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Chapitre 6 Des souvenirs qui remontent à la surface.

Chapitre 6 Des souvenirs qui remontent à la surface.

Pubblicato 25 ott 2021 Aggiornato 8 feb 2022 Cultura
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Chapitre 6 Des souvenirs qui remontent à la surface.

Valérie poursuit sa randonnée. Prise par ses pensées, l'entretien avec le vieil homme tourne en boucle dans sa tête. Toujours aux aguets, elle surveille et elle se détourne plusieurs fois au moindre bruit. Elle croise d'autres marcheurs qui la saluent. Elle ne calcule pas ses heures. Sans se presser, le plaisir d'être en contact avec la nature lui procure un bien-être. Didier va lui cuisiner le sandre pêché la veille. Elle grimpe sur un sommet et elle baisse la tête. Elle regarde la hauteur vertigineuse. Le vertige survient. Les jambes commencent à se fatiguer. Les muscles deviennent douloureux, car elle les a peu sollicités durant l'hiver. Elle se cale contre un rocher. La sueur lui coule sur le front et elle s'affaiblit. Elle sort de son sac à dos une bouteille d'eau et elle boit au goulot. À proximité d'elle, une cascade ruisselle. Elle se déchausse et retire ses chaussettes qui puent la transpiration. Elle se rafraîchit avec de l'eau glacée mais revigorante. Puis, elle regagne sa place et s'allonge sur l'herbe drue. Elle est épuisée par sa marche. Elle ferme les yeux.  L'image de sa mère lui vient dans son rêve.
 
Tu n'es plus ma fille, je te renie. Petite trainée, j'ai honte de toi. Comment as-tu pu nous salir notre famille ? Tu es indigne de porter notre nom, j'espère que ce bâtard porte ton patronyme et pas le sien. Ses enfants ne doivent pas le découvrir ! Tu aurais pu avorter, ne serait-ce pour le respect de sa famille au lieu de le garder.
— Ils n'en sauront rien. Ils sont dans leurs études.
— Ah oui ? Et quand ils rentreront pour les fêtes.
— Je n'ai pas de famille et il m'héberge pour me dépanner.
Rose est estomaquée. La repartie de sa fille la laisse pantoise, mais les mots la frappent davantage.
— Nous avons prévu ainsi et ce sera mieux pour toi.
— Tu n'as pas à pavoiser pour autant !
Valérie se caresse le ventre arrondi.
— Je vivrais dans l'idée que je suis orpheline. Tu as joué un rôle éminent dans ma décision aussi.
— Cela ne tiendra pas ! Tu es irrationnelle !
— Il est épris. Non pas du tout, c'est un moyen de me détacher de toi, tu es envahissante.
— Tu vas tracer ta vie sans nous.
— Mon bébé sera mon bonheur et nous allons être heureux. Je n'ai pas besoin d'une approbation de votre part. Comme si c'était rare et banal. Le cordon ombilical rompu avec toi ne me brisera pas. Ton cœur d'iceberg finira par fondre.
— Petite insolente !
Le revers de la main de Rose gifle les joues de Valérie. Rose est nostalgique.
— Avant, tu moulais le café. Tu te poissais les mains avec la confiture en tartinant nos biscottes. La parfaite petite fille réservée. Tu as grandi trop vite et ton père se joint à moi avec la même opinion. Il est très déçu et furieux. En outre, c'est un acte préjudiciable à ton propre enfant. Il peut naître avec un handicap mental. C'est un risque. Tu n'es pas aliénée pour comprendre.
—Même si nous terminons sur une paillasse, ce n'est pas grave.
Valérie riposte avec dédain et odieuse. Elle attise et ne pèse pas ses propos. Le médaillon autour du cou de Rose étincelle avec le soleil.
—J'aurais préféré que nous soyons laïques au lieu de me tanner avec ta religion et ta chorale. Tes portées de musiques avec les croches, j'ai cru péter un boulon à un moment donné. J'aurais pu me laïciser.
— Oh !
Valérie détailla tous les reproches qu'elle gardait en elle.
— Tu avais ouvert une brèche. J'avais juste envie de me sauver de la maison. Tu étais pingre pour tes manifestations affectives et papa était absent et toujours détracteur. J'étais comme un otage sans issue échappatoire par ton autorité. Tu m'étouffais.
—Tu as toujours désobéi de toute façon. Une manière de te rebeller et t'opposer à nous. Tu étais une enfant difficile et fragile. Je n'ai appliqué que l'éducation que mes parents m'ont inculquée. Il n'y a pas eu de différence avec tes frères et sœurs. Sans l'ombre d'une injustice, c'était identique. Ton ton est méprisable pour nous. C'est inutile de te raisonner, c'est peine perdue. C'est fini, nous ne reverrons plus jamais.
 
Rose, anéantie, écourte et n'insiste pas. Valérie persiste dans son choix. Rose l'invite à sortir d'un geste de la main.
 
Glacée, Valérie sursaute, les larmes aux yeux. Des personnes escaladent la montagne en se cordant. L'atmosphère devient plus lourde et le tonnerre tonne. Un homme habillé en noir, portait un chapeau breton se promène avec un socque et une crosse. Il garde son bréviaire dans une main. Il croque une pomme flétrie. Devant lui, un chien renifle, piste et zigzague partout. Elle se ressaisit. Elle doit rentrer chez elle avant que l'éclair n'éclate. Elle se relève et sans courir ; elle tourne les talons ; elle emprunte un raccourci et elle accède rapidement au parking.
Lorsqu'elle rentre chez elle, Didier joue au tarot avec Matthieu et Stéphanie. Un verre de soda est posé au bout de table. Ils continuent sans se distraire de son arrivée. Elle se sert un verre de lait. La partie de cartes se termine, Didier ramasse le jeu.
— Tu as cavalé pendant un moment, j'ai entendu des…
— Je sais Didier, j'avais besoin de me déconnecter. La communion avec la nature est vitale. Nous ne sommes pas obligés d'être collés en permanence.
— Un peu plus, j'envoyais un hélicoptère !
Valérie boit. Didier lui entoure la taille et l'étreint.
— Je ne sais pas pourquoi je pense à ma mère.
— C'est peut-être un signe ! Je parie qu'elle n'attend que ça. — J'étais sa cible, son vilain petit canard. Je n'étais ni ange ni tyran. C'est idiot, pourquoi revint -elle dans mes rêves ? Cette cassure avec elle, elle est bien réelle et définitive.
— Que s'est-il passé entre vous ?
— Elle m'a viré de sa vie lorsque j'étais enceinte de Matthieu. — Je ne savais pas.
— Elle était rigide et despote.
— Personne n'a la famille idéale. Je vais à la cave, je reviens. — Je ne cherche pas à m'apitoyer sur mon sort sans vouloir te vexer.
— Pas du tout. Tu me raconteras pourquoi vous avez rompu.
 
Didier sourit et lui dépose un baiser sur les lèvres. Il la quitte quelques instants. La fenêtre ouverte, la pluie tombe, Valérie la referme. Sur le buffet, une lettre à son nom. Elle retourne l'enveloppe.  L'adresse de sa sœur Hélène est écrite au dos.
 
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