Chapitre 24 Les dés sont jetés
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Chapitre 24 Les dés sont jetés
Aude est fébrile. L'image d'un père bienveillant et poli restera en elle. Comment expliquer cette dérive de sa part ? Alors que lui était si à cheval sur les principes et les valeurs. Cette incompréhension la cloue. Valérie était fautive et lui, le faible était tombé dans le panneau. Quel est l'avenir de ce courrier ? Devait-elle la garder pour elle ? Plus elle piétine dans sa tête, plus elle s'agace. Elle rit d'elle sans se moquer pour autant de son flottement sempiternel. Toucher à la famille était une zone à craindre.
Bien réfléchir avant d'agir, ces morceaux de papier contenaient une précieuse bombe atomique. C'était une piste exploitable, la relation entre son père et Valérie était de quel ordre ? Pourquoi utilisait-il les mots de la loi génétique ? Seraient-ils de la même famille ?
Drôle d'idée, mais peut-être possible.
Aude se remémore les moments vécus à l'enterrement.
Elle s'étend sur le lit et ferme les yeux.
Un film se déroulait dans ses pensées et les dernières paroles échangées. La messe ; la sortie de l'église et du cimetière ; les condoléances et ROSE.
Oui, une certaine Rose qui se présentait comme quelqu'un de sa famille. Elle n'avait pas vu son père depuis des années sans expliciter la raison. Ils se fréquentaient autrefois. Pourquoi plus aujourd'hui ? Cela arrivait à beaucoup.
Des gens n'ont plus de nouvelles de proches — ce n'était pas un cas isolé ni de quoi faire un fromage ni broder n'importe quoi dessus. Aude se redresse de son lit. Un tas de scénarios se tracent dans sa tête.
Il fallait décanter ses réflexions. Où habitait cette Rose ? Elle ne savait rien d'elle, car son père ne lui en parlait jamais. Elle se lève. Sur le bureau, tout était parfaitement rangé sans aucun désordre. C'était aussi un trait de caractère. Comment aurait-il pu commettre une telle faute ? Un petit carnet avec des noms barrés. Aude se rappelait qu'au moment des cartes vœux, il l'avait à côté de lui. Il notait par lettres alphabétiques, mais pas de Rose Poinsard.
Se heurter à ce détail était-il vraiment important ? Rose connaissait son père, elle lui voulait certainement pour une raison. Si c'était le cas, pourquoi venir aux obsèques ?
Il n'y avait pas matière à ruminer. Didier, pourra-t-il l'éclairer ou ignorait-il cet élément ? Le mieux était de lui apporter ces courriers. Un lien familial unissait Valérie et son père. Elle émettait une hypothèse plausible. Seul Didier lui affirmera. Elle utilise l'ordinateur et cherche des informations sur Didier. Elle retrouve d'abord l'avis d'obsèques sur le journal :
Nous avons la douleur de vous faire part du décès brutal de :
Monsieur Pierre Duchemin,
Survenu à l'âge de 66 ans le 30 juin 2019,
De la part d'Aude, Damien et Alexandre
Matthieu Poinsard
Ses enfants
Ses cousines Rose et Jean Rivert
Jeanne Poinsard
Germaine et André verdi.
Ainsi que toute la famille.
La cérémonie religieuse sera célébrée le 4 juillet 2019 à 10 heures 30.
en l'église de la Mulatière.
— J'ai la confirmation de mon intuition. Je vais aller voir son mari. Elle a eu le culot de mettre Matthieu sur l'avis de décès.
Dans la barre de recherche, elle tape Didier et divers noms apparaissent.
— Je ne sais même pas son nom de femme mariée. Le notaire a donné le nom de Valérie Poinsard. Il a dû confondre et se mélanger... tiens, je regarde l'historique sur Internet et je clique sur Didier.
La page s'ouvre et la photo de Didier Persival, architecte sur Lyon.
— Votre femme qui n'a pas décroché un mot chez le notaire. J'espère que vous serez plus correct qu'elle.
Aude rejoint ses frères qui feuilletaient un album de timbres.
— Bon les gars ! J'ai dans mes mains un courrier de notre cher papa pour Valérie et Matthieu.
Damien relève la tête.
— En quoi cela nous concerne-t-il ? Ne me dis pas que tu les as lues.
— Si !
— Pff ! Tu n'avais pas à le faire !
— Je sais, mais je détiens de quoi briser son mariage.
— Tu plaisantes. Pourquoi agir de la sorte ?
— Serais-tu vraiment satisfait que cette maison revienne à Matthieu alors que nous avons vécu plus d'années que lui ?
Alexandre referme l'album et prend la parole.
— C'est justifié. Nous avons eu le privilège qu'il nous paie pour des études et il n'a pas contribué pour Matthieu. Pourquoi cherches-tu la petite bête ?
Aude sourit sardoniquement.
—Si Matthieu et Didier savaient que Valérie a eu un enfant avec le cousin de sa mère, je pourrais espérer un retournement de situation pour nous. Matthieu renoncerait à son bien.
Alexandre et Damien se regardent dubitatifs. Damien questionne.
—Quelle cousine ?
— La mère de Valérie s'appelle Rose Poinsard nom de femme mariée. Elle était là. Elle "fréquentait" notre père, me soufflait-elle, au cimetière à une certaine époque. Mais aucune intention envers sa fille.
Alexandre se braque.
—Fréquenter dans le sens côtoyer, Aude.
Aude se gausse.
— Une rivalité entre mère et fille.
—N'importe quoi !
Aude lui tend l'enveloppe.
— Vous n'avez qu'à les lire.
Les deux frères se tiennent côte à côte et consultent les deux feuilles.
— C'est ta conclusion, mais cela ne nous regarde pas.
— Alexandre, tu te trompes.
— Nous méritons certainement cette punition.
— Libre à toi. Je n'ai pas besoin de ton approbation pour agir.
— Tu ne l'as pas et tu ne l'auras pas. Cela ne changera rien. Nous devons nous soumettre.
—Qui ne risque rien, n'a rien. Je vais voir le mari de Didier.
Aude extorque les feuilles et tourne les talons. La porte se referme et Aude se déplace jusqu'à la ville de Lyon. La ville riche d'architecture et elle a conservé des petits coins nature avec de nombreux parcs. Didier avait pignon sur rue en plein centre-ville. Aude poussa la porte du local. Didier travaillait. La petite sonnerie de cloche et il lève la tête.