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                                Folles Herbes    

                                Folles Herbes    

Publié le 20 août 2022 Mis à jour le 20 août 2022 Environnement
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                                Folles Herbes    

Mon âme, ce félin qui arrondit son dos en ronronnant, je te caresse. Maintenant. Trop longtemps, comme un venin bavant sans cesse de la bouche d’un serpent, je ne me suis agité que pour happer de l’argent et empoisonner mon temps. 

L’an passé, mon agenda était noirci de rendez-vous. L’écriture débordait sur les dates. Il y avait tant de projets à démener, tant de concurrents à déminer. Et tant d’affaires fructueuses qui m’attendaient.

J’avais la possession d’une belle propriété. J’avais un restaurant à gérer. Quand avais-je prêté attention à mon jardin, dans lequel une vieille femme s’affairait depuis peut-être le milieu du confinement ?  

Cette femme m’apparaissait chaque fois un peu plus vieille, mais toujours droite comme un lys sur la toile du printemps.

La terreur effroyable de l’agenda vide se mit à m’obséder. Les caisses enregistreuses étaient arrêtées. Les chaises retournées sur les tables me montraient leurs culs obscènes. Le vide. Les abysses.  

De la grande baie de l’étage supérieur, je l’observais, à fouiller dans les herbes qui pointaient telles de longues langues de jade de la terre.

Le septième jour, je suis descendu à sa rencontre.

Elle se tenait là, dans ses cheveux blancs. Un beau nez busqué. Des épaules arrondies en accoudoir de fauteuil. De fines rides soudées au visage.

« Que faites-vous ? »

« Je laisse la vie lire des choses en moi », me répondit-elle en fermant les yeux.

« Vous êtes sur ma propriété ! » m’offusquai-je avec l’intense désir d’échanger avec elle.

« La vie qui fourmille dans ces herbes naissantes est sans aucun doute votre propriété », grinça-t-elle. 

Bien que la trouvant illuminée, j’ai fermé ma gueule. Je dirigeais une entreprise très rentable, pour le compte d’une importante chaine de restaurants franchisés, le savait-elle seulement ? J’étais important de société !  

Debout dans ses bottes luisantes de rosée, elle se dressait, telle une mariée dans la prose scintillante du matin :

« Je ne voudrais pas que les orvets soient déchiquetés par votre tondeuse ! »

Des millions de vies se manifestaient dans ces herbes impersonnelles, des milliards de vies au mètre carré de ce fouillis vert. Chaque vie, avec son identité, sa mort et son salut. Tout s’échangeait sous forme de parfums, de bourdonnements, de tâtonnements, d’imperceptibles mouvements. Des aubes qui avaient baptisé de nouvelles vies, des étoiles qui avaient communié avec de nouveaux anges. Tout était humilité, et vaste savoir transmis par les nerfs de l’univers. Son regard bleu acier me reprochait de résister à vouloir ressentir cela. En fixant le citronnier, elle me récita sur un ton moqueur :

“Les gens ont misé leur sécurité sur leur insécurité spirituelle, leur bouche est toujours habillée d’une précaution vestimentaire. Le diable peut beaucoup nous corrompre, par le rapport à notre richesse, à notre maison, à notre famille, à notre passé. Aimer est poison pour le démon.” 

Plusieurs jours durant, je l’ai regardée s’affairer. Perdait-elle la tête ? Qu’avait-elle découvert dans cette vie qui dépassait ma survie ? Certains — dont je faisais partie — sont là à poursuivre la rationalisation de ce qu’ils nomment l’emploi du temps. Ils survivent en extrayant quelque chose des choses. Les calculateurs sont comme des dépouilles de défaite dont se revêtent les crimes de la gloire. Pressés, ils aboient et mordent férocement leur paix intérieure avec les chiens de leur monde tous pourtant projetés vers le trou noir de l’anéantissement.

Les semaines d’isolement ont passé. Il y a eu des brûlures dans mon âme. J’ai commencé à m’intéresser aux liens entre les êtres. Vaccin spirituel. Transmutation. Ma vie d’avant m’est devenue étrange.

Et alors je me suis mis à aimer cette femme qui aimait tout. 

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Commentaires (3)

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William Gosset il y a 2 ans

Bonjour Jean,

Merci pour votre publication. Je voulais vous informer que votre titre "Folles Herbes" était décalé dans sa saisie, il apparait trop à droite, ce qui le rend difficile à lire quand il est une vignette.

Je vous suggère également d'utiliser des tags, sans # devant, à la fin de votre publication, afin d'aider vos lecteurs à la retrouver sur Panodyssey.

Je suis disponible si vous avez des questions.

Je vous remercie.

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Jean Henrion il y a 2 ans

Merci pour votre contribution. J'adore quand les gens donnent des conseils. Vous êtes une chouette personne.

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William Gosset il y a 2 ans

Je vous en prie, c'est mon travail. Je suis community manager à Panodyssey. Que pensez-vous de mes suggestions ?

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