— C’est vraiment du grand n’importe quoi !

Jordan Wilson avançait sur le trottoir de Park Street, éclairé par les lampadaires de la rue. La nuit était tombée depuis un moment, et le sol était couvert des pluies récentes de la journée. L’homme passa une main dans ses cheveux noirs, avant de frotter son visage à la peau sombre. Il caressa machinalement sa légère barbe, puis glissa sa main dans la poche de sa veste noire. Ses yeux sombres observèrent la rue, avant qu’il ne les referme en poussant un discret soupir.

Oh oui… il les sentait, ces résidus qui vibraient tout autour de lui ! Park Street en était pleine ! Sans aucun doute, des gens s’étaient affrontés ici ! Il pouvait encore capter les ombres qui recouvraient le sol.

Jordan rouvrit brutalement les yeux. Des ombres… Ce n’était pas anodin, loin de là. Et cela signifiait surtout qu’Inferno était passé par ici. Scrutant les alentours, l’homme continua son inspection. Longeant les grilles sombres qui jalonnaient la rue, il marcha pendant une centaine de mètres avant de s’immobiliser à nouveau.

Tiens…

Sur les dalles du trottoir se trouvait une petite flaque de sang. Il était encore frais, et ne datait pas de plus d’une heure.

La blessure doit être conséquente…

À cet instant, Jordan regretta de ne pas avoir la capacité d’identifier l’ADN des gens en claquant des doigts. Essayant de se concentrer sur ce qu’il pouvait percevoir, il parvint tout de même à capter l’énergie lugubre à l’endroit précis où il se tenait.

Là, il devait admettre qu’il ne s’attendait pas à ça !

Quelqu’un a réussi à blesser Inferno à ce point ?! Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer…

Une chose était sûre : après cet affrontement, Inferno avait pris la fuite. Une personne capable d’affronter ce type, c’était rare ! Et pour le forcer à battre en retrait, c’était même incroyable. Et l’avoir fait après l’avoir blessé aussi gravement, cela tenait carrément du miracle !

Cependant, il n’avait pas réussi à le tuer. Son adversaire s’était échappé et était parvenu à effacer toutes ces traces. Jordan était obligé d’admettre qu’il était impressionné : malgré sa situation, Inferno savait rester discret ! Il avait purement et simplement disparu !

Mais il n’a pas pu aller bien loin dans son état…

Une vibration attira l’attention de l’homme qui glissa sa main dans la poche de son pantalon. Il récupéra son téléphone portable et sourit en voyant le nom de l’appelant : « Christian Frazer ».

— Chris, que puis-je pour toi ? interrogea le noiraud avec tranquillité.

— Tu n’es pas encore mort ? ricana une voix d’homme à l’autre bout du fil. Alors, qu’est-ce que ça dit ?

— Ça dit qu’il y a un Inferno dans les parages, plutôt amoché, je dirais, répondit Jordan en poussa un soupir. À mon avis, il resta près d’ici encore un moment.

— Inferno ? répéta son interlocuteur, sans paraître vraiment surpris. Alors c’était lui que j’ai vu…

— Tu sais où il est allé ? demanda le noiraud non sans une certaine impatience.

Il attendit la réponse, qui mit quelques secondes à parvenir.

— Ha. Ha. Vraiment très drôle, répliqua amèrement Christian. On parle d’un type qui contrôle les ombres, et tu veux que je le file dans Londres en pleine nuit ? Tu es sûr que tu n’abuses pas un peu, là ?

— Laisse tomber, soupira Jordan en passant une main sur son visage. Tu as vu de quel côté il allait ?

— Aucune idée. Qu’est-ce qu’on fait dans ce cas, chef ?

Dans sa bouche, ce mot sonnait plus que moqueur. Mais son interlocuteur ne releva pas le détail et répondit :

— Il n’y a rien à faire. De toute manière, il est blessé, et il ne s’en prend pas à n’importe qui. Ce qui m’inquiète, c’est plutôt la personne avec qui il se battait…

— Qui c’était ? interrogea Christian avec curiosité. Juste pour être sûr que je ne le croise jamais !

— Je ne sais pas qui c’était, et c’est ce qui me fait peur, admit l’homme. Je te raconterai tout en rentrant. On se retrouve tout à l’heure.

— OK, ça marche ! À tout de suite !

Son appelant raccrocha et Jordan remit son portable dans sa poche. Rester sur Park Street ne lui apprendrait plus rien, et il était tard… il repartit en direction de Westminster à pas rapides.

Assis sur un toit de la même rue, quelqu’un regardait Jordan Wilson s’éloigner lentement. Ses yeux étaient à moitié clos, et sa respiration était haletante et décousue. Il appuya sa tête contre le rebord derrière lui, la main crispée sur ses côtes. Il sentait encore le sang s’écouler entre ses doigts et imprégner ses vêtements.

— Merde… je peux…à peine bouger…

Se redressant péniblement, la silhouette tituba et se rattrapa à temps. Il ne pouvait pas fuir plus longtemps.

— Je dois… me reposer avant tout…