Equipe de nuit
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Equipe de nuit
Équipe de nuit, Anne-Catherine Blanc, Mutine, 2020
Ginou et Zé vivent depuis longtemps dans un mas des Pyrénées-Orientales, isolés, à 800 mètres d'altitude. Leurs filles sont mariées et vivent à Nimes et Toulouse ne leur rendant que peu visite et leur fils Tiago est en prison, Zé l'a renié. Un soir de novembre, Zé fait un infarctus, Ginou l'accompagne à la clinique de Perpignan. C'est dans la salle d'attente qu'elle remarque un jeune garçon, seul, apeuré, se faisant aussi discret que possible. Se rapprochant de lui, elle comprend qu'il se cache, qu'il est réfugié. Et la police des frontières rôde dans les rues avoisinantes.
Je crois avoir lu tout ce que Anne-Catherine Blanc a publié. J'ai commencé avec le très bon L'astronome aveugle et enchaîné avec l'excellentissime Moana blues qui est et restera l'un de mes livres préférés que je conseille à tout-va, puis Passagers de l'archipel, Les chiens de l'aube et D'exil et de chair. Je crois même pouvoir dire que c'est l'auteure la plus représentée dans mes coups de cœur tant j'aime son écriture. La voici qui change encore de ton dans ce roman très dialogué et très intérieur. De fait, lorsque Ginou ne converse pas avec d'autres interlocuteurs, elle se parle à elle-même s'interroge sur sa vie, sur ses engagements, sur ses renonciations, ses faiblesses, sa vie avec Zé pas toujours facile, ses enfants qui se sont éloignés,... Elle sent qu'elle doit faire quelque chose pour la seconde partie de sa vie, ne pas rester isolée dans son mas, qu'elle s'est trop retirée, trop mise entre parenthèses dans une sorte de vie mécanique, routinière, dont le but principal est s'occuper de Tiago.
Avec un langage très oral, familier parfois, AC Blanc dresse le portrait d'une femme qui, comme chacun de nous, vieillit, mais ne veut pas mal vieillir. Ça paraît assez simple, parfois facile mais le petit plus c'est que quand on referme le livre, on ne peut s'empêcher de repenser à Ginou et à ce qu'on fait nous et à ce qu'on aurait fait dans sa situation. Aurait-on détourner le regard des réfugiés ? Les aurait-on aidés au risque de se faire pincer par la police ? Se mettrait-on en danger pour eux ? Je rejette définitivement l'option de dénonciation, à gerber.
C'est cela la force de ce petit roman très différent des autres de l'auteure. Il interpelle et pose la question de sa propre humanité. Il diffuse lentement en nous. Pas de jugement de la part de Ginou ou de l'auteure sur ce que font ou ne font pas les uns ou les autres, juste une histoire de femmes et d'hommes qui savent bien que l'entraide dépasse les frontières et les origines, que notre devoir est de soutenir, porter assistance à tout autre être humain en détresse, parce que c'est cela qui fait de nous des êtres humains et pas le dernier mobile ou la dernière automobile à la mode.
Toutes mes recensions sont sur mon blog http://www.lyvres.fr/