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Le Disparu de Montdevergues

Le Disparu de Montdevergues

Pubblicato 25 dic 2024 Aggiornato 25 dic 2024 Horror
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Le Disparu de Montdevergues

Qu’est-ce qui se cache derrière les murs de Montdevergues ?

Les lieux transpirent d’un mal indéfinissable. Un mal ancien qui suinte comme le pus d’une plaie béante. Un mal pesant qui fait ployer les épaules du visiteur, qui alourdit l’âme. Peut-être plus pesant encore, les jours de brume hivernale. Emile le ressentit dès qu’il en eut franchi l’entrée.

Fini les bras de chemises de ses vacances en Ardèche. Le Commissaire avait ressorti son chapeau, son pardessus et son écharpe. Il relu le message qui l’avait conduit jusqu’ici : “De retour  ou un copycat ? Tu devrais vérifier.” Et il se dit que décidément, il était beaucoup question de Georges Michel depuis peu. D’abord cet été, avec une demande inopinée de dédicace du livre sur l’affaire. Et puis maintenant, ces meurtres avec la signature du tueur enfermé à l’asile d’aliénés.

De retour ou un copycat ?

Ils s’étaient vu pour en parler, le bon père de famille d’un autre temps et le commissaire amateur de cigares cubains. La Sorcière des Sablés avait servi ses fameux biscuits avec le café. Emile a toujours eu du mal à choisir entre les madeleines au levain et les gourmandises de sa sœur. Victor était un homme de goût d’avoir choisi Dorothée comme femme.

— Alors, comme ça, le Petit Poucet serait de retour ?

— Ou alors, c’est une copie trop conforme, répondit Emile avant de croquer dans une hélénette à la badiane.

— Une fuite d’informations confidentielles n’est pas exclue. Surtout avec les technologies modernes. Ce ne serait pas le premier tueur sans personnalité qui voudrait sublimer l’œuvre de son modèle.

— Ni le dernier. Je suis censé voir Georges demain.

— Parfait.

— Nachau va faire barrage.

— Dans ce cas, tu me préviendras.

Le feu crépitait doucement dans la cheminée. Emile s’était abandonnée au moelleux du fauteuil.

Celui que lui proposa le Docteur Nachau était nettement moins confortable. Pouvait-on encore qualifier de fauteuil ce mobilier à l’assise austère ? Pour le moins, il s’accordait très bien avec le bureau froid et impersonnel dans lequel la blonde aux cheveux courts et aux yeux durs l’accueilli, sans petits gâteaux. D’ailleurs, il l’imaginait plutôt maniant la cravache que le fouet de cuisine. Etait-ce à cause de l’ambiance du lieu, du “je-ne-sais-quoi” qui se dégageait de sa personne, ou des deux ? 

A bien y penser, la psychiatre lui inspirait une sorte d’attraction repoussante indéfinissable, tout comme l’établissement ouvert en août 1862. Notre commissaire préféré ne se serait pas senti assez gaillard pour y déambuler seul la nuit. Il y entrevoyait trop de cachettes pour une abomination sans nom, prête à surgir sur son chemin à tout moment.

— J’ai bien reçu votre requête, Commissaire.

— Je n’en doute pas un instant.

— Mais je ne peux pas vous laisser voir, mon patient. Ce serait trop perturbant pour lui.

Emile ferma les yeux brièvement et inspira profondément. Quand il les rouvrit, elle n’avait pas bougé d’un poil. Le carré impeccable, le chemisier tendu sur un soutien-gorge probablement rembourré, les mains jointes, sûre de son pouvoir sur les hommes. Enfin, sur certains types d’hommes.

— Est-ce que nous parlons bien du même Georges, Docteur ?

— Je suppose que oui. Pour qui d’autre auriez-vous fait le déplacement, sinon pour votre “copain” Georges ?

Emile plissa les yeux.

— Je connais vos méthodes, Commissaire. Mon devoir de médecin m’interdit de vous laisser mettre en péril le fragile équilibre que Monsieur Michel a eut tant de mal à reconstruire.

— Pourtant, ce n’est pas par manque de temps, répliqua le Commissaire Demesy.

Il se pencha en avant et posa une main paternelle sur celles de la psychiatre qui réprima un mouvement de recul.

— Je vais aller faire une course au centre commercial, à côté. On en reparle quand je reviens.

— Et qu’est-ce qui vous fait penser que j’aurai changé d’avis quand vous reviendrez, demanda-t-elle tandis qu’il se levait.

— Une intuition de flic.

— Allez donc acheter votre boîte de chocolats et étouffez-vous avec !

Alors qu’il regagnait la sortie, une infirmière bouscula “distraitement” Emile et lui glissa un bout de papier dans la main qu’il déplia de retour à sa berline confortable. Après en avoir pris connaissance, il en transmis le contenu par SMS à son bras droit. Puis il patienta, le temps que Laurence Nachau quitte le bâtiment et rejoigne sa petite voiture citadine à la mode. Il frappa à la vitre côté conducteur, qu’elle mit un certain temps à baisser.

— Vous êtes en mi-temps thérapeutique, Docteur ?

Nachau alluma nerveusement une cigarette.

— Qu’est-ce que vous me voulez encore ?

— Vous allez recevoir un coup de fil. Je vais vous attendre à l’accueil.

Le téléphone, assorti à la voiture, sonna effectivement tandis que notre héros s’en éloignait, une boite de chocolats sous le bras, préférés de Georges Michel. À l’évidence, ce n’est pas de cela qu’il parlait quand il disait avoir une course à faire, puisque justement, il ne pouvait pas avoir eu le temps de la faire. Ou alors, l’expression “course à faire” ne revêt pas la même signification pour le célèbre Commissaire Demesy que pour nous.

Mais le Petit Poucet n’allait pas profiter de ces chocolats suisses. En réalité, la cellule du semeur de petits cailloux blancs était vide. Sans surprise, le Docteur Nachau n’avait pas rejoint le Commissaire pour l’y accompagner. Elle s’était contenté d’appeler l’accueil pour demander qu’une infirmière s’en occupe. C’est à elle qu’il offrit ses chocolats en repartant. 

Nachau fumait toujours dans sa voiture qui n’avait pas bougé. Le policier s’installa sur le siège passager.

— Il est où ?

— Je ne peux pas vous le dire.

— Ecoutez-moi très attentivement. La signature du Petit Poucet a été retrouvée sur plusieurs scènes de crimes. Georges Michel était sous votre responsabilité.

Le Docteur Nachau avait fini par cracher le morceau. Enfin, elle avait seulement confirmé l’adresse inscrite sur le bout de papier glissé dans la main du Commissaire quelques instants auparavant. Mais c’était déjà un début. L’espoir d’y trouver Georges Michel était permis. Et sinon, il y aurait bien une trace de son passage. Deux voitures banalisées étaient arrivées sur les lieux presque en même temps que Nachau et Demesy à bord de cette petite voiture peu confortable. Tout le monde n’a pas les mêmes critères concernant le choix d’une voiture ou d’un fauteuil.

A l’évidence, il s’était passé quelque chose dans le bâtiment. Quelque chose qui avait laissé des traces. Des traces physiques, évidemment, mais pas seulement… Les policiers venus en renforts se sentirent incommodés par le remugle malsain qu’Emile avait déjà senti à Montdevergues. Pas seulement de la peur. Mais le Mal.

Quelqu’un semblait y avoir mené des expériences clandestines aux résultats incertains. Mais tant le scientifique que les sujets d’expérimentation s’étaient volatilisés. Il restait du matériel chirurgical souillé et renversé, des portes battant au vent.

L’Inspecteur Clément fit signe au Commissaire de le rejoindre au bureau du scientifique où il lui présenta une photo encadrée et signée. Demesy interpela la blonde doctoresse :

— C’est vous, ça ?

Pas de réponse. Peut-être était-ce parce que Clément, intrigué par les livres de la bibliothèque, ne lui en laissa pas l’occasion.

— Commissaire, vous avez déjà vu ce genre de lecture ?

— Mengele, Kellogg, Charles Richet… Tiens, je ne savais pas qu’il avait écrit ça lui !

L’un des mulets s’approcha par curiosité :

— Qui ça ?

Demesy lui montra la couverte.

— Ah ouais, quand-même !

La fouille des lieux ne donna pas grand chose de plus. S’il existait des notes concernant son travail, l’occupant était parti avec. Et il était potentiellement parti avec Georges Michel dans ses bagages. Parce que cette œuvre-là, ce n’était pas dans les cordes de Georges. Ou alors ce n’était plus le même Georges. Puis l’info tomba : le bâtiment était loué au nom de Frédéric Schüefli. Emile souleva un sourcil interrogateur et se tourna vers la psychiatre mal à l’aise dans son corsage blanc.

— Quels sont vos liens avec Schüefli ?

— Frédéric est mon amant.

— Et qu’est-ce qu’il a fait de Georges ?

Nouveau mutisme.

— Vous savez, Laurence, si vous ne m’aidez pas, je ne pourrais pas vous aider.

Puis, se tournant vers ses hommes :

— On embarque tout ce qu’on peut et on met la blonde au frais.

Finalement, cette affaire était bien plus compliquée que le simple retour du Petit Poucet. De nombreuses inconnues s’invitaient dans l’équation. Qui était ce Frédéric Schüefli ? Qu’avait-il fait de Georges Michel ? Et Georges était-il encore vivant ? Car à en juger par le sang et les humeurs qui maculaient les lieux, cette dernière question se posait.

Et puis, il y avait l’autre scénario. Celui où Schüefli et Georges étaient complices…


À Suivre…





Crédits illustrations :

Illustration de couverture généré sous Adobe Firefly.

Affiche réalisée sous Adobe Express. Polices sous licences Adobe Fonts. Tous droits réservés.


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