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Chapitre 3 - Une question pour une autre

Chapitre 3 - Une question pour une autre

Publié le 19 juil. 2024 Mis à jour le 20 juil. 2024 Jeunesse
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Chapitre 3 - Une question pour une autre

— Liam !

Le blond refusa d’ouvrir les yeux. Il était trop tôt pour lui, il était encore épuisé et il voulait dormir ! Pourtant, la voix de sa mère, Rose Silver, se faisait de plus en plus insistante. Il sentit deux mains le secouer par les épaules.

Une minute… la voix… quelqu’un qui essayait de le réveiller…

MA MÈRE EST DANS LA CHAMBRE ? ET DOYLE ?!

L’adolescent ouvrit brutalement les yeux, s’attendant à tomber sur les iris marrons de l’autorité suprême de la maison. Mais il tomba sur deux prunelles gris-bleu au-dessus de son visage.

— Liam ! lança à nouveau sa mère avec une certaine impatience.

L’intéressé se redressa d’un bond, maintenant bien réveillé, et posa un doigt sur ses lèvres pour faire signe à son invité blessé de se taire. En réponse, l’intéressé roula des yeux, comme si ce qu’il lui demandait était l’évidence même.

— Oui maman ? lança le blond en s’efforçant d’adopter la voix à moitié endormie qu’il avait le matin.

— Est-ce que je peux entrer ? Je voudrais qu’on parle tous les deux.

Le fameux « il faut qu’on parle qu’il détestait tant ». En général, cela signifiait qu’il avait fait quelque chose qui ne fallait pas et. Il tourna la tête vers Doyle qui secoua vivement la tête, les sourcils froncés.

— A-attends deux secondes ! s’exclama précipitamment Liam. Je suis encore en caleçon !

Face à lui, le noiraud plaqua une main sur son front d’un air désespéré. Son interlocuteur lui désigna le dessous du lit, lui indiquant de s’y cacher en attendant ! Après lui avoir jeté un regard meurtrier, Doyle s’exécuta et se dissimula en silence.

— C’est bon ! annonça-t-il à sa mère.

— Bonjour, salua Rose en ouvrant la porte.

La figure maternelle n’était pas l’exemple de la chaleur. Elle traînait derrière elle une aura froide et imposante comme de la boue à la semelle d’une chaussure. Ses cheveux étaient d’un blond doré, attaché en chignon serré qui n’adoucissait pas son expression sérieuse. Son visage était déjà marqué par les rides du sérieux sur le haut de son nez et celle de l’inquiétude aux coins des lèvres. Vêtue d’un tailleur élégant, Liam devinait qu’elle allait partir à son travail même le samedi.

— Bonjour, répondit l’adolescent, le cœur battant à du trois-cents battements par minute.

— Je ne voulais pas te réveiller si tôt, mais il faut qu’on parle de quelque chose d’important, soupira Rose en s’approchant pour s’asseoir sur le bord du matelas.

Liam retint sa respiration et fit mentalement le tour de tout ce qui pouvait mener à cette conversation. Était-ce la découverte des compresses ensanglantées dans la poubelle ? Des traces de sang qu’il aurait oublié de nettoyer dans la salle de bain ? La flaque rouge dans le grenier qu’il n’avait pas eu le temps d’éponger ? La chemise bleu nuit qui n’était pas à lui dans la machine à laver ?

— C’est à propos des vacances.

— Ooouuuf, soupira le blond à voix haute avec soulagement.

— Tu pensais à autre chose ? releva sa mère d’un ton suspicieux, haussant un sourcil méfiant.

— Ah, euh non ! Je croyais que j’avais oublié de débarrasser la table ou de passer l’aspirateur, c’est tout ! se rattrapa rapidement son fils avec un sourire à peine naturel. Mais dis-moi, il y a quoi avec les vacances ?

La question n’était pas seulement pour changer rapidement de sujet de conversation. Il était réellement intrigué : c’était à peu près le seul moment où il pouvait profiter d’un séjour tranquille avec sa mère, peu importe l’endroit. Elle prenait ses congés pour passer du temps avec lui et si Rose voulait lui en parler, il sentait les problèmes arriver à plein nez.

— Nous ne pourrons pas partir cette année… ils ont besoin de moi cet été à l’hôpital et j’ai accepté de rester.

Ouais, je sais pas pourquoi mais je m’y attendais ! songea amèrement Liam.

— Mais je ne veux pas que tu restes enfermé à la maison pendant deux mois, reprit la chirurgienne avec empressement. Si après tes examens, tu veux aller chez des amis ou sortir en ville, tu pourras y aller.

— Skye part en Grèce avec ses parents de juillet jusqu’à mi-août. Et j’ai pas vraiment d’autres amis qu’elle.

— Eh bien, si tu as envie de faire quelque chose en particulier, une quelconque activité pendant l’été, n’hésite pas à me le dire. En attendant, n’oublie pas de réviser : les examens commencent bientôt !

— Je sais, je sais, soupira Liam avec plus d’impatience qu’il ne l’aurait voulu, agacé que ce soit encore les examens qui reviennent sur le tapis. On a encore révisé avec Skye jusqu’à vingt-deux heures passées.

— Je dois partir au travail, conclut Rose en se levant, regardant la montre à son poignet. J’ai acheté des pains au chocolat, ils sont sur la table. Je rentrerais sans doute tard, je te tiens au courant par message.

— D’accord, à ce soir alors, répondit son fils sans entrain.
La blonde marmonna quelque chose qui ressemblait à un « au revoir » avant de sortir de la chambre en refermant la porte derrière elle. Dès qu’il entendit que la porte de l’appartement claquait, Doyle s’extirpa du dessous du lit, et s’épousseta pour retirer les poussières de ses cheveux et de ses vêtements.

— Il faut qu’on parle, gamin ! lança le noiraud avec un air dangereusement sérieux, s’appropriant sa chaise de bureau. C’est quoi, ton nom ?

Bon sang ! Encore un dès le matin ? Mais c’est une malédiction !

— J’ai seize ans, je ne suis pas un gamin ! répliqua-t-il en croisant les bras sur son torse, vexé.

— Ton nom, répéta son interlocuteur avec froideur.

— Liam Silver, s’impatienta le blond en soufflant du nez. Et toi, j’ai vu que c’était Sevan Do…

— Comment l’as-tu découvert ?! s’exclama l’adolescent avec une soudaine agressivité.

— Ta… carte de banque, hésita Liam, ne sachant pas si cette réponse le sauverait ou achèverait de le tuer. D’ailleurs, je te la rends…

Il récupéra l’étui sur sa table de chevet et le tendit à Doyle. Ce dernier, qui avait semblé particulièrement méfiant face à lui, sembla se calmer légèrement et le reprit.

— Il semblerait, soupira-t-il comme si les mots qu’il allait prononcer allaient lui brûler la langue, que je te doive des remerciements…

Il acheva sa phrase en laissant la nette impression qu’il avait encore quelque chose à dire. Mais après plusieurs secondes d’attente sans qu’il reprenne la parole, ce fut Liam qui intervint.

— Mais ? interrogea-t-il, certain que ce satané mot allait être le premier de sa prochaine phrase.

— Mais si tu dis quoi que ce soit sur ce qui s’est passé, tu es mort, déclara froidement le noiraud en lui jetant un regard incendiaire. Si tu appelles les flics, tu es mort. Si tu mentionnes mon nom auprès de quelqu’un, tu es mort. Si tu ne réponds pas à mes questions…

— Je suis mort ? devina son interlocuteur avec un rire nerveux.

Son visage était crispé sous la soudaine inquiétude que Doyle lui faisait ressentir. Pour un ado, ce type lui filait sacrément les jetons ! Il avait beau le savoir blessé, il émanait de lui autant de sauvagerie qu’un tigre féroce.

— Tu comprends vite, approuva le garçon avec un signe de tête.

— Mais je t’ai sauvé la vie, alors j’aimerai que tu me donnes quelques explications en retour…

Les yeux orageux de l’autre le fixèrent avec une sorte d’agacement. Cependant, il devait bien admettre qu’il aurait pu continuer de se vider de son sang dans ce grenier sans son intervention.

— Une question pour une autre, alors, soupira-t-il en acceptant le marché d’un signe de tête.

— Je commence, l’interrompit précipitamment Liam. Est-ce que tu te sens mieux ?

— Je vais très bien, marmonna le noiraud d’un ton mécanique. À mon tour : en quelle année on est exactement ?

Liam l’observa comme si une tête surnuméraire venait de lui pousser. C’était quoi cette question à deux balles ? Il aurait pu croire à une blague si Doyle n’avait pas une expression aussi grave sur le visage.

— On est en… 2017, le 16 juin 2017, balbutia le blond avec hésitation.

— Mmh, marmonna son interlocuteur d’un air songeur. Vas-y, pose-moi ta question…

— Comment tu es rentré dans mon grenier ? demanda immédiatement l’adolescent en croisant les jambes, s’installant par-dessus son édredon.

— Je ne suis pas entré dans ton grenier, mais dans un grenier, répliqua le noiraud en haussant les épaules avec une désinvolture insultante. Je me fichais de chez qui j’entrais. J’avais juste besoin d’un endroit où me reposer, je ne pensais pas être découvert par un chat. Sommes-nous loin de Mayfair ?

— Mayfair, le quartier chic ? Bah, c’est pas très loin, c’est à un quart d’heure d’ici. Pourquoi me traites-tu comme un gamin depuis hier ?

— Parce que tu es un gamin, répliqua Doyle comme si c’était une évidence. Pourquoi tu m’as aidé ?

Liam crut pendant un moment que son interlocuteur débloquait complètement. C’était quoi encore cette interrogation bizarre ?

— Eh bien… tu avais besoin d’aide, il n’y a pas d’autre raison. Je n’ai pas appelé l’ambulance parce que tu ne le voulais vraiment pas.

Et parce que tu me filais vachement la trouille aussi, mais ça, je peux pas le dire à voix haute, songea-t-il.

— Pourquoi tu m’as demandé en quelle année on est ? demanda le blond après quelques secondes de réflexion.

— Je n’ai plus de question à te poser, donc je ne répondrais pas à la tienne.

— Ouais, une question pour une autre, comprit l’adolescent en pinçant les lèvres sous l’agacement. Sans rire ! Je t’ai quand même soigné, hébergé, laissé dormir dans MON lit ! Je t’ai couvert auprès de ma mère qui t’aurait étranglé si elle t’avait trouvé ici ! Je n’ai pas appelé les flics alors que MERDE, tu te planquais illégalement dans MON grenier ! J’ai même lavé tes vêtements et je t’ai prêté les miens pour la nuit ! Fais un effort à la fin !

Il acheva sa tirade presque en hurlant. Ce sale morveux était vraiment le comble de l’ingratitude ! Il pourrait se montrer un peu plus reconnaissant !

Cependant, lorsque Liam releva la tête, il remarqua que Doyle le fixait avec des yeux ronds comme des soucoupes. Était-ce la soudaine autorité dont il avait fait preuve qui le surprenait à ce point ?

— Tu es un Spectre ? interrogea le noiraud d’un ton dangereusement bas, comme si son vis-à-vis était devenu la menace numéro un.

— Un quoi ? s’étonna Liam sans comprendre.

Son interlocuteur montra quelque chose de son index. Et en baissant les yeux, il put voir que sa main était à nouveau parcourue de petits éclairs rouges. Immédiatement, il abandonna toute sa colère pour passer à un état de panique instantané. Il secoua son poignet dans tous les sens, et après de longues secondes, ils disparurent. Mais Doyle avait eu plus de temps qu’il en fallait pour tout voir. Il continuait de le fixer avec stupeur.

— A-attends ! Je peux t’expliquer ! se précipita le blond avec angoisse. S’il te plait, ne dis rien à personne !

— Hein ? s’étonna l’adolescent en le fixant avec incrédulité. Tu crois que je vais crier sur tous les toits que tu es un Spectre ?

— C’est quoi, ça ? interrogea Liam sans comprendre.

— Tu ne sais pas ce que c’est ?

— Je ne te poserais pas la question si je le savais, lui fit remarquer son interlocuteur.

— Pas faux, admit Doyle avant de lever une main. Eh bien, c’est le nom qu’on donne aux gens comme toi et moi.

Ses doigts et sa paume furent aussitôt entourés d’électricité bleu néon. Liam ne put se retenir et lâcha un cri perçant. Mais il était davantage choqué par le stoïcisme du noiraud que réellement par l’étrange phénomène qu’il avait lui-même déjà vécu.

— Je suis pas le seul à qui ça arrive ? s’étrangla le blond en bondissant presque en dehors de son lit.

— Euh, absolument pas. Il y en a plein à Londres, et même un en face de toi…C’est étonnant que personne n’ai remarqué tes pouvoirs, tu as dû être très discret. Écoute, je veux bien répondre à ta question de tout à l’heure, mais en retour, je vais te demander une chose pour laquelle j’aurai vraiment besoin de ton aide…

— D’accord…Mais tu accepterais de m’en dire plus sur les Spectres ?

 

Dessin original d'Elysio Anemo

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