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Chapitres 17 et 18 

Chapitres 17 et 18 

Pubblicato 20 giu 2022 Aggiornato 20 giu 2022 Cultura
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Chapitres 17 et 18 

17.

                Soriana examina une dernière fois sa silhouette dans le miroir de l’entrée. Son tailleur cintré, couleur bleu nuit, se voyait savamment rehaussé par un bustier vert dont le tissu moiré présentait des modulations d’intensité. Sur le revers, elle avait accroché une broche offerte par Jocelyn, figurant un colibri prenant son envol. L’amazonite dont elle était sertie s’harmonisait admirablement avec les détails vestimentaires tout en étant une image de l’essor qu’elle comptait insuffler à une ancienne loi. Quant aux chaussures, après une hésitation interminable, elle avait finalement opté pour des escarpins à talon plat arborant les mêmes couleurs, s’assurant ainsi un élégant confort. Elle voulait être impeccable pour ce discours qui serait le premier pour elle et qu’elle avait construit avec son bien-aimé dans de longues et passionnantes discussions. Malgré les nombreuses relectures de son argumentaire, elle se sentait nerveuse et fébrile. D’autant plus que celui qui occupait son cœur, se voyant retenu tout l’après-midi par la visite d’acheteurs potentiels en provenance de Longoeil, ne se trouvait pas à ses côtés pour l’encourager.

                — Tu es parfaite ! s’exclama Prog. A-t-il seulement conscience du trésor qu’il possède ?

                La jeune femme sourit devant cette nouvelle remarque de l’androïde qui la détournait de ses pensées et de ses craintes. Depuis quelque temps, il montrait des signes de jalousie ou d’envie. Il ne pouvait s’agir que d’une coïncidence étant que tout un chacun savait qu’un robot était dépourvu de sentiments.

                — Pour ta gouverne, répondit doucement Soriana, je me rends au colloque du ReNaC pendant lequel je dois discourir sur un aménagement de loi.

                — Mazette ! Je suis certain que tu excelleras autant dans ce domaine que dans le journalisme.

                Cette remarque surprit la jeune femme tout en la réconfortant. Il était indéniable que son robot s’humanisait, à tout le moins, en présentait-il de nombreux signes. La révision de son système étant proche, elle en parlerait au technicien aux fins de vérification.

                — Merci Prog. Puis ne sachant quelle discussion aborder avec ce qui n’était tout de même qu’une machine, elle demanda : peux-tu me donner mon porte-document et mon sac ?

                L’androïde s’exécuta tout sourire, soudainement dépourvu de manifestations de sentiments. Soriana s’éloigna perplexe, mais remis ce problème à plus tard pour se concentrer à nouveau sur la défense qu’elle devait présenter au colloque du parti. Si Jocelyn ne pouvait l’accompagner, il avait cependant insisté pour que son chauffeur la véhicule jusqu’au siège du ReNaC. Dans un souci de discrétion, la jeune femme avait sollicité une voiture plus modeste, mais toujours luxueuse, munie de la conduite autonome. Elle s’installa donc dans une monoplace qui, si l’espace était volontairement réduit, proposait tout de même toute la technologie et le confort connus dans les autres formats. Le nez du véhicule à peine fermé, sans qu’aucun hologramme surgisse, une voix se fit entendre :

                — La Compagnie Craspien et Fils est heureuse de vous accueillir à son bord. Nous devrions atteindre notre destination dans trente et une minutes vingt-trois secondes. Des boissons sont à votre disposition dans le réfrigérateur situé sous votre siège et vous avez le loisir de sélectionner un programme musical pour agrémenter le parcours. Nous vous invitons à garder votre ceinture de sécurité bouclée durant tout le trajet. Nous vous remercions d’avoir choisi la Compagnie Craspien et Fils pour votre voyage.

                Soriana s’amusait toujours de ces présentations qu’elle trouvait logiques pour de grands déplacements, mais complètement inutiles pour le court itinéraire qu’elle effectuait. L’idée de bientôt entendre énoncer les conditions atmosphériques du point d’arrivée la fit sourire alors qu’elle fermait les yeux pour se détendre.

                — Ma douce semble bien joyeuse !

                Au moment où la voiture se mettait en marche, l’hologramme de Jocelyn avait surgi dans l’habitacle, touchant presque la jeune femme qui sursauta.

                — Je n’osais espérer que tu puisses te dégager quelques instants ! Ta présence m’est si précieuse.

                — Dès que j’ai eu connaissance que nos rendez-vous se chevauchaient, j’ai demandé à Julie de programmer une interruption afin de me libérer quelques minutes à cette heure précise. Pour une raison qu’il me reste à déterminer, la secrétaire n’a pas exécuté l’ordre. J’ai donc simulé un appel urgent sur mon terminal stipulant qu’il était préférable que j’y réponde en privé. Et me voici ! Tu es radieuse et… absolument séduisante.

                — Tu exagères. Mais j’apprécie autant tes paroles que ta démarche.

                — Seul celui qui te connaît peut déceler ta nervosité. Souviens-toi, notre projet est équilibré et n’apportera que du bénéfice à la population de Complaisance. Penses-y lorsque tu développeras nos arguments, cela te portera vers la victoire.

                — Tu utilises exactement le même vocabulaire qu’un de mes anciens professeurs.

                — Il se pourrait qu’il m’ait donné cette idée pour t’encourager. Selon lui, tu es une brillante juriste, ce que je n’ai pas manqué de constater !

                — Ce qui ne veut pas dire que je ferais une bonne avocate…

                — Tu es une battante et bien plus encore lorsque la cause est juste ! Inutile de démentir, j’ai une certaine capacité à déceler les dons chez les personnes que je côtoie. Je peux t’assurer que tu en as de nombreux et qu’ils sont riches…  

                Un mouvement derrière le PDG le fit se retourner. Soriana crut apercevoir Julie. Si elle entendit bien une voix féminine, les paroles prononcées le furent trop doucement pour qu’elle perçoive la teneur des propos, contrairement à la réponse sévère et brutale de Jocelyn. Lorsque celui-ci se tourna de nouveau vers elle, il paraissait exaspéré et en rage.

                — Ma chérie, je te prie d’excuser cette interruption intempestive.

                — Tout se passe bien ? 

                — Sois assurée que je contrôle la situation, mais il me faut retourner à ma réunion. Nous nous retrouvons ce soir comme convenu… pour fêter ta victoire.

                — Il me tarde d’y être. J’espère que, d’ici là, tu auras réglé le problème qui vient de surgir devant toi…

                — Pour l’instant, il n’y a que toi… et nous. Mes pensées t’accompagnent… ainsi que mon cœur. À ce soir.

                Avant que la jeune femme ne puisse, une nouvelle fois, affirmer son amour à son bien-aimé, celui-ci avait coupé la communication, manifestement en proie à une sourde colère. Soriana tenta d’oublier cet incident afin de ne pas ajouter au trouble qui la gagnait de plus en plus. Elle entreprit de lire pour une énième fois les grandes lignes de son discours et ne leva la tête que lorsque la voiture stoppa devant le siège du ReNaC.

                — Vous êtes arrivée à destination. Nous espérons que votre parcours a été agréable. Selon les instructions données à la location, cette voiture assurera votre retour au domicile. Dès que vous en aurez besoin, il suffira de l’appeler grâce à l’application présente sur votre terminal personnel. Veiller à ne rien oublier dans le véhicule. Nous vous remercions d’avoir choisi la Compagnie Craspien et Fils pour votre voyage et serons heureux de vous accompagner, de nouveau, à l’avenir.

                Sortie de la voiture, Soriana se trouva devant une tour présentant de nombreux étages dont la plupart étaient dédiés au Renouveau National de Complaisance. Presque entièrement de verre finement rehaussé d’acier, la forme légèrement torsadée du haut bâtiment rutilait sous le soleil. Pour s’y être déjà rendue, la jeune femme savait qu’à cette heure de la journée, l’hémicycle serait inondé de lumière.

                Passée le portique de sécurité et ayant obtenu son badge d’accès, Soriana se dirigea vers l’ascenseur dont une paroi se révélait être une fenêtre sur l’extérieur accordant, tout au long de la progression, d’admirer un panorama grandissant. Si la vue au dix-septième étage, arrêt de la jeune femme, était magnifique, celle permise par la rotonde du sommet coupait le souffle à tout visiteur. Elle se souvenait encore de l’impression ressentie lors de la visite des locaux suite à son admission au sein du parti. Malgré le temps brumeux, elle avait découvert Complaisance d’une tout autre façon.   Alors que l’ascension allait démarrer, un quidam surgit de nulle part, interpellant le portier électronique.

                — Je n’aurais pas voulu rater ce départ pour le ciel en aussi bonne compagnie, souffla-t-il à Soriana. Comment allez-vous, ma chère ?

                Dès leur première rencontre, la jeune femme s’était sentie mal à l’aise face à cet homme dont elle ne retenait pas le nom malgré ses efforts et qui, amer de n’avoir obtenu le poste de vice-président lors des élections internes, crachait son venin sur tout le monde et notamment sur les nouveaux venus. Jusqu’à présent, Soriana avait échappé à sa hargne, mais ne se faisait pas d’illusions sachant que, tôt ou tard, elle passerait également dans ses mauvaises grâces.

                Sans lui laisser le temps de réagir, l’homme poursuivit :

                — Quelle stupidité d’imposer une réunion par cette belle journée ! Avouez que vous auriez préféré prendre un bain de soleil sur votre terrasse.

                Le regard lubrique qu’il lui lança fit frissonner Soriana, tandis que le ralentissement de l’ascenseur annonçant son arrêt la soulageait. Pour toute réplique, elle adressa un sourire mi-figue, mi-raisin à l’importun.

                — Bonjour monsieur le président, salua-t-elle l’arrivant.

                — Bonjour Soriana, répondit Valéry Fiar. Bonjour, mon cher, dit-il rapidement à l’adresse de l’homme. Puis revenant à la jeune femme, il continua : il me tarde d’entendre votre allocution tant votre proposition présente des intérêts pour notre mégalopole.

                — C’est vous qui intervenez ? s’étonna l’homme avant que Soriana ne puisse réagir. Quel sera ce sujet si précieux aux yeux de notre président ?

                — Si vous aviez lu votre convocation, vous n’auriez pas manqué d’obtenir les informations nécessaires pour vous préparer à cette séance, l’interrompit Valéry Fiar d’une voix coupante. Il ne vous reste qu’à attendre la réunion pour en connaître plus.

                Les visages de Soriana et de l’homme rabroué affichèrent la même couleur rouge. L’une, suite à la gêne qu’elle ressentait d’être ainsi défendue alors qu’elle n’était encore qu’une bleue au regard de nombreux militants. L’autre, de colère d’être remis en place par la tête du parti devant une novice qui, de surcroît, n’y entendait rien en politique, selon lui.

                Presque aussitôt, le trio sortit de l’ascenseur pour s’avancer vers l’hémicycle. Si personne n’adressa la parole à l’homme maintenant maussade, il n’en fut pas de même pour Soriana et le président qui, chacun de leur côté, saluèrent ou s’arrêtèrent avec l’un ou l’autre. Une légère sonnerie signifia que la séance allait débuter et qu’il était temps, pour tous, de gagner leur siège. Cette fois, celui attribué à la jeune femme, comme à tous les intervenants, se situait au premier rang. Soriana constata, avec étonnement, que seuls le président et elle s’y trouvaient alors que la convocation faisait état d’un troisième orateur.  

                Un huissier d’audience monta sur l’estrade et réclama le silence, demandant également aux derniers venus de prendre place au plus vite. Dès que les portes furent fermées et que la salle ne rendit plus l’écho d’une bassecour, il expliqua que la parole revenait premièrement à Valéry Fiar qu’il invita à venir le rejoindre. Celui-ci s’exécuta sous une salve d’applaudissements, débutant son allocution sans même attendre que le calme soit rétabli.

                — Chers amis, au nom du bureau restreint du ReNaC, permettez-moi de vous accueillir et vous remercier pour votre présence en ce jour radieux.

                Il avait volontairement choisi cette phrase universelle, sachant que ceux qui n’entendraient pas ses premiers mots ne perdraient rien des éléments principaux de son introduction. Soriana nota mentalement cette subtilité pour en user personnellement en temps voulu.

                — Avant toute chose, il nous faut excuser notre vice-président qui a été retenu par des obligations familiales impérieuses et interviendra, de ce fait, lors de notre prochaine réunion. Un léger murmure agita les rangs pour se dissiper presque aussitôt, permettant à l’orateur de poursuivre : je ne vous apprendrais rien en vous signalant que la campagne électorale arrivera bientôt à sa fin, le scrutin étant prévu dans moins de trois mois maintenant. Les derniers sondages quant aux intentions de vote de la population de Complaisance montrent le ReNaC favori dans la majeure partie des circonscriptions. Une manifestation enjouée et bruyante l’interrompit sans pour autant qu’il ne perde le contrôle. Un effort ultime est à fournir pour consolider notre présence croissante dans les circonscriptions ouvrières K et L dans leur entièreté, reprit-il. Nouvel élan spontané des membres auquel Valéry Fiar répondit en levant les mains pour quémander le silence. Par contre, continua-t-il alors que le brouhaha s’atténuait, j’ai la joie de vous exprimer notre fierté quant au secteur J, essentiellement dédié à l’armée. Il semble que nous atteignions le chiffre record de quatre-vingt-cinq pour cent !

                Cette fois, tous les participants se levèrent comme un seul homme pour saluer ce revers cuisant pour l’ADoC qui, jusqu’à présent, avait toujours été majoritaire dans ce secteur. Les sifflets et les applaudissements ne cessaient de croître à un point tel que le président dû demander le silence à plusieurs reprises avant de l’obtenir.

                — L’unique sujet sensible réside dans les districts H, I ainsi que G1 et G3. La population défavorisée de ces circonscriptions demeure aveuglée par les promesses outrancières de renouveau économique distillées par le BPC.

                Cette fois, ce furent des clameurs de désapprobation qui se firent entendre, avant que Valéry Fiar ne puisse poursuivre :

                —Les derniers mois de campagne verront donc cette cible comme primordiale. Dans la mesure où nous y gagnerons un minimum de dix pour cent de voix, nous devrions obtenir la majorité absolue !

                De nombreuses manifestations bruyantes éclatèrent de nouveau, faisant presque trembler le sol par leur intensité. Le président laissa la liesse l’emporter avant d’annoncer la suite du programme.

                — Puisque incontestablement, nous occuperons une place prépondérante dans le prochain gouvernement de Complaisance, il nous a semblé bon, au bureau restreint et à moi-même, de ne pas attendre notre nomination pour travailler au projet de restructuration rendu nécessaire par la gestion déplorable de la coalition sortante.

                Quelques rires et quolibets fusèrent, largement accompagnés de grimaces et autres mauvaises parodies.

                — Pour nous démarquer de leur attitude autant que de leur politique, interrompit Valéry Fiar, je vous inviterais à ne pas les imiter, mais, au contraire, à afficher une déférence face à ceux qui ont décidé de nous enterrer alors que nous étions encore bien vivants !

                Cette fois, le silence se fit entendre aussitôt. Soriana sourit comparant les membres présents à autant de gamins pris en défaut et confus de s’être ainsi fait gourmander.

                — Je vous remercie ! Une des premières réformes à entreprendre concerne le CRC. Il faut moderniser le Comptoir de Réciprocité de Complaisance tout en l’inscrivant dans la loi. Je pense que je n’ai plus à vous présenter Soriana Vostrana dont les qualités journalistiques ne sont un secret pour personne et qui est venue grossir nos rangs, il y a peu. Son dynamise et sa détermination l’ont déjà fait se pencher sur les défauts du CRC pour lequel elle a le désir de nous soumettre une critique constructive. Je lui laisse donc la place et la parole.

                Il termina sa phrase en arborant un large sourire à l’intention de la jeune femme, l’invitant d’un geste, à le rejoindre. Lorsqu’elle fût à ses côtés, il la salua d’une franche et amicale poignée de mains, ce qui eut pour effet de décupler les applaudissements jusqu’alors timides. Valéry Fiar lui glissa des encouragements à l’oreille avant de rallier son siège. Maintenant présente devant l’auditoire, l’appréhension et la nervosité de Soriana disparurent comme par enchantement, offrant à la jeune femme d’entamer son discours sans hésitation ou retenue. 

                — Monsieur le président, chers membres, je vous remercie pour votre accueil, débuta-t-elle sans même attendre le silence qui ne tarda pas, chacun étant curieux d’entendre cette nouvelle venue. En premier lieu, permettez-moi un petit rappel quant aux fonctions du CRC ainsi que sur ses origines. La première ébauche provient quasiment de la nuit des temps et se voulait être un système convivial basé sur l’entraide citoyenne. À l’époque, les plateformes dédiées à ces partages proposaient d’adhérer à un fac-similé de compte bancaire au crédit duquel étaient notés les heures et les détails des prestations mis à disposition d’autrui, tandis que le débit affichait les besoins d’un souscripteur et le délai requis à leur réalisation. Il s’agissait, en quelque sorte, d’un échange de différents services basés, non sur la valeur de ceux-ci, mais sur l’investissement en temps rendu nécessaire pour les accomplir. Le quidam offrant une période déterminée pour fournir un service précis pouvait recevoir une assistance spécifique pour le même laps de temps, sans qu’aucune transaction financière entre en ligne de compte. Le système bancaire requis était — et reste toujours — une garantie de traçabilité quant aux différentes prestations échangées. La crise économique aidant, ce système a été modifié afin de pourvoir aux besoins de ceux qui ne pouvaient plus monnayer certains biens. C’est dans cet objectif que les Comptoirs attribués à chaque circonscription ont été fondus en un seul — celui que nous connaissons encore aujourd’hui sous le nom de Comptoir de Réciprocité de Complaisance — modulant les diverses plateformes en une entité nationale. Depuis ce moment, chaque membre inscrit peut obtenir des produits de première nécessité, telle la fourniture d’eau ou d’énergie, de la nourriture, des vêtements, mais également certains soins de santé, des réductions sur les transports et même des soutiens juridiques. Afin de conserver l’équité indispensable à un bon fonctionnement, le gouvernement de l’époque a légiféré. Si les échanges de services continuent à utiliser le système d’équivalence horaire, il ne pouvait en être de même avec les marchandises mises à disposition. Un barème a été déterminé pour que tout le monde y trouve son compte. Depuis cette loi, il est possible de monnayer un bien grâce au tarif établissant un nombre minimum d’heures de prestation pour l’acquisition dudit bien.

                — Votre cours d’histoire va encore durer longtemps ? l’interrompit l’homme rencontré dans l’ascenseur. Vous ne nous apprenez rien et cela devient soporifique. Bâilla-t-il outrancièrement.

                Soriana lui accorda un regard condescendant, sans aucunement perdre ses moyens ni se laisser intimider par ce partisan manifestement mal dans sa peau. Sans permettre à qui que ce soit intervenir autant pour elle que contre elle, la jeune femme reprit :

                — Mesdames, Messieurs, ce membre s’était sans doute assoupi pour ne pas se rendre compte que mon résumé touchait à sa fin, ayant englobé le CRC dans son large ensemble.

                L’assemblée qui s’était figée l’espace d’un instant devant l’arrogante diatribe de l’homme, s’amusa bruyamment face à cette vigoureuse remise en place, à un point tel que celui qui était devenu l’objet des quolibets quitta l’hémicycle, rouge de colère.

                — Je pense pouvoir affirmer que ce système basique reste viable, expliqua Soriana, sans marquer aucune émotion suite à cet incident et élevant la voix afin de récupérer le calme. Cependant, à notre époque, il doit être étoffé. Comme je viens de le rappeler, une loi a été votée pour imposer un barème défini pour tout ce qui est négociation de marchandises contre des prestations de service. Le BPC propose, dans son programme, une modification importante de cette loi, permettant de choisir, outre ce que nous connaissons déjà, soit l’échange de biens et services, une sorte de troc organisé des produits entre eux. Son argumentaire est simple — pour ne pas dire simpliste — et souligne que les moins nantis sont lésés par les procédures actuelles, puisqu’obligés de fournir des heures de contributions pour obtenir un peu de confort. Quelqu’un peut-il m’expliquer les calculs de ce parti qui se déclare le défenseur de l’ouvrier ?  J’en veux pour preuve l’analyse réalisée sur ce projet dans son ensemble, la frange de la population la moins aisée ne possédant que des biens de première nécessité, il ne lui est pas possible de les offrir en échange. Dès lors, cette proposition ne pourra favoriser que ceux qui le sont déjà, à tout le moins pour un minimum, ainsi qu’éventuellement des entrepreneurs, mais d’aucune façon, nos concitoyens des circonscriptions H-I et G pour moitié !

                Cette dernière phrase déclencha des commentaires approbateurs, mais encore quelques applaudissements. Ainsi encouragée, la jeune femme continua :

                — Refusons cet avant-projet qui va, invariablement, augmenter la précarité des défavorisés et déstabiliser, de surcroît, le libre-échange économique dans notre métropole. Quoi de mieux, pour ce faire, qu’une contre-proposition ?

                Soriana s’arrêta un instant, autant pour s’assurer de l’entière attention de l’auditoire que pour laisser planer une brève expectative. Sa possession parfaite du sujet la rendait crédible, comme le manifestait l’attitude des membres présents, la galvanisant davantage. Pleine de fougue, elle reprit ses commentaires :

                — Pourquoi faudrait-il que seuls certains participent à la réciprocité ? Je suggère une double exigence : la première vise l’inscription obligatoire de chaque citoyen de Complaisance — la jeune femme détacha les mots pour leur donner plus d’intensité — tandis que la seconde verra la prestation, tout aussi incontournable, d’un nombre minimum de trois heures par trimestre pour tout le monde. Nous établirons ainsi une réelle coopération entre et au profit de la population dans son ensemble, fournissant au Comptoir de Réciprocité de Complaisance, une véritable adéquation entre ses activités et son nom ! Libre à chacun d’effectuer gratuitement son quota sans bénéficier de l’équivalence en services ou en biens.

                La jeune femme opéra une courte pause afin de laisser ses idées tracer leur chemin dans l’esprit de ses condisciples.

                — Sans compter que la légifération de ces deux obligations permettra d’obtenir la prestation mensuelle de plus de dix millions d’heures au profit de chacun et de notre mégalopole !

                Cette dernière phrase acheva de rompre les digues de scepticisme de certains. Une salve d’applaudissements s’éleva alors que, les uns après les autres, les membres se levaient afin de saluer cette proposition qui ne manquait pas de les agréer. Les économistes se frottaient les mains devant cette brillante idée offrant d’engranger un bénéfice financier important, tandis que ceux responsables de la répartition du travail y voyaient l’opportunité de vérifier autant les aptitudes que le courage des citoyens vivant de l’aide sociétale parce qu’en défaut de travailler.

                Soriana se réjouissait de l’accueil accordé à la proposition que Jocelyn et elle avaient élaborée, sans pour autant s’enorgueillir, sachant que sans le soutien de son bien-aimé, elle n’aurait pu vivre ces moments. Ayant achevé son discours, elle rassembla ses notes et descendit de l’estrade, encore sous les acclamations. Le président se leva à son approche et, posant une main sur son épaule, la félicita brièvement, mais non moins chaleureusement.

                La séance se termina sur quelques mots de l’huissier d’audience, rappelant que la motion qui venait d’être faite ferait l’objet d’un débat la semaine suivante afin que tous puis

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