1. Clan destin - Le départ
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1. Clan destin - Le départ
– C’est OK pour votre expédition ! lança Garance en sortant de la maison. Mais soyez prudents
Les quatre ados n’avaient pas eu le temps de pousser leur cri de victoire que, déjà, Catherine ajoutait les bémols :
– Faites attention aux serpents ! N’oubliez pas la pharmacie. Félix, tu es le plus grand, tu ne t’éloigneras jamais de mes filles ! Zoé, es-tu sûre que vos sacs de couchage seront assez chauds ?
– Stop maman ! coupa Zoé, légèrement exaspérée. Il n’y a rien de risqué dans cette promenade !
Zoé n’avait pas tort ; cette descente de rivière en radeau était plus tranquille qu’une balade en pédalo sur un étang ! Rien ne pouvait être grave, et quand bien même l’un d’eux viendrait à se tordre la cheville, il y avait toujours âme qui vive à un maximum de cinq kilomètres. D’autre part, en suivant le cours d’eau, les quatre larrons ne pouvaient pas se perdre !
Élias observait la scène avec un fin sourire ironique. Quand il avait demandé à sa mère, Garance, la permission d’effectuer cette randonnée, il savait qu’elle devrait convaincre Catherine et que celle-ci envisagerait tous les dangers de cette petite expédition. Garance surprit son regard amusé et échangea avec lui un clin d’œil complice.
Catherine se tut, résignée. Le seul point qui la gênait, c’était que ce périple durerait vingt-quatre heures ; mais elle n’osa plus jouer les timorées et elle tourna les talons pour leur préparer le pique-nique.
La scène se déroulait aux abords d’une vieille bergerie que les parents Ternant rénovaient depuis des années. Cette bâtisse était perdue au bout d’une île dont la superficie totale était, d’après Élias, de 700 ha ; elle ressemblait à un long ruban d’une dizaine de kilomètres s’étendant au large de la Méditerranée. Pour y accéder, ils devaient prendre un bateau qui ne s’y arrêtait que deux fois par semaine. Ce bac alimentait un village nommé Abar, situé à l’autre extrémité de l’île. Le hameau était séparé de leur terrain par une vingtaine de kilomètres de rochers et de montagnes qu’il n’était pas aisé de franchir.
Bruno et Garance Ternant avaient deux garçons, Félix et Élias, âgés respectivement de 16 et 14 ans. Si les deux frères étaient inséparables, leur caractère différait radicalement. Félix était sportif, fonceur et peu bavard ( Élias le taquinait régulièrement sur le nombre de syllabes qu’il émettait par jour ). Par contre, Élias était discutailleur ; prudent et pantouflard. Il ne supportait pas de perdre le dernier mot, avançant les arguments les plus scabreux pour y parvenir. Même s’il adorait être dans la nature, il s’y prélassait avec un livre plutôt qu’en la parcourant par monts et par vaux. Par contre, le poatager était sa passion, il le soignait et le mitonnait presque religieusement, avec sa mère, Garance.
Ainsi, dès que leur père, Bruno, proposait une promenade ou une escalade dans les montagnes des environs, Félix lui emboîtait le pas immédiatement, tandis qu’Élias déclinait, ayant toujours un livre à terminer, un légume à planter. Cela faisait immanquablement enrager son paternel. Pour sa défense, Élias souffrait d’un vertige épouvantable dont Bruno se gaussait presque ouvertement.
Même physiquement, les deux frères ne se ressemblaient pas. S’ils étaient tous les deux bâtis longs et fins, les cheveux de Félix étaient châtains et raides comme ceux de Bruno tandis qu’Élias avait hérité de Garance ( qui était d’origine vietnamienne ) une tignasse de jais et des yeux noirs en amande.
Malgré un lieu de villégiature bucolique et sauvage, les activités n’étaient pas nombreuses. Félix tournait rapidement en rond et, cette année-là, il avait pesté haut et fort, d’y séjourner pendant les deux mois de vacances. Élias, par contre, n’aimait pas particulièrement la ville et jouer au Robinson lui seyait davantage, non pas pour le plaisir de vivre « à la dure », mais surtout pour le délice d’avoir un coin à lui, où il dévorait la collection entière de livres et de mangas qu’il apportait.
Régulièrement, les Ternant invitaient les Dillon à passer quelques jours avec eux. Catherine et Bertrand avaient deux filles, Zoé et Manon, dont les âges correspondaient à ceux des garçons. Zoé était casse-cou et exubérante, tandis que sa sœur était calme et introvertie.
Zoé était assez grande, campée sur de longues jambes solides et de larges épaules, avec des cheveux lisses, blonds, mi-longs, retenus par une petite queue de cheval.
Manon était fine et délicate, se mouvait dans une grâce naturelle. Elle avait tout du félin, à part ses cheveux, qui étaient de paille aussi bien par leur couleur que par leur aspect, tant ils étaient crépus et peu disciplinés.
Manon et Élias fréquentaient la même classe depuis la maternelle ; il existait entre eux un lien qui semblait invincible et, une fois sur l’île, les deux compères pouvaient discuter pendant des heures, installés contre un énorme rocher fiché entre la rivière et la bergerie, ou près de l’eau quand ils allaient se baigner.
À leur hauteur, ce cours d’eau n’était qu’un maigre ru, mais lorsqu’il s’élançait à l’océan, aux abords du village, son débit devenait imposant et poissonneux. C’était cela qui avait titillé la curiosité d’Élias. Il en avait parlé à Manon et, ensemble, ils voulaient percer ce mystère par une descente en radeau. Les deux grands s’étaient rapidement greffés à leur projet, trop heureux de vivre vingt-quatre heures d’aventure, loin des parents.
Le premier kilomètre de leur expédition fut fort éprouvant : les ados devaient davantage porter leur embarcation que s’y installer. Par chance, un autre ruisseau vint se confondre avec leur rivière dès la première colline contournée ; le flux se fit plus ample. Tous les quatre transpiraient de lourdes gouttes de chaleur et d’efforts accomplis. Ils s’octroyèrent une pause à l’ombre d’un arganier. Ils s’étaient étendus sur la grève, après une baignade. Observant les feuilles qui se balançaient au-dessus de sa tête, Manon lança :
– N’est-ce pas un peu bizarre, un arganier dans ce pays ?
– Au niveau strict de son biotope, ça se pourrait, répondit Élias. N’empêche, il faudrait qu’on l’ait planté. Spontanément, il ne pousse qu’en Algérie et au Maroc.
– Un arga quoi ? demanda Félix d’une voix pâteuse.
– Un arga flèche ! se moqua Élias.
Félix était aussi peu attiré par la nature qu’Élias y était expert. Toutefois, il n’apprécia pas que son frangin le chambrât. Il se redressa vaguement irrité, cherchant la riposte, quand il vit passer devant son nez un projectile qui éclata sur le tronc de l’arbre.
D’un bond, il fut debout, s’approcha de la substance qui dégoulinait pour l’observer de plus près. Élias avait suivi le mouvement de son aîné, imaginait la raillerie suivante, quand une seconde boule frôla l’oreille de Félix pour s’aplatir à côté de la première.
– C’est quoi ? demanda Élias.
– J’sais pas, murmura son frère en fixant les buissons d’où pouvaient venir les projectiles.
Élias fut rapidement sur pied et se planta devant les fourrés, à la recherche des agresseurs. Zoé intervint avec une certaine mauvaise humeur :
– Ça, c’est un coup de nos paternels ! Peuvent pas nous foutre la paix pendant plus d’une heure.
– T’as raison, on se barre sur-le-champ, on n’a plus l’âge des jeux de piste !
– Ouais ! décida Zoé. Déjà qu’on a dû supporter maman et ses jumelles jusqu’à ce qu’on ne soit plus en vue, on va pas s’faire chier à courir derrière des petites boulettes à la con !
Ça, c’était le vocabulaire préféré de Zoé, bien entendu proscrit par ses parents.
Le cours d’eau était à présent assez profond pour qu’ils puissent s’installer sur les quelques planches qui tenaient les deux chambres à air de tracteur constituant le radeau.
Les deux aînés chassaient leur mauvaise humeur en dirigeant le rafiot avec deux longues tiges de roseau. Manon et Élias, assis à l’arrière, les pieds dans l’eau, s’interrogeaient, de temps en temps sur les arbres, qui ressemblaient de moins en moins à ceux qu’ils connaissaient.
La cascade
Le bateau voguait tout seul puis se mit à accélérer dans un décor proche de celui de la forêt amazonienne. Les rames n’étaient plus nécessaires, les deux grands s’étaient accroupis en regardant droit devant.
– C’est quoi ce bruit ? demanda Félix.
– Merde, une chute d’eau ! répondit Zoé.
– Quittez le navire ! intima Félix.
– Pas question, 'y a la bouffe là-dedans ! hurla Élias.
Alors que tous sautaient de part et d’autre de l’embarcation, Elias se cramponnait au bagages, visant quelques rochers au milieu du cours d'eau.
Trop têtu, et surtout trop peureux pour s’engager dans ces flots, Élias avisa quatre rochers formant un îlot au milieu de la rivière. Il y arrima leur embarcation et, assez fier, il se tourna vers les autres qui exprimèrent par de larges gestes leur joie de le voir sauvé.
La mine d’Élias changea brusquement quand il s’aperçut que Manon n’était pas avec les aînés.
— Où est Manon ? leur cria-t-il.
Les grands mirent un certain temps à comprendre ce qu’Élias leur disait et à réaliser que Manon avait disparu. Sans attendre, ils coururent vers l’aval. Du haut de la cascade, ils la découvrirent inanimée, sur une plage de sable fin.
— MANON ! s’écria Zoé affolée.
— Ça ne sert à rien de hurler, elle ne peut pas t’entendre ! dit Félix avant de plonger au cœur même de la chute.
Tandis que Félix rejoignait Manon, Zoé restait figée, glacée par la vue de sa petite sœur inerte. Félix brandit un pouce levé vers Zoé, la rassurant immédiatement. Zoé descendit calmement en suivant les rochers qui longeaient la chute, tandis que Manon revenait à elle petit à petit.
— J’ai sauté du mauvais côté, expliqua-t-elle. Je me suis sentie entraînée dans un tourbillon terrible, je n’arrivais plus à reprendre de l’air. J’ai cru vraiment que j’allais me noyer quand un chien m’a happée par mon t-shirt et m’a dirigée vers l’aval. Je suis tombée sans avoir eu le temps de respirer. Et dans le tumulte de l’eau, deux bras m’ont sortie de là, pour me déposer ici.
— C’était qui ? demanda Félix.
— Je ne sais pas, tu le connais sans doute, il avait un large bracelet en or à chaque poignet.
— Ça ne me dit rien !
— Où est Élias ? s’inquiéta la rescapée.
— J’vais le chercher, dit Félix en soupirant. Il ne doit pas avoir quitté son îlot !
Sur les quelques pierres au milieu des flots, Élias était inquiet pour Manon. Il analysait la rivière sans trouver comment rejoindre une des rives sans se faire entraîner par le courant. Une branche craqua au-dessus de sa tête. Il leva les yeux et tomba nez à nez avec une immense panthère noire qui semblait jouer avec le rameau qu’elle faisait balancer dangereusement. Le garçon était vert. Sans mouvement brusque, il recula vers la rive en cherchant un bâton pour se défendre. Son regard fut attiré par du mouvement sur la rive droite. Un homme dans une djellaba bleu roi, le visage caché par un turban de Touareg, le fixait, les mains sur les hanches. Derrière lui, une dizaine d’autres, torse nu, observaient la scène, l’œil placide. L’homme à la djellaba lui fit signe de venir vers eux. Élias s’apprêtait à suivre le conseil, lorsqu’il entendit Félix l’appeler de la rive gauche. Le temps d’un regard vers son frère, les hommes avaient tous disparu. Félix arriva sur son île et le rassura au sujet de Manon.
Élias expliqua brièvement la présence de l’animal et des hommes sur l’autre rive. Félix scruta la branche qui bougeait encore, comme soulagée d’un poids énorme. Il avisa ensuite la forêt autour des berges sans y déceler la moindre âme qui vive.
Pour peu, ce sont des réfugiers qui tâchent de passer en Europe, dit-il. Bon, c’est pas tout ça, faut descendre, les filles nous attendent !
Sans permettre aucune réaction à son frère, Félix poussa le radeau pour le remettre à flot et plongea pour le guider vers la chute. Élias le regarda, bras ballants, n’osant pas le suivre.
— Tu comptes prendre racine ? l’appela Félix.
— Tu viens de me dire que la cascade faisait plus de dix mètres… murmura Élias que l’idée de sauter tétanisait !
— Ouais, enfin, j’exagère peut-être ! De toute façon, il y a assez de fonds, tu peux y aller sans crainte.
– Félix, j’ai le vertige, commença à tergiverser Élias. Je ne peux pas le faire ! En plus, tu nages vachement mieux que moi, et…
Félix ne semblait plus percevoir les arguments d’Élias ; il était au bord de la cascade ; il poussa le rafiot qui plongea dans la chute et suivit, sans attendre son benjamin. Élias hésitait toujours, quand il fut surpris par le bruit d’un plongeon, derrière lui. Il se retourna, aperçut les deux oreilles de la panthère. Il s’élança à son tour vers la chute, nageant le plus vite possible pour échapper à la bête.
Félix poussait le radeau jusqu’à la berge. Il entendit Élias dans son dos. Il lui lança :
— Bravo ! J’imaginais déjà un plan B pour te faire venir.
— Le plan B, c’était la panthère ! lâcha Élias perpétuellement sur le qui-vive. Faut qu’on se barre d’ici sur-le-champ, elle nous guette et elle est loin d’être seule !
— Des réfugiers n’ont jamais tué personne, minimisa Félix.
— Ouais ; ben, je préfère qu’on parte quand même ! répliqua Élias. Ils ont une drôle de façon de nous aider ! J’enverrais pas une panthère aux trousses des personnes que je sauve !
Les deux filles se levèrent dans un ensemble parfait et tous les quatre réintégrèrent leur place sur le bateau qu’ils mouillèrent tout aussi rapidement.
Ils continuèrent la randonnée silencieusement, ramant de temps à autre, observant les rivages sans voir autre chose que cette forêt qui obscurcissait le soleil, au zénith à cette heure-là.
Le serpent
Au bout d’une demi-heure, Félix sifflotait, rassuré, croyant avoir échappé à tous les dangers. Les deux Dillon se détendirent également. Élias restait perpétuellement préoccupé.
— On bouffe ? proposa Zoé.
— J’attendrais qu’on soit hors de ces bois, réfuta Élias à mi-voix. C’est pas normal que les oiseaux soient dérangés par notre passage si longtemps à l’avance. J’parie qu’ils sont encore là.
— Que dalle ! répliqua Félix. Cool, p’tit frère, ils n’ont peut-être pas la méthode mais ils ont sauvé Manon.
— J’suis assez d’accord avec Élias, émit Manon. Je préférerais aussi qu’on soit à découvert !
— Que tu sois d’accord avec Élias ne m’étonne pas ! persifla Zoé. Pas de panique ; les morveux, on attendra, mais faudra pas se plaindre à maman, hein ? !
Élias avala « les morveux » sans riposter, trop content de ne pas devoir poser un pied à terre dans cette jungle. Quelques kilomètres plus loin, la forêt s’éclaircit et le paysage commença à ressembler à la végétation de l’île. À la première prairie en vue, Zoé imposa le pique-nique en braquant le radeau vers la rive.
— D’ici on verra venir le danger, et au-dessus de la plaine, il y a un berger, ça vous va ? demanda-t-elle pour la forme.
— Bien sûr qu’ils étaient d’accord ! Ils avaient tous l’estomac dans les talons et Catherine leur avait préparé un déjeuner orgiaque !
Élias compta qu’ils devaient avoir parcouru bien plus de la moitié du chemin et n’ayant rendez-vous avec les parents que le lendemain soir à Abar, ils pouvaient très bien prendre du bon temps et même camper dans ce champ. Félix et Zoé étalèrent les sacs de couchage, qui avaient pris l’eau à la cascade, pour les laisser sécher au soleil, tandis qu’Élias et Manon déballaient le pique-nique.
Élias ( qui ne se séparait jamais de son carnet de croquis ni d’une boîte d’aquarelles ) essaya de dessiner sous sa dictée les bracelets de l’homme qui l’avait sauvée.
Sur l’un étaient enchâssées sept turquoises sur lesquelles était gravé un croissant de lune. Quelques-unes étaient vives, d’autres bleu nuit.
— Combien de vives ? demanda Élias, en trempant son pinceau dans le bleu de l’aquarelle.
Manon réfléchit un instant, puis affirma :
— Cinq, enfin, je crois ! ça n’a pas duré longtemps ! Sur l’autre bracelet, il n’y avait pas de pierres. Il devait y en avoir eu, parce qu’on pouvait encore distinguer leur place sur le bijou.
— T’es vachement fortiche ! J’suis pas sûr que j’aurais eu la présence d’esprit de compter les médaillons !
— Oui, émit-elle pensive. C’est parce qu’ils étaient disposés en forme de fleur à six pétales que je peux te définir les sept turquoises. Tous les pétales étaient bleu vif, sauf un et le cœur de la fleur qui ne l’étaient pas non plus. Ceux-là étaient aussi bleu nuit. Sur l’autre bracelet, il s’agissait d’une demi-fleur ; les trois entailles où ils auraient pu incruster des pierres étaient ovales, tandis que celui du centre était rond.
Les grands les rejoignirent et les ados commencèrent leur repas, en papotant posément sur les événements qu’ils avaient vécus. Ils en arrivèrent à la conclusion qu’il s’agissait vraisemblablement de clandestins n’ayant aucune envie de se faire connaître, pour ne pas courir de risque et que, s’ils les avaient suivis, c’était juste pour être sûrs qu’ils n’étaient pas dangereux.
— Ils doivent avoir eu plus peur que nous ! dit Manon. C’est toujours comme ça : on craint ce qu’on ne connaît pas !
— C’est pareil pour nous ! ajouta Élias. Qu’est-ce qu’on a flippé !
— TU as eu peur, pas moi ! répliqua Félix.
— T’étais pas si fier ! contesta Élias pour la forme.
Élias sentit une bête qui grimpait le long de son mollet. Il se redressa brutalement, secoua sa jambe dans tous les sens, en jurant comme un beau diable. Ses compagnons fixèrent la cheville à laquelle s’accrochait un serpent, y plantant ses crocs et injectant son venin.
— Arrête de bouger ! ordonna Félix.
Élias s’immobilisa ; le reptile s’enfuit ; laissant derrière lui les deux points rouges de son méfait. Manon se mit tout de suite debout, chercha du regard le berger qu’ils avaient aperçu en arrivant. Elle se retourna vers la rivière et se raidit :
— Ils sont encore là ! souffla-t-elle entre les dents.
— Oh non, murmura Félix tout aussi paralysé que les autres. Qu’est-ce qu’on fait ? On se barre ?
— Non, répliqua Manon, ils vont sûrement nous aider.
Une quinzaine d’hommes vêtus de pagnes et armés de sarbacanes approchaient à grands pas. Au milieu d’eux, légèrement en avant, leur chef était habillé d’une djellaba le couvrant entièrement, un turban cachant sa tête. Il avait aux poignets les deux bracelets d’or décrits quelques minutes plus tôt par Manon.
Tétanisés, les quatre ados les regardaient avancer, muets. Celui à la djellaba, aidé d’un autre empoigna les bras d’Élias qui ne réagit pas, trop surpris pour émettre la moindre objection. Ils tentèrent de l’emmener en l’entraînant vers la forêt. Élias, affolé, les fixa tour à tour, sans vouloir les suivre.
La djellaba cracha dans un petit pot, y touilla avec un bâtonnet et étala la mixture obtenue sur l’épaule d’Élias. Celui-ci s’effondra immédiatement, ayant perdu connaissance. Le second homme qui le maintenait debout pendant cette opération le chargea comme un vulgaire sac de farine, et tous s’éloignèrent en courant vers les bois, sans avoir prononcé un mot.