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Prologue - Le garçon et l'opium

Prologue - Le garçon et l'opium

Pubblicato 11 ott 2023 Aggiornato 1 mar 2024 Adventure
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Prologue - Le garçon et l'opium

— Tu es sûr que c’est de la qualité, au moins ?

Jack tourna la tête vers la personne qui avait posé cette question qui, à son avis qui n’était pas si humble, était parfaitement stupide. Il passa une main dans ses cheveux blond cendré et raides dans un geste machinal avant de les laisser retomber sur son front. Une mèche se balança un instant devant ses yeux marron qui laissaient voir toute son impatience et son agacement.

— Tu en as d’autres, des conneries du genre ? cracha-t-il d’une voix rocailleuse avant de fourrer ses mains dans ses poches.

Peter, son interlocuteur, le fixa quelques secondes de ses yeux gris-bleu enfoncés dans leur orbite. Il était de taille moyenne, mais était un peu enrobé. Son visage avait des traits assez bruts, et sa mâchoire était plutôt angulaire. Cependant, la première chose que les gens voyaient chez lui était un air niais et un peu idiot. Ses cheveux bruns étaient en bataille, comme s’ils n’avaient jamais connu le peigne, ce qui était probablement le cas. Il portait une chemise qui devait auparavant être blanche, mais qui était devenue grisâtre, tirant un peu sur le jaune à cause de la crasse et de la sueur. Son pantalon était plutôt boueux, et déchiré au niveau des genoux à cause de l’usure du tissu. Ses chaussures étaient couvertes de saletés, et la semelle commençait à se détacher, pendant de quelques centimètres.

— Ben quoi ? demanda-t-il, son expression déjà ridicule se décomposant en une grimace d’ahurissement.

— Tu m’as pris pour qui ? s’impatienta Jack, tapant le sol à répétition avec son pied avant de poser son index sur sa tête. Il y a pas écrit « roi d’Angleterre » sur mon front ! Sinon, j’aurais commencé par me racheter des vêtements !

Il désigna d’un geste dégoûté ses propres habits qui couvraient sa silhouette maigre. Il était vêtu d’une veste claire, mais qu’il avait réparée avec des morceaux de tissus de diverses couleurs, lui donnant un air d’épouvantail. Il avait maintenu son pantalon trop court sur ses hanches grâce à une corde qui faisait une bien rudimentaire ceinture. Et ses souliers semblaient n’être en un seul morceau que par un pur miracle tant elles étaient abîmées.

— Et puis, je te signale qu’on travaille dans un petit secteur, fit remarquer l’homme aux cheveux blond cendré. Nos clients sont des petits pauvres sans argent, donc le patron allait pas nous en filer de la bonne.

Malgré les apparences de pauvres gens de la plèbe, Jack et Peter pouvaient être dangereux quand ils le voulaient. C’était indispensable à leur propre survie, surtout lorsqu’ils devaient aller vendre de l’opium. C’était ça, leur travail : s’assurer de commercer ce produit, bien que leur trafic soit totalement illégal. Ils avaient leurs clients routiniers qui, malgré le peu de moyens qu’ils avaient, continuaient d’en acheter.

Ils s’étaient terrés dans une vieille grange qui avait dû appartenir à un fermier il y a de très nombreuses années, avant que la ville ne s’agrandissent. Ils y cachaient la marchandise qu’ils recevaient tous les mois par l’intermédiaire de deux hommes qui assuraient l’approvisionnement. Il y avait des dealers disséminés dans toute l’Angleterre, certaines zones étant plus importantes que d’autres. Dans le cas de Jack et de son complice, ils s’occupaient de la distribution dans l’East End de Londres, réputé pour être le coin le plus malfamé de la capitale. Sans compter que leur groupe n’était pas le seul à œuvrer dans les parages : d’autres magnats dans la vente de drogues traînaient dans le coin, ce qui avait donné lieu à de sérieuses bagarres dont ils avaient miraculeusement réchappé.

Étant donné que les deux hommes ne travaillaient pas dans un coin du pays connu pour être habité par les riches, ils n’avaient que de l’opium de qualité vraiment minime, leur patron ayant estimé qu’une qualité meilleure allait de pair avec un prix plus élevé, qui était hors de portée des pauvres.

— Bon, on commence quand la distribution ? questionna Peter en jetant un regard à la caisse remplie de petits flacons contenant le liquide sirupeux.

— Demain, répondit immédiatement celui aux cheveux blond cendré, croisant ses bras sur son torse dans une attitude renfrognée. J’ai vu des gars du gang ennemi traîner dans les parages, et j’ai pas envie de me faire flinguer.

— T’as pas peur qu’ils trouvent notre planque un jour ? s’enquit son interlocuteur, ne pouvant cacher un tremblement dans sa voix, tandis qu’il passait une main nerveuse dans sa nuque.

— Si, bien évidemment, répliqua Jack, sa mâchoire se crispant soudainement. Mais le boss a dit que…

Il s’arrêta soudainement dans sa phrase, surprenant son camarade. Sans prendre le temps d’expliquer quoi que ce soit sur cette pause brusque, il plongea sa main dans une poche de sa veste. Il en ressortit un revolver, qu’il arma en une seconde avant d’en pointer le canon sur l’entrée du hangar.

La porte qui avait été rapidement réparée avec quelques planches et des clous était entrouverte, et pendant un instant, le dealer crut qu’un de leur concurrent s’était introduit et s’était caché parmi les ballots de foin qui devaient être là depuis des lustres. Cependant, il changea rapidement d’avis en se rendant compte que la personne qui avait ouvert la grange était toujours là.

Elle était simplement bien plus petite qu’il ne l’aurait imaginé.

C’était un garçon de petite taille, ne mesurant qu’un mètre quarante et des poussières. Ses cheveux étaient blond platine sous sa casquette trouée, tombant légèrement devant ses yeux. Les rayons de la lune rendaient sa peau laiteuse presque blanche, et même légèrement nacrée. Il était habillé d’une chemise crasseuse aux manches un peu trop courtes. Autour de ses épaules, il avait une épaisse écharpe marron. Son pantalon était terreux, surtout au niveau des genoux, où le tissu semblait avoir été remplacé, car trop abîmé. Il portait des bottillons un peu usés et couverts de boue séchée. Ses yeux bleu saphir remplis de terreur se posèrent sur l’homme aux cheveux cendrés.

— Un gosse ? s’étonna ce dernier, s’attendant à tout sauf à cela, avant de légèrement baisser son revolver, mais restant tout de même méfiant. Qu’est-ce que tu fabriques ici ? interrogea-t-il d’un ton dur et agressif, voulant l’effrayer dès le début.

L’enfant rentra sa tête dans ses épaules, visiblement apeuré par l’utilisation d’une voix aussi forte. Sa main droite qui était enroulée dans un bandage trembla, lâchant la porte de la grange. Il sembla hésiter à parler, comme si une boule dans sa gorge l’en empêchait.

— J-je suis désolé, monsieur, annonça-t-il d’une petite voix, à peine plus haute qu’un murmure terrorisé. J-je ne voulais p-pas vous déranger… Je cherchais j-juste un endroit pour dormir…

Peter s’approcha de son camarade en quelques enjambées, avant de poser une grande main potelée sur son bras pour l’abaisser. Sentant un peu de résistance dans son geste, il lui chuchota à l’oreille :

— C’est un gamin, souffla-t-il, essayant d’adopter un ton apaisant. Regarde-le, il est entrain de vraiment flipper. Tu vas quand même pas lui tirer dessus…

Jack émit un simple marmonnement mécontent, peu enclin à laisser un inconnu s’approcher de trop près de sa précieuse marchandise. Cependant, il devait bien admettre que ce morveux semblait sur le point de se faire dessus, et qu’il n’avait, pour le moment du moins, aucune raison de faire feu. Il baissa son arme, avant de finalement la ranger.

S’il fait le moindre geste pour toucher à la drogue, je le descends sans hésiter…

Le brun se tourna vers le garçon, lui adressant un sourire qui se voulait rassurant. Malheureusement, l’effet était un peu raté à cause des dents jaunes et pourries qui constituaient sa dentition.

— Viens, gamin, rentre, lui lança-t-il avec un ton chaleureux. Reste pas dehors, il fait super froid !

Le blond sembla hésiter une seconde, avant de pénétrer dans le hangar, refermant doucement derrière lui. Voyant qu’il ne bougeait pas, sans doute encore traumatisé de l’arme qui avait été pointée sur lui, le dealer décida de s’approcher de lui. Le visage mignon et inoffensif de ce petit gars lui plaisait. Cela lui rappelait son petit frère, qu’il avait dû quitter lorsqu’il était devenu un trafiquant d’opium.

Les iris bleus de l’enfant le suivirent tandis qu’il marchait dans sa direction. Mais il ne fit rien pour partir ou tenter de prendre la fuite. Arrivé devant lui, Peter posa sa main sur sa casquette dans un geste affectueux, s’accroupissant pour être à sa hauteur.

— Alors, d’où tu viens comme ça ? Où sont tes parents ? demanda-t-il, soufflant son haleine fétide à son visage.

— M-mes parents sont morts, monsieur, bégaya le garçon. On m’a expulsé de chez moi… ça fait des semaines que je dors dehors…

— Ben t’aurais mieux fait d’y rester ! aboya Jack avec mauvaise humeur, fourrant ses mains dans ses poches d’un air irrité.

— T’abuses, là, lui reprocha son collègue, tournant la tête vers lui pour lui jeter un regard assassin. On peut le laisser dormir ici pour la nuit, il pourra s’installer sur la paille, il dérangera pas !

— Merci beaucoup, monsieur ! s’exclama le garçon avec un grand sourire de reconnaissance. Vous me sauvez la vie !

Il ferma les yeux quelques instants, semblant essuyer du revers de la main une larme de la joie. Peter, pendant un court moment, eut l’impression de revoir son frère lorsqu’il lui avait offert un paquet de friandises plus que coûteux avec l’argent qu’il avait gagné en revendant de l’opium.

Mais ce sentiment disparut dès que le blond rouvrit les yeux. Son regard perdit toute son innocence et sa douceur. Il devint soudainement perçant, glacial, animé par une lueur de malveillance, le rendant terriblement inquiétant. Son sourire s’effaça petit à petit, laissant place à une légère grimace dégoûtée.

— Dis donc ! déclara-t-il d’une voix réprobatrice et impatience. Ça ne t’ennuie pas de me laisser faire tout le travail ? Pour quelqu’un de possessif, je trouve que tu le laisses m’approcher d’un peu trop près !

Jack se tourna brusquement et fixa le gamin, surpris par un tel changement d’attitude. Son camarade mit quelques secondes à comprendre le sens de ses paroles, et s’écarta immédiatement, cherchant des yeux à qui il pouvait bien s’adresser. Après quelques instants de recherches visuelles, ce fut finalement leur ouïe qui fut alertée.

— Je vous prie de m’excuser, jeune maître, répondit quelqu’un d’une voix douce et envoûtante, quoiqu’elle trahissait d’une pointe de moquerie. Mais je savourais le spectacle que vos performances en comédie m’offraient.

Les deux dealers levèrent les yeux simultanément pour voir la personne qui venait de parler. C’était un homme qui était debout sur une poutre qui soutenait le toit, à moitié dissimulé dans l’obscurité du plafond. Adossé à un pilier de bois de la charpente, il semblait regarder ses ongles avec beaucoup d’intérêt. Les deux revendeurs ignoraient la façon dont il était entré, sachant que la seule ouverture était la porte.

L’intrus se laissa simplement tomber sur le sol, atterrissant avec la souplesse d’un chat, sans faire de bruit. Il se redressa tranquillement, comme s’il ne venait pas de faire une chute de plus de trois mètres de hauteur, et se dirigea vers le garçon tout en enfilant un gant sur sa main gauche.

Sa démarche était élégante, et s’accordait parfaitement avec sa silhouette svelte. Il y avait quelque chose de gracieux, mais aussi de narquois dans chacun de ses gestes. Ses cheveux étaient noirs et lisses, bien que des mèches folles encadrent délicatement son visage. Sa peau était pâle, à la limite d’être blafarde, mais conservait une certaine beauté qui était inexplicable. Il était vêtu d’une queue-de-pie noire, d’un gilet sombre et d’une chemise blanche et immaculée boutonnée jusqu’au col. Autour de ce dernier, il avait une cravate noire soigneusement nouée. Un petit insigne en métal, gravé de ce qu’il semblait être un oiseau, était attaché à sa veste. Une ceinture maintenait son pantalon noir sur ses hanches, et tombait élégamment sur ses chaussures assorties et parfaitement propres.

L’enfant le regarda arriver, puis attrapa la casquette qu’il avait sur la tête avant de la laisser tomber par terre. Passant une main dans ses mèches blondes, il en ramena une partie en arrière, laissant tout de même une partie de ses cheveux tomber devant ses yeux. L’adulte, une fois arrivé près de lui, sortit un carnet de la poche intérieure de sa veste et le lui tendit.

— Ça va ? interrogea le blond d’un air frustré en lui jetant un rapide regard meurtrier. Ça ne te dérangeait pas que ton maître fasse tout le travail pendant que tu te limais les ongles ?

— Diantre ! s’esclaffa l’intéressé avec un rictus narquois, découvrant des dents blanches et alignées. Vous pourriez me réduire en poussières avec un regard aussi incendiaire. Si vous tenez tant à le savoir, ces ongles avaient une longueur absolument effarante.

— Toi et ton sens de l’esthétique, soupira le gamin en secouant la tête d’un air désespéré avant d’ouvrir le petit cahier. Bien, voyons ce que nous avons là…

Durant cette très courte discussion qui semblait presque irréelle, Jack avait lentement glissé sa main dans sa veste. Ses doigts remuaient légèrement pour essayer de saisir la crosse de son revolver.

C’est le moment ! Ce type nous tourne le dos, autant en profiter…

Mais au moment où il attrapait l’arme, le noiraud reprit la parole, brisant le silence qui était tombé durant quelques secondes.

— Si j’étais vous, je ne ferais pas ça, avertit-il, sa voix criant au danger malgré sa douceur et son calme. Mon maître ne supporte pas la vue du sang, et il déteste être dérangé.

— Vous êtes qui ? cracha le dealer, sentant une soudaine bouffée de rage lui comprimer les poumons. Des gars du gang adverse ? supposa-t-il, trouvant que c’était l’hypothèse la plus probable. Vous venez en repérage avant que le reste de la bande ne rapplique ?

Le garçon ne put se retenir de lâcher un rire amusé et moqueur, sans quitter des yeux les pages du carnet. À côté de lui, l’adulte esquissa un rictus, mais ne prit même pas la peine de se tourner pour regarder son interlocuteur.

— Très amusant, ricana l’enfant en refermant le cahier dans un claquement sec, se redressant pour fixer les deux revendeurs. Nous ne sommes là que pour quelques affaires, et nous ne comptons pas nous attarder.

Il attrapa l’écharpe qu’il avait autour du cou et la laissa tomber à son tour sur le sol. À présent, tout dans son attitude exprimait fierté et noblesse. Même le moindre battement de cils dégageait quelque chose de beau et de gracieux. Cependant, la légère crispation des traits de son visage laissait place à du dédain et du mépris.

— Nous avons donc ici Jack Connor et Peter Hudson, continua-t-il, employant le ton d’un policier faisant son rapport. Deux pions d’une grande organisation de trafic d’opium. Opérant dans l’East End, ils ne sont pas plus nombreux que cela, mais ils tous de même armés de revolver Webley Mark 4, de calibre .455.

— C-Comment tu sais ça, toi ? bredouilla le brun en reculant encore de quelques pas, visiblement abasourdi qu’un morveux s’y connaisse aussi bien en arme à feu.

— Avec ces six coups, reprit l’adulte tout en rangeant le carnet dans sa poche, semblant connaître sur le bout des doigts ce qui y était écrit, ils ont été suspectés d’avoir tué dix hommes. Cependant, faute de preuves contre eux, Scotland Yard a été forcé de les relâcher.

— Vous êtes des flics ? s’écria le trafiquant aux cheveux cendrés avec véhémence, pointant un doigt accusateur sur eux. Depuis quand ils recrutent des gosses ?

— Je vous en prie, rétorqua le noiraud avec un soupir las, passant une main sur son visage comme si cette situation l’ennuyait. Ne nous interrompez pas, c’est profondément impoli. Encore plus lorsque vous vous adressez à un lord.

— Un lord ? répéta Jack, ne pouvant pas s’empêcher de s’esclaffer avec ironie. Laisse-moi rire, ce merdeux est fringué comme une truffe !

— Attends un peu, murmura Peter à son oreille, le coupant dans sa déclaration. Regarde un peu la bague qu’il a au doigt…Et l’insigne du type.

Les yeux marrons du dealer se posèrent sur la main droite et bandée du gamin. Et s’arrondirent sous la surprise en reconnaissant ce bijou si particulier. Il avait déjà entendu parler de la fameuse pierre précieuse qui était incrustée. C’était un diamant bleu, un joyau assez rare et coûteux, finement sculpté en cercle. Et il était réputé pour orner la chevalière de la famille Prince.

Cette dernière avait fait un peu de bruit il y a deux mois, notamment à cause de la soudaine amélioration du chiffre d’affaires de leur société d’import-export. Un peu avant cela, une rumeur avait parcouru le pays, comme quoi un nouveau chef était à la tête de la famille et de l’entreprise.

Et ce même nouveau chef s’était imposé dans la noblesse en modifiant le blason de sa maison après des siècles d’utilisations du précédent. La nouvelle image de la famille Prince était maintenant un corbeau, bien que les raisons au choix d’une image aussi macabre étaient encore inconnue.

Ce n’est quand même pas ce nabot qui est devenu lord ? Et ce type à côté serait…

— C’est toi, Hyperion Prince ? demanda son camarade, semblant perdre de plus en plus contenance au fil des minutes.

— Eh oui, confirma l’intéressé, haussant les épaules avec une élégante nonchalance. Je sais que je n’en ai pas l’air, mais « à Rome, fais comme les Romains » dit le proverbe. Enfin bref, revenons à nos moutons. Si je résume la situation, reprit-il en se tournant vers son complice, le tuyau que nous a donné Ash était bon, n’est-ce pas Severian ?

Le concerné posa deux doigts sur sa tempe, la massant légèrement. Son visage charmeur et doux se transforma légèrement, jusqu’à laisser apparaître une grimace qui trahissait de l’agacement.

— Il avait plutôt intérêt à être bon ! répliqua-t-il d’un ton grinçant, ses mots passant difficilement entre ses dents serrées, croisant les bras sur son torse. J’ai passé plus de deux heures à faire son maudit gâteau à la crème que, sans vouloir me montrer violent, j’avais très envie de lui lancer au visage !

— J’aurais tant aimé voir ça ! déplora le jeune noble, agitant légèrement la tête, ses cheveux blonds suivant le mouvement. Et de ton côté, qu’est-ce que ton enquête a donné ?

— Je suis allé examiner le lieu du dernier accrochage entre nos deux groupes suspects, informa Severian, retrouvant son ton paisible et envoûtant, comme s’il parlait de la météo du jour. C’était près de Cable Street qui longe les docks de la Tamise. J’ai retrouvé des traces de sang sur le sol, et en les suivant, j’ai trouvé un entrepôt sens dessus dessous. Il n’y avait aucun corps, mais il y avait bien des traces de luttes et une odeur de mort.

— Pas de corps ? releva l’enfant en haussant un sourcil inquisiteur avant de frissonner de répulsion.

— C’est cela, confirma l’adulte en esquissant un très léger sourire moqueur. Je pense que l’autre organisation a dû les récupérer pour ne pas laisser de preuves à Scotland Yard. Cependant, cette inspection s’est révélée plutôt utile.

Passant rapidement sa main dans sa chevelure sombre, un inquiétant rictus prédateur étira ses lèvres. Finalement, son doigt se leva pour pointer les deux dealers, qui était très menaçant pour un geste aussi simple.

— Cette odeur de sang et de mort, je la retrouve sur ces deux hommes, et un examen minutieux de leurs armes à feu, savamment « empruntée » par Ash, me permet de vous affirmer qu’ils ont tué sept personnes par balles, avant de prendre la fuite.

Les concernés échangèrent un regard étonné, avant que tous deux ne dégainent leur revolver. Ils les braquèrent sur le duo, celui-ci ne réagissant même pas à la soudaine menace.

— Bravo, félicita Jack, la voix emplie de sarcasme et la main crispée sur la crosse du Mark 4. Je pensais que vous étiez des flics, mais vous êtes juste des types suicidaires ! À quoi tu pensais en te ramenant habillé comme ça ? continua-t-il à l’adresse du plus grand. Tu t’es posé une cible sur le front, pauvre malade !

Tout en crachant presque le dernier mot, il pressa la détente de son index, et une puissante détonation résonna dans le hangar. Il releva immédiatement le chien avant de tirer un coup de plus. Bien qu’ils n’en aient pas l’air, l’homme aux cheveux cendrés et son complice étaient des experts en tir. Neuf coups sur dix, ils touchaient leur cible. Et n’étant qu’à une vingtaine de mètres de cette dernière, il était absolument certain d’avoir réussi son coup.

Le corps du noiraud tressaillit.

Mais plutôt que de tomber à la renverse dans une flaque de sang, un léger rire s’éleva.

Impossible ! Je suis sûr de l’avoir atteint en pleine tête !

— C’est vraiment très amusant ! Vous pensiez vraiment que ce genre de choses pouvaient me blesser ?

Severian fit un pas, se retournant pour enfin faire face aux revendeurs. Ces derniers se figèrent immédiatement, et la mâchoire de Peter se décrocha dans une expression de terreur.

Les iris de leur cible étaient d’une intense couleur rouge vif, semblant briller dans l’obscurité. Une pupille noire en fente était au centre, les fixant sans ciller. Ces yeux laissaient voir une tout autre personne que celle qu’il était il y a quelques minutes. C’était une lumière bestiale, dangereuse et menaçante, qui les animait. Il ne regardait plus deux trafiquants, mais deux proies sans défense.

Et ce qui glaça le sang desdites proies fut l’immense sourire qui étirait ses lèvres. Il était sauvage et prédateur, rappelant un loup qui pourchassait un pauvre lièvre. Et surtout, des crocs acérés dépassaient de plus d’un centimètre. Aux nombres de huit, ses canines étaient blanches et pointues.

Et coincée entre deux d’entre elles, il y avait une balle de plomb.

Il l’a arrêté ? Entre ses dents ?

Cette fois, Jack en était sûr, ce type n’était pas un policier ni un suicidaire. Il n’était tout simplement pas humain ! Une aura de malveillance et de noirceur l’entourait, comme une enveloppe qui lui allait à la perfection. Décrispant légèrement sa mâchoire, il laissa retomber la munition dans le creux de sa main gantée.

— À quoi je pensais ? répéta-t-il, haussant un sourcil inquisiteur et mauvais, sa voix n’étant plus qu’un murmure froid et inquiétant. C’est à vous que je devrais le demander… vous avez tenté de vous en prendre à mon maître…

Ce fut à ce moment que le tireur se rendit compte que sa seconde balle, destinée au garçon, n’avait pas l’air d’avoir touché sa cible non plus. En effet, celle-ci était toujours debout, et semblait en parfaite santé. Cependant, à quelques centimètres de son visage, tenu entre l’index et le majeur du noiraud, il y avait le second projectile.

— Nous ne sommes pas de Scotland Yard, intervint Hyperion d’un ton glacial, mais vous avez peut-être entendu parler des criminels qui disparaissaient de temps à autre.

— C-C’était vous ? haleta Peter, sentant ses mains trembler et sa voix se faire plus hésitante. Impossible !

— À votre avis, pourquoi personne ne vous a-t-il informé de nos méthodes ? interrogea l’adolescent, attrapant le bandage qui entourait sa main droite, avant de relever la tête pour leur adresser un rictus mauvais. Tout simplement parce qu’il n’y a jamais de tém...

— ATTENTION À LA TÊTE !

Cet avertissement résonna dans tout le hangar, coupant net à la conversation. Même le blond n’eut pas le temps de comprendre quoi que ce soit que son serviteur l’attrapait par la taille avant de faire un bond prodigieux pour s’écarter brusquement de la place qu’il occupait avant.

À moitié porté sur l’épaule de Severian, il put voir l’endroit où il se tenait une seconde plus tôt, et il comprit tout de suite la raison de ce déplacement soudain. Un nuage de poussière gris s’élevait du sol. Le terrain, qui était pourtant en sol dur, était maintenant fendu sur près de deux mètres, entouré de débris et de morceaux de pierre. Une lame arquée et affûtée d’un seul côté était plantée à la fin de la fissure. Elle était attachée un long manche métallique qui mesurait près de deux mètres.

Et surgissant du tourbillon de saleté, un homme s’avança, époussetant sa veste noire. Il avait une cravate noire mal nouée autour du col de sa chemise blanche, et portait également un pantalon assorti et des chaussures cirées. Ses cheveux étaient bruns et un peu trop longs pour être considérés comme courts. Ils semblaient avoir été peignés rapidement, mais plusieurs mèches tombaient sur son front de manière désordonnée. Son visage fatigué se crispa sous le dégoût et le mépris lorsque ses iris, d’une couleur gris clair proche du blanc, se posèrent sur le noiraud.

— Je me disais bien que j’avais senti une odeur de chien des rues ici, déclara-t-il d’un air répugné.

Le noiraud tourna la tête et ses yeux se plissèrent légèrement tandis qu’il jetait un regard par-dessus son épaule. Lâchant son maître, il se redressa avant de se tourner pour le toiser. Il passa une main sur son visage d’un air agacé, comme si ce nouvel arrivant était un obstacle de plus, et surtout de trop, dans ses projets.

— Si vous cherchez des chiens, il y en a deux là-bas, soupira-t-il en désignant les dealers.

— Je parlais de vous, répliqua froidement le brun en sortant un peigne de la poche interne de sa veste. Vous êtes ici le seul chien bien dressé qui est tenu en laisse par son maître.

— Je le prends comme un compliment, répondit son interlocuteur sans sembler s’offenser plus que cela. Maintenant, j’aimerais savoir ce qui vous amène ici et pourquoi vous m’avez prévenu avant d’essayer de me trancher la tête.

Atlas Cameron, faucheur depuis de très nombreuses années, attrapa le manche de son arme et l’arracha du sol sans aucune difficulté apparente. Son travail consistait à récupérer les âmes des humains décédés à l’aide de sa faux. Pour cela, il suivait une liste précise de défunts.

Cela dit, il n’y avait pas encore de cadavres dans les alentours, par conséquent, sa présence était plutôt surfaite. Haussant simplement les épaules, il ramena ses cheveux mal coiffés en arrière.

— Voyez-vous, on est venu me tirer de mon lit à cette heure indue pour m’annoncer qu’il y avait deux âmes à faucher cette nuit dans mon secteur. Évidemment, ils n’ont pas pu me donner la raison de ce changement de programme soudain, et j’ai commencé à me douter qu’un démon comme vous était sans doute dans le coup. Mais je ne m’attendais pas à vous trouver personnellement ici, encore moins après la dernière fois.

— Tiens donc, y aurait-il tant de mes congénères en ce bas monde ? rétorqua ledit démon avec un sourire féroce, tout en croisant les bras, se plaçant cependant devant l’adolescent dans une attitude protectrice.

— J’ai déjà vu le Scorpion il y a quelques mois, il est également en Angleterre, expliqua Atlas avec une grimace de répulsion, comme s’il parlait d’une chose particulièrement hideuse. Ce satané numéro huit m’a donné beaucoup de travail pendant un moment.

— Celui-là, ce n’est pas un semblable, soupira Severian en posant sa main sur son front d’un air accablé, mais plutôt une créature infâme qui n’a rien en commun avec un démon authentique. Mais, je vous ferais remarquer que vous n’avez pas répondu à ma seconde question. C’est un comportement étrange pour un faucheur.

— Pourquoi vous ai-je prévenu avant d’essayer de vous trancher la tête ? se remémora l’intéressé avant de resserrer sa cravate noire autour de son col après en avoir refermé le dernier bouton. Les lois ne me m’autorisent pas à vous tuer, donc j’ai préféré vous avertir avant d’essayer de vous blesser. Cela dit, j’ai du travail, donc je vous prierais de me laisser tranquille avec vos ques…

Tout en parlant, le faucheur s’était tourné vers les deux humains. Mais ses sourcils s’arrondirent sous la surprise en constatant qu’ils étaient encore tous les deux en vie, et même bien portants. Jack et Peter avaient simplement l’air hébétés, comme s’ils venaient de voir quelque chose venu tout droit d’un roman fantastique. Pendant un moment, ils avaient pensé que le démon était un suicidaire, mais avec l’arrivée d’un autre énergumène étrange, il devenait difficile de nier l’évidence.

Ils étaient entourés d’un monde qu’ils ne comprenaient pas, et des créatures de ce monde en voulaient visiblement à leur vie.

— Par la cape de la Mort, vous ne les avez pas encore tués ? s’étrangla Atlas en les pointant du bout de sa faux.

— Malheureusement non, coupa Hyperion avec impatience, secouant la tête avec agacement. Nous avons été quelque peu… interrompus par quelqu’un que je ne nommerai pas.

— J’aurais envie de dire que je pourrais encore les sauver, déclara le brun avec un haussement d’épaules nonchalant. Mais nous venons de mentionner ce que nous sommes, donc je ne vais rien dire.

— Par tous les Diables, un faucheur qui choisit de se taire ? ricana Severian avec un rictus moqueur.

— Arrête de fanfaronner, le réprimanda froidement le garçon avec désapprobation.

— Et faites votre travail, pour une fois, termina le dernier d’un ton sec.

À ce moment-là, en voyant les iris rouge vif du démon, Jack et Peter comprirent que dans cette discussion surnaturelle, ils étaient superflus. Et qu’ils auraient mieux fait de ne jamais se mêler de ce trafic d’opium.

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