en apercevoir. Peut-être aurons-nous cette chance, nous dit-elle quand Jérémy lui coupe la parole.
- J’ai une information à vous donner concernant la couleur des aurores boréales…
- On t’écoute jeune homme. Comment t’appelles-tu ?
- Jérémy. On les représente toujours vertes, mais en fait à l’œil nu, nous les voyons blanches.
- C’est exact. Mais comment sais-tu cela ?
- Je suis incollable sur tout ce qui concerne le ciel.
- Eh bien, bravo ! Et sais-tu que les aurores boréales peuvent être d’autres couleurs que le vert ?
- Oui, elles peuvent être rouges, violettes, oranges, mais en fait, on ne perçoit que des trainées grises ou blanches. Il faut des appareils-photo pour les voir.
- En effet, tu maitrises bien ton sujet. Bravo petit ! Si ça vous intéresse de capturer ces images, je vous expliquerai comment faire : quels réglages appliquer, le temps d’ouverture, etc…à savoir qu’il faudra dans tous les cas vous armer de patience et ne pas oublier d’emporter vos trépieds pour y fixer l’appareil-photo. Si nous avons la chance d’en apercevoir pendant notre séjour, ce sera entre vingt-deux heures et une heure du matin. Je vous communiquerai chaque soir les prévisions des météo locales. Aujourd’hui, le ciel est un peu trop nuageux pour en voir. Il devrait d’ailleurs neiger cette nuit.
A ces mots, les enfants crient et sautent de joie.
- Quelles sont les températures prévues pour les prochains jours ? demande un papa.
- Habituellement, à cette époque de l’année, elles oscillent entre trente et trente-cinq degrés en dessous de zéro, mais en ce moment, exceptionnellement, elles avoisinent les moins quinze degrés. Ce qui est donc très doux.
Fabienne nous invite à prendre un verre et à goûter les spécialités locales. De leur côté, les enfants font connaissance entre eux. Célia et Valentine se sont déjà fait une copine. Elle s’appelle Sylvie et vient de la Loire. Je les écoute discuter non loin de moi.
- Ah c’est marrant, déclare Valentine, dans quelques mois, j’aurai un chien-guide d’aveugle et il vient de ta région.
- Ah oui ? l’interroge Sylvie. C’est fou ça. Moi, justement, j’ai mes chiots qui vont devenir chiens d’aveugles.
- Ah c’est cool, ça, répond Célia.
- Je peux même vous montrer la chienne que je vais avoir, dit Valentine. Je suis tellement impatiente qu’elle soit à mes côtés que j’emmène sa photo partout avec moi.
Immédiatement, Sylvie reconnaît Lova et le prénom inscrit sous la photo ne lui laisse plus aucun doute.
- Waouh ! C’est dingue, ça ! Quelle coïncidence ! C’est ma petite Lova. Tu te rends compte Valentine ?
Les trois fillettes explosent de joie et viennent m’annoncer l’incroyable nouvelle. Je feins de ne pas avoir entendu la conversation et m’enthousiasme avec elles.
- Incroyable ! Comme si tout était écrit ! Tu crois au hasard, toi Sylvie ?
- Je ne sais pas trop. Je n’y ai jamais réfléchi. Je vais chercher Maman pour vous la présenter.
Attirée par l’excitation des fillettes, Aline, la maman de Célia nous rejoint tandis que Christiane m’explique que les chiots sont arrivés au bon moment dans sa vie. C’était à l’époque où elle vivait très mal la perte de son bébé, prénommé Titouan. Elle nous fait comprendre que s’occuper d’eux lui a permis à elle et à sa famille de retrouver un peu de sérénité.
- Quand Sylvie a souhaité en faire des chiens-guides d’aveugles, je me suis dit que c’était une excellente idée que ces chiens puissent à nouveau apporter leur aide à d’autres personnes dans le besoin.
Christiane nous parle ouvertement de son bébé décédé, sans éprouver la moindre gêne d’évoquer ce sujet avec des étrangers. Je ne sais pas trop si je suis capable de faire pareil. Le départ de Clara est trop récent, je pense. Peut-être dans quelques mois. Aline interrompt mes pensées en avouant qu’elle aussi, elle a un petit garçon dans le ciel, Timéo. Christiane l’écoute attentivement.
- Même s’il me manque énormément, comme toi avec les chiots, mes jumeaux sont une véritable bénédiction, deux soleils dans ma vie. Et pourtant, j’ai eu beaucoup de mal à accepter cette nouvelle grossesse. Je ne me sentais pas prête, mais dès que je les ai vus à l’échographie, je les ai aimés.
J’aimerais bien à mon tour dire à Christiane que j’ai perdu une petite fille, mais la douleur m’en empêche. J’ai peur de m’effondrer devant elle et devant tous ces parents heureux. Je ne voudrais pas gâcher la fête et qu’on s’apitoie sur mon sort. Je préfère renoncer et Aline respecte mon silence. Pourtant, je suis sûre qu’elle a vu mon trouble. Pour ne pas me mettre mal à l’aise, elle continue.
- Parfois, je me demande si nos petites étoiles n’y sont pas pour quelque chose dans ce qui nous arrive.
- Je me suis déjà fait la même réflexion, répond Christiane….ou alors, c’est le hasard qui fait parfois bien les choses, comme ave Lova.
Aline, qui n’a pas entendu la conversation des fillettes, mais uniquement leurs cris de joie, nous interroge du regard.
- Vous vous rendez compte ? poursuit Christiane. Quelle était la probabilité que nos filles se rencontrent aujourd’hui, à des milliers de kilomètres de leurs maisons respectives alors que le chien de l’une va déménager chez l’autre ?
J’acquiesce, étonnée comme elle.
- Quasi-nulle.
- Vous pouvez m’expliquer ? demande Aline
Notre guide interrompt notre conversation en nous apportant une coupe de champagne.
- Je vois que vous avez fait connaissance…à moins que vous vous connaissiez déjà d’avance ?
Christiane et moi éclatons de rire en même temps, puis nous lui racontons notre incroyable histoire.
- Regardez ! Il neige !
Tous les enfants s’agglutinent aux fenêtres de la salle. Ce séjour qui commence a déjà une bonne raison de nous émerveiller.
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