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Chapitre 10 La grande décision

Chapitre 10 La grande décision

Pubblicato 26 nov 2021 Aggiornato 9 feb 2022 Cultura
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Chapitre 10 La grande décision

Valérie bouge dans son lit. Le sommeil ne vient pas, alors que Didier dort avec ses grosses respirations régulières. Elle se retourne à droite ; à gauche ; elle déplie ses jambes. La couette se déplace également et elle tire de son côté. Elle se redresse et peste de cette nuit blanche. La pleine lune éclaire à travers le volet. Elle ressasse son périple à Vannes ; la lettre de sa sœur et sa visite chez ses parents soldée par un échec.
— Et encore Didier n'a jamais su que Pierre est de ma famille. J'ai de la chance de l'avoir, mais serait-il aussi toujours indulgent s'il pensait que je cachais une chose si importante ? Cette erreur de jeunesse est implantée dans ma chair. Je ne l'ai jamais reconnue jusqu'ici. Le mot d'Hélène ne peut pas m'adoucir bien au contraire. Ce serait manqué de finesse de révéler au grand jour. Un tourment qui me pénètre et me retourne. J'ai échoué avec ma mère. Je dois partir d'ici.
Elle quitte sa place chaude ;  elle se glisse hors du lit et rajuste la couette. Elle marche pieds nus sur la moquette et enfile sa robe de chambre. Elle entrouvre la porte délicatement et part dans une autre pièce. Elle descendit les escaliers sur la pointe des pieds et va dans la salle de séjour où se trouve un bureau. Elle allume la lampe. Le papier à lettres avec les enveloppes sont là. La lumière n'éclaire que la feuille. Elle s'empare un stylo et écrit.
Mon chéri,
Tu ne vas pas t'attendre à cette lettre et te demander pourquoi je la rédige. J'ai beau me comporter comme un croquemitaine avec Matthieu et Stéphanie, mais je suis flasque. Tu vas tout de suite comprendre. J'ai pris une décision : je pars, mais je ne sais pas où encore. Je voudrais vivre ailleurs qu'ici. Je craque.
J'ai besoin de recul et de me ressourcer loin de cette tension nerveuse quotidienne. Je ne remets pas en cause mes sentiments pour toi. Cupidon qui a pointé ta flèche dans mon cœur. Indispensable, tu es dans ma tête même quand tu n'es pas avec moi. Tu m'accompagnes par mes pensées. Tu me suis partout. Tu es la personne idéale dont je rêvais à un vrai prince, toujours galant. Je ne t'ai pas trouvé dans le bottin. Tu étais mon voisin et non fortuite, un bel homme brun avec du charme pour ton sourire. Je fonds encore pour toi. Je ne compte pas fauter avec un autre. Rien ne nous séparera. Mon amant,  mon ami et double à la fois, tu représentes tout mon manque. Tu es inhérent, c'est sûr. Tu remplis les vides. J'ai confiance en toi, sans peur ni crainte et sans haine contre mes enfants. Je suis peut-être trop crédule. Je peux mettre en péril notre relation, mais n'est-ce pas le moment de se tester à quel point sommes-nous solides ? Nous n'avons jamais connu de crise. Nous en sortirons indemnes de cette épreuve, car nous ne manquons pas de ressources.
Tu ne te comportes pas comme un chef dans la maison. Bien au contraire, toujours bienveillant et doux. Tu viens me consulter au moindre problème. Lorsque je te quitte, mon seul souhait de le retrouver le soir. Tu es mon fil conducteur de ma vie. Sans toi, je ne suis plus rien. Je ne pourrai pas vivre sans sentir ta présence. Nous rejoignons sur beaucoup de choses et notre entente parfaite me comble de joie. Les sorties ; le dialogue et les petites blagues pimentent nos veillées. Me blottir dans ses bras pour pleurer ou partager un moment de tendresse, nous rapproche de jour en jour. Je ne peux rien demander de davantage face à ce bonheur idéal. Chaque lendemain m’étonne par son lot de surprises de gloires et de peines. Notre sensibilité nous a permis de mieux nous comprendre et d'appréhender l'autre. Une nouvelle page s'écrit. Nous habitons ensemble depuis plusieurs années sans l'ombre d'un remords. Je n'y croyais plus et je n’anticipais plus rien de particulier. Cependant, ta demande d'une vie commune répondait à une évidence depuis toujours. L'amour ne disparaît jamais. L'espérance d'une histoire éternelle à deux, seule la mort nous séparera. Je sais que ce jour-là sera aussi le dernier de mon existence.
La routine n'est pas pour moi entre mon travail et les enfants. J’apprécie le changement et je n'y peux rien ! Je porte un masque, lisse, je me force auprès de toi. Je me forge mon caractère au point de transformer en une poupée ou en un santon posé dans une vitrine de magasin. Devenue inexistante, transparente pour mes enfants, je m'adresse à des murs de béton. Les coups indélébiles s'imprègnent et m'enfoncent davantage. Minable mère. Aucune autorité et je m'écrase, car je ne fais pas le poids devant eux. Je n'ai pas le dessus comme toi. Tu es un roi brave.
Je n'étais qu'un têtard alors que j'étais enceinte. Pas apte au rôle de maman. Solide comme un roc, pourtant, je m'effrite aujourd'hui. J'étouffe avec ce carcan autour de mon cou telle une prisonnière par un secret. Mariée avec toi, ce n'est pas un ratage. Je n'étais encore qu'une gamine quand on s'est connus. Un calier dans la marine, tu as démissionné pour moi. Refais ta vie avec une autre femme si ça te plaît. Je ne t'en voudrais pas personnellement, car j'ai commis dans le passé un péché qui n'est pas véniel.
Je désire sortir de ma cage ; voler de mes propres ailes ; en toute liberté. Je reviendrai plus forte.
J'espère que tu me comprendras. Merci d'avance. N'oublie jamais que je t'aime et je t'aimerai tout le temps. Tu es mon étoile. Mon trèfle qui me porte chance.
Ta femme chérie, Valérie.
Valérie plie la lettre en deux ; elle la pose sur le bureau et la dissimule sous le capot de l'imprimante. Elle regagne sa chambre et se recouche près de son mari. Elle ne se rendort pas et se tourne dans les sens. Elle s'agace et trépigne. Didier ne s'est pas aperçu de son absence. Sa décision la turlupine, mais question de proscraminer. Peu importe.  Il ne reste plus que quatre heures avant que Didier et ses enfants s'activent. Cette résolution est difficile à garder et lui crève le cœur de l'exécuter. Mais à quoi cela lui sert de perdurer alors qu'elle n'éprouve que les remords de ses mauvais choix ? Un désir profond de se reconstruire une nouvelle vie.
Sept heures et demie.
Valérie se montre comme à l'accoutumer dévouée à sa famille. Tendue et à plat, elle tient debout par miracle. Blanche et vacillante, elle s'affaire avec la préparation de la table et le café. Peu bavarde, elle se préoccupe de son projet. La fatigue se lit sur son visage. Chacun est perdu dans ses pensées et le petit déjeuner se passe dans le silence. Didier plante ses yeux dans le regard de Valérie et devine.
— Tu n'as pas beaucoup dormi et tu es songeuse.
— Tu sais très bien pourquoi.
Les enfants desservent la table et ils posent leurs bols dans l'évier. Avant de partir, le baiser de Valérie ressemble à un baiser d'un adieu. Un peu morose, elle n'a pas le courage de parler. Elle simule l'émotion, car elle ne compte pas changer d'avis et aller jusqu'au bout même si cela lui coûte.
La maison se vide.
— Bon… Ne recule pas surtout, tu dois le faire.
Elle sort les valises. Elle emporte tout. Tout reste en plan, elle ne s'attarde pas sur le ménage, la vaisselle, l'effet d'un coup de tête.
Elle prend le bus pour rejoindre la gare. Premier but : Paris. Elle achète son billet. Quelle sera sa prochaine destination ? Seul Dieu le sait ! Pourquoi pas l'Australie ? Partir sans connaître ce qu'on va trouver, est-ce une folie ? Valérie a une âme d'aventureuse, un peu romantique et rêveuse. Sur le quai de la gare, assise, elle regarde une dernière fois, l'impression que la foule qui l'observe. N'avaient-ils jamais vu quelqu'un avec autant de valises ? Ou est-ce son allure ? Bien qu'elle approche de la quarantaine, elle a trente-six ans exactement, elle a toujours gardé un vestimentaire jeune.
Enfin le train arrive, Valérie se précipite dans le wagon, pour trouver une place. Elle soupire.
— Adieu Didier… Adieu Stéphanie… Adieu Matthieu…
Les portes se ferment. Le train démarre, petit à petit, il file comme le vent.
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