Enfermée dans une salle d’attente de gare
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Enfermée dans une salle d’attente de gare
Vous vous dites, mais comment elle s’est retrouvée enfermée dans une salle d’attente d’une gare en pleine nuit ?
Il était une fois…
Septembre 2019, je viens de déménager à 200 kms de mon lieu de travail, je dois reprendre les allers/retours en train. Un aller le mardi soir et un retour le vendredi. Les lundis et mardis, je reste chez moi en télétravail.
En tant qu’autiste vous comprendrez aisément que ce changement je l’appréhende beaucoup, mais j’ai l’espoir que ça ne soit que temporaire. Pour avoir déjà vécu un peu cette même situation il y a quelques années, je commence à m’habituer.
Nous sommes donc mardi 3 septembre quand je prends mon billet de train, pour un départ à 20h49 et une arrivée à 22h27. Ensuite un tramway et 10 mn plus tard , hop je suis dans mon lit, tranquille pour une bonne nuit.
Pour que le trajet passe plus vite, j’ai prévu un livre et j’ai mon PC portable. Je suis en bonne compagnie pour affronter 1h38 de train.
Il faut savoir que les transports en commun et moi ça fait deux, on m’a suggéré de faire du covoiturage mais je ne suis pas à l’aise et après une expérience un peu malheureuse (que je vous raconte ici), je préfère éviter.
20h49, le train arrive à l’heure, je le précise car c’est assez rare. Je monte, dis au revoir à mon conjoint et je suis presque joyeuse, pas de stress ni d’angoisse à l’horizon. 1er arrêt, tout se passe bien, les voyageurs descendent et montent sans encombre. 2eme arrêt, idem tout se passe comme prévu. Peu de temps avant le 3eme arrêt, la contrôleuse prend le micro, je m’attends à ce qu’elle nous annonce le prochain arrêt mais non. Et c’est là que les problèmes commencent.
Ce n’est que le début
Elle nous annonce que suite à un incendie, à quelques kms de mon arrivée, les trains sont stoppés sur décision du Colonel des pompiers et pour l’instant elle n’en sait pas plus.
Là je sens mon dos se raidir et je sens que ça va être plus compliqué que prévu. C’est mon 1er aller/retour d’une longue série et déjà me voilà arrêtée dans une gare d’un bled paumé, il est 21h30 et la vison de mon lit douillet s’éloigne.
Je reste confiante, ça va le faire, au pire ils vont nous mettre un bus de substitution. Mouahaha que je suis naïve. Je reste un peu au chaud dans le train, je regarde mon fil Twitter et là je vois que l’incendie est quand même très impressionnant des dizaines d’homme sont sur place depuis 18h. Quoi 18 HEURES ?? Mais il est 21h30 et on est seulement averti, c’est quoi ce chantier ? Je relis l’article pour être sûr, je regarde d’autres comptes entre autre celui du SDIS, qui est bien placé pour me donner des infos. Bon ben c’est pas gagné.
Je m’apprête à descendre du train pour essayer de voir du personnel de la SNCF, quand je vois un bonhomme d’une 50 aine d’année se rouler un joint, tranquillou à la vue de tout le monde, enfin de moi seulement, car nous ne sommes que tous les deux dans le wagon. Bref, je descends, je vois la contrôleuse qui nous dit que les nouvelles ne sont pas très bonnes et que le SDIS ne pense pas que le feu sera éteint avant 3h minimum.
Wow 3 H, alors que je suis encore à 1h de route et qu’il y a des TGV et autres trains de bloqués avant nous. Je commence à pâlir et l’angoisse monte d’un cran, je fais mine d’être zen, mais à l’intérieur je suis tendue comme une ficelle de string. Imaginez-vous, non-autiste, déjà c’est galère ce genre de situation, alors pour moi comment vous dire que c’est une véritable épreuve. Je m’assois, essayant de réfléchir à une solution. Je téléphone à mon conjoint pour lui expliquer la situation, au pire des cas il reviendra me chercher. Sachant qu’en voiture il y en a pour 1h15 et en pleine pampa. Le bonhomme au joint est descendu et est assis à côté de moi, il me marmonne quelques mots que je ne comprends pas. Je lui fais répéter, mais à nouveau je ne comprends pas, soit il ne parle pas le français, soit il est complètement défoncé. J’esquisse un sourire avec un haussement d’épaule, il me répond d’un petit haussement d’épaule, à priori on s’est compris. Je commence à avoir froid et à être complètement enfumée par mon pote. Je me dirige vers le conducteur et la contrôleuse, il y a d’autres passagers qui sont là et qui prennent leur mal en patience. Je me renseigne pour savoir si un bus ou même un taxi, peut me ramener chez moi. Je ne fais pas durer le suspense plus longtemps, NON, rien, nada, nous voilà arrêtés dans une ville déprimante que je connais bien, rien n’est ouvert, il y a un square malfamé juste à côté, il fait nuit, j’ai froid et se sont mes nerfs qui me tiennent. Mon conjoint me dit qu’il vient me chercher, je ne vais pas rester toute la nuit là, on verra demain comment je vais au travail.
C’est glauque
Je me mets au chaud en attendant. La contrôleuse reprend le micro, un espoir renaît, mes yeux scintillent, ça y est on va pouvoir repartir. Alors oui le train va repartir pour s’arrêter à la gare suivante et c’est tout. Comment ça on s’arrête plus loin ? Qu’est-ce que je vais faire dans un autre patelin perdu dans la campagne ? C’est ridicule. Ni une ni deux, je reprends mes affaires et redescend du train. Tant pis j’attends mon conjoint qui doit arriver dans 1h.
Le chef de gare vient me voir et me demande :
- Vous ne remontez pas dans le train ? Vous restez là ?
- Ben oui, parceque plus loin, il n’y a pas de solution et je n’aurais plus personne pour venir me chercher, donc je préfère attendre là ;
- D’accord, si vous voulez je peux vous ouvrir exceptionnellement la salle d’attente comme ça vous serez au chaud ;
- Oui merci, c’est vrai qu’il fait froid maintenant ;
- Par contre je suis obligé de refermer derrière vous, car il y a trop de vandalisme et d’agressions, donc je peux pas laisser ouvert.
Top ambiance, n’est-ce pas ?
- Moui et comment je fais pour en ressortir ?
- Vous tapez fort sur cette porte, car comme je suis un peu loin, il faut que je vous entende ;
- Mhhh.
Je suis rentrée dans la salle, il a refermé derrière moi et j’ai attendu. Toute seule, dans le noir, sans WC, ni eau, avec le distributeur de friandises hors service qui clignote et fait des bruits bizarres. J’entends crier dehors, j’aperçois grâce à l’éclairage extérieur une bande de gars qui picolent et fument dans le square. Je me demande ce que je fous là, à 23h. C’est hyper lugubre comme atmosphère !!
J’essaie de me divertir en faisant une vidéo, des photos, je tente de ne pas penser à la situation dans laquelle je suis, sinon c’est crise de panique assurée.
Deux choses positives, il fait chaud et j’ai trouvé un livre qui s’intitule Mirage de Douglas Kennedy. J’arrive tant bien que mal à lire le résumé. Je le mets dans mon sac pour le lire plus tard.
Ça y est je vois une lueur au loin, c’est mon conjoint qui est arrivé. Il s’arrête, je l’appelle pour lui dire de ne pas sortir de la voiture et que j’arrive. Je tape très fort sur la porte en ferraille et le chef de gare apparaît. Il m’ouvre et me voilà enfin Libéréeeeeee Délivréeeeeeee… Vous avez la chanson en tête ? Ne me remerciez pas, c’est cadeau
Je monte rapidement dans la voiture, on se paume pour repartir, mais ça y est je suis en lieu sûr. Enfin presque, c’est sans compter sur les renards, biches et autres animaux nocturnes qui s’amusent à nous faire de belles frayeurs sur la route.
Nous voilà arrivés, il est presque une heure du matin, on se couche, demain est un autre jour.
Le lendemain je prendrais finalement ma voiture pour rentrer. J’ouvre le livre que j’ai trouvé hier et je vois ce mot :
« Livre voyageur …
Vous m’avez retrouvé dans une gare ou une boîte à livres…
Lisez moi et redéposez-moi »
À bientôt pour de nouvelles aventures