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J’ai tué le père Noël

J’ai tué le père Noël

Publié le 25 août 2025 Mis à jour le 25 août 2025 Conte
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J’ai tué le père Noël

Mino n'avait que cinq ans, mais elle comprenait déjà une chose : les fêtes de Noël n’étaient qu’un mensonge. Chaque année, elle attendait avec impatience que le Père Noël lui apporte ce qu’elle désirait le plus au monde : un petit chaton noir, aussi doux qu'une peluche, avec de grands yeux jaunes qui la regarderaient avec autant d'amour que celui qu'elle était prête à donner. Elle l'imaginait blotti contre elle, ronronnant doucement au creux de ses bras, sa petite chaleur de vie collée contre son cœur. Mais Noël après Noël, la même déception s'abattait sur elle, telle une neige froide et amère recouvrant le sol de ses espoirs d’enfant.

À la place de ce petit compagnon qu'elle attendait désespérément, elle recevait des poupées aux cheveux bien trop lisses, des jeux de société qui restaient souvent intacts dans leur emballage, et même des vêtements, trop grands ou trop raides pour éveiller en elle autre chose qu’un soupir. À chaque paquet ouvert, l'espoir dans ses yeux s'éteignait un peu plus, et elle voyait dans le regard de ses parents une ombre de gêne qu'ils tentaient de masquer sous des sourires attendris. Mais ils ne comprenaient pas vraiment : pour Mino, le Père Noël devenait une promesse vide, et le sapin de Noël, un traître déguisé en ami scintillant.

Cette année, cependant, quelque chose avait changé en elle. Mino n'était plus prête à attendre patiemment, les yeux remplis d'illusions et le cœur plein d’attentes. Elle avait pris une décision. Assise devant son sapin, elle regardait fixement les décorations qui se reflétaient dans ses yeux sombres et déterminés. Tout semblait parfait en surface : les boules rouges brillaient doucement, les guirlandes dorées se mêlaient aux branches vertes dans un équilibre délicat, et l’étoile en haut du sapin scintillait de mille feux. Mais Mino n'était pas dupe. Elle savait que tout cela n’était qu’un décor, un masque qui cachait l'indifférence d’un vieil homme en costume rouge, occupé à combler les souhaits de millions d'autres enfants, mais pas les siens.

Le 24 décembre au soir, pendant que ses parents la croyaient paisiblement endormie dans son lit, Mino restait éveillée, les yeux grands ouverts dans l’obscurité. Dans sa petite chambre, les ombres des branches de l’arbre dehors dansaient sous la lumière de la lune, formant des figures étranges qui l’auraient terrifiée d’ordinaire. Mais pas ce soir. Cette nuit-là, rien ne pouvait troubler sa détermination. Entre ses mains tremblantes, elle serrait un couteau de cuisine qu’elle avait discrètement pris avant de monter se coucher, un couteau presque trop grand pour ses petites mains d’enfant. Son cœur battait fort, mais pas de peur. Une étrange excitation s’était emparée d’elle, un mélange d’impatience et de colère qu’elle ne parvenait pas à calmer. Elle savait que cette nuit, tout allait changer.

Les heures passèrent lentement. Le silence de la maison était à peine rompu par quelques craquements dans les murs et les bruits lointains de la rue, assourdis par la neige qui tombait doucement. Allongée sur son lit, Mino fixait le plafond, tandis que son esprit imaginait déjà le moment où elle entendrait les pas lourds du vieux barbu. Elle avait tout prévu, elle s’était préparée. Elle n’était qu’une enfant, mais elle savait bien que le Père Noël lui mentait chaque année, la laissant se perdre dans ses illusions et ses désirs inassouvis. Cette fois, elle l’attendait de pied ferme, bien décidée à lui faire comprendre.

Quand les aiguilles de l’horloge approchèrent de minuit, elle entendit enfin un léger bruit venant du salon. Un souffle, peut-être un murmure étouffé, quelque chose qui brisait le silence de la nuit. Mino se redressa aussitôt, ses yeux brillant d’une lueur farouche. Elle descendit de son lit en silence et avança à petits pas. Ses pieds nus glissaient sans bruit sur le parquet, et elle tenait toujours fermement le couteau entre ses mains. Chaque pas la rapprochait de la confrontation qu’elle imaginait depuis des jours.

Les escaliers craquèrent sous ses pieds, mais elle continua à descendre lentement, ses yeux fixant l’ombre qui se dessinait dans le salon. Les lumières clignotantes du sapin, vertes, rouges et dorées, jetaient des éclats changeants sur les murs, créant une atmosphère presque magique, mais Mino ne voyait que cette silhouette massive, cet intrus imposant qui se tenait là, près de la cheminée. Elle s’arrêta un instant, retenant son souffle, et observa l’ombre. Une énorme silhouette en manteau rouge se détachait dans la lumière tamisée, coiffée d’un bonnet duveteux. Elle vit une paire de bottes épaisses, des épaules larges, et une main gantée plongée dans un sac.

Le Père Noël était là. Immense, imposant, vêtu de son grand manteau rouge dont les bordures blanches semblaient presque sales dans la lumière vacillante des guirlandes. Il se penchait pour déposer les paquets soigneusement emballés au pied du sapin. Mais quelque chose en lui n’allait pas. Mino ne pouvait pas dire exactement ce que c’était, mais tout, dans cette silhouette, criait l'étrangeté. Son visage restait caché sous une large capuche qui descendait bien bas, dissimulant même le bout de son nez. Ses mouvements, eux aussi, ne ressemblaient en rien à ce qu’elle avait pu imaginer dans ses rêves d’enfant. Ils étaient lents, hésitants, saccadés comme ceux d’une vieille marionnette dont les fils auraient été tirés par une main maladroite. C’était presque mécanique, comme si ce Père Noël n’était pas vraiment… vivant.

Les yeux de Mino se plissèrent. Elle avançait lentement, le couteau serré dans sa main, son souffle court mais silencieux. Elle n’avait plus peur. Le Père Noël lui apparaissait comme une fraude, une illusion monstrueuse qui n’avait fait que la décevoir année après année. Dans sa petite tête d’enfant, une idée enflait, un désir impérieux de mettre fin à ce mensonge. Il devait payer.

Elle n’hésita pas. Avec un bond rapide, plus audacieux qu’on aurait pu l’imaginer pour une enfant de son âge, elle se jeta sur la silhouette rouge et, sans laisser le temps à l’ombre de réagir, elle enfonça le couteau d’un coup sec dans la gorge du Père Noël. Un bruit étouffé s’échappa de lui, un gargouillis rauque qui ne ressemblait en rien à un cri humain. Elle recula instinctivement d’un pas, observant l’étrange liquide qui s’échappait de la blessure.

Ce n’était pas du sang. C’était épais, visqueux, d’un noir si profond qu’il semblait absorber toute lumière, et une odeur indescriptible, à mi-chemin entre le métal rouillé et la terre humide, s’en dégageait, la prenant à la gorge. Elle porta la main à son nez, suffoquant légèrement, mais ses yeux restaient rivés sur la créature, fascinée malgré elle par ce qu’elle avait découvert.

Le corps du Père Noël se mit alors à trembler, des spasmes saccadés secouant son torse massif. Ses mains gantées se portèrent vers sa gorge, agrippant la plaie noire qui continuait à suinter. Il semblait chercher à stopper cette hémorragie qui n’avait rien de naturel. Puis, avec une lenteur effroyable, il tourna la tête vers Mino, comme s’il voulait la voir, la comprendre, ou peut-être… l’évaluer.

Et ce qu’elle vit dans ces yeux la glaça d’effroi. Ils n’avaient rien d’humain. Deux grandes pupilles jaunes, luisantes, perçaient l’obscurité sous sa capuche, comme deux petites lunes infernales. Mino sentit un frisson la parcourir de la tête aux pieds. Ces yeux jaunes, elle les connaissait, mais pas de cette façon. Ils avaient la forme et la couleur de ceux du chaton dont elle avait toujours rêvé, mais ces yeux-là n’étaient pas bienveillants. Ils la fixaient avec une haine muette, insondable, une noirceur qui semblait dépasser le simple fait de la voir là, devant lui.

Elle recula d’un pas, serrant toujours le couteau qui dégoulinait du liquide noir, mais ses mains tremblaient maintenant. Cet être-là, ce qu’elle venait de blesser, n’était pas le Père Noël qu’elle avait imaginé toute sa vie. C’était quelque chose d’autre, quelque chose de bien plus ancien, bien plus sombre, peut-être même plus ancien que le conte de Noël lui-même. Elle sentit son courage la quitter peu à peu, tandis que la créature rouge se redressait péniblement. Ses mouvements, déjà maladroits, devenaient grotesques, comme si ses os craquaient sous l’effort, se disloquaient, ses bras s’étiraient et son dos se courbait de manière inhumaine.

Soudain, une voix s’éleva dans la pièce, une voix grondante et caverneuse qui fit trembler l’air autour d’eux, comme un tonnerre étouffé par des siècles de silence. Elle semblait venir des profondeurs de la terre ou d’un gouffre sans fond.

- Tu m’as réveillé, petite fille…

La voix résonnait dans le salon, comme un écho traversant des siècles d'obscurité. Mino, pétrifiée, sentit un frisson glacial lui parcourir l’échine. Elle fixait la créature qui, pas à pas, avançait vers elle, chaque mouvement distordant ses membres dans des angles impossibles. Le visage qui se révélait peu à peu sous la capuche n’avait rien d’humain : c’était un masque blanc, lisse, sans bouche, balafré de cicatrices profondes qui semblaient des failles dans une pierre millénaire.

La pièce s’était transformée en un espace irréel, saturé par le souffle rauque du monstre, un son qui emplissait l’air d’un malaise palpable, comme si chaque inspiration drainait la chaleur et la lumière autour de lui. Ses yeux jaunes luisaient d'une malveillance ancestrale, fixés intensément sur Mino, et la fillette sentit ses jambes fléchir sous la terreur.

- Je ne suis pas celui que tu crois… murmura la créature, sa voix étrangement distordue, comme un murmure provenant d'un gouffre sans fond.

La réalité de la situation s'imposa brusquement à Mino. Elle comprit que son plan avait mal tourné, que cette chose n’était ni Père Noël ni une quelconque figure bienveillante. Elle fit un pas en arrière, tentant désespérément de retrouver son souffle, mais la panique l’étreignait si fort qu’aucun son ne parvenait à sortir de sa gorge. Elle aurait voulu appeler ses parents, se réveiller de ce cauchemar, mais elle était clouée sur place, sa voix muette, ses membres figés.

La créature, qui s’avançait toujours, se pencha brusquement, et d'un geste effrayant de rapidité, ses longs doigts froids et décharnés se refermèrent autour de la gorge de Mino. Elle suffoqua, les yeux écarquillés, sentant les ongles acérés de l’entité s’enfoncer dans sa peau, bloquant toute tentative d’échapper à cette étreinte glacée.

Dans un dernier élan de panique, Mino leva faiblement le couteau et tenta de le planter une nouvelle fois dans la chair hideuse du monstre. Mais ses forces la quittaient rapidement. La lame glissa sur la peau tordue de l’être, provoquant à peine un sursaut, tandis que le couteau chutait de sa main désormais inerte. La créature, indifférente à la tentative désespérée de l’enfant, raffermit sa prise et la souleva lentement du sol, jusqu’à ce que leurs visages se retrouvent au même niveau.

Mino sentit son corps s’élever, ses pieds flottant au-dessus du sol, tandis que les yeux jaunes perçants du monstre l’enveloppaient de leur lueur glaçante. Il l’observait intensément, comme si sa terreur était une récompense, un cadeau longtemps attendu. Puis, lentement, dans une macabre transformation, une ligne fine se dessina sur le masque sans bouche, jusqu'à ce qu'un sourire grotesque, s’étirant d’une oreille à l’autre, apparaisse sur le visage de la créature.

- Merci… souffla-t-elle dans un murmure presque doux, mais empli d'une cruauté infinie. Grâce à toi, je suis enfin libre.

Et avant que Mino ne puisse comprendre la portée de ces mots, le rire de l’être s’éleva, un rire déchirant et glaçant qui résonna dans toute la maison, faisant trembler les murs et éteignant peu à peu la lumière des guirlandes, plongeant le salon dans une obscurité absolue.

Dans la noirceur, la silhouette de la créature s’éloigna, ne laissant derrière elle qu’un parfum de poussière et d’humidité. Mino, toujours suspendue entre rêve et réalité, ne sentit plus le froid de ses doigts, ni le poids de sa propre terreur. La dernière chose qu’elle entendit fut l’écho du rire sinistre de la créature, s’évanouissant dans les profondeurs de la nuit.

Le lendemain matin, les premiers rayons de soleil s'infiltrèrent dans la maison, réchauffant les murs froids de la nuit passée. Les parents de Mino, remplis d'excitation à l'idée de la voir découvrir ses cadeaux, montèrent discrètement à l’étage, s’attendant à trouver leur fille encore endormie. En ouvrant la porte de sa chambre, ils eurent un instant de surprise en voyant que Mino était déjà réveillée, étendue calmement sur son lit.

Mais quelque chose en elle leur sembla immédiatement étrange. Mino était allongée là, immobile, dans une position trop rigide, trop figée pour être naturelle. Son visage n’exprimait aucune émotion, et ses yeux, grands ouverts, fixaient un point invisible au plafond sans jamais cligner. Un frisson d’inquiétude traversa sa mère, qui s'approcha doucement, murmurant le nom de sa fille, mais Mino ne réagit pas. Le père, à son tour, s’approcha, posant une main hésitante sur son épaule.

- Mino, tu m'entends ? demanda-t-il d'une voix tremblante, espérant la voir réagir.

Mais la fillette ne répondit pas. Sa peau était froide, ses yeux vides de toute lueur. À côté d’elle, sur le drap blanc, ils aperçurent un objet qu'ils ne reconnurent pas immédiatement. Lorsqu’ils réalisèrent qu’il s’agissait d’un couteau de cuisine, leur cœur se serra. La lame était recouverte d’une étrange substance noire, épaisse et poisseuse, qui dégageait une odeur métallique et putride. Comment ce couteau s’était-il retrouvé là, dans la chambre de leur enfant ? Et ce liquide noirâtre, cette odeur qui envahissait l’air, cela n’avait rien de familier ni de rassurant.

En bas, dans le salon, le sapin étincelait encore faiblement des lumières de la veille. Autour de lui, les cadeaux soigneusement emballés attendaient d’être ouverts. Mais au pied du sapin, bien en évidence parmi les paquets, se trouvait un cadeau qui n’était pas là la veille au soir. Une petite peluche de chaton noir, avec un pelage d'une douceur presque inquiétante. Ses grands yeux jaunes, d’un réalisme glaçant, semblaient vivants. Les parents de Mino ressentirent une étrange sensation de malaise en le regardant, comme si ce jouet les observait, les jugeait.

La mère prit une profonde inspiration et avança lentement, tendant la main pour toucher la peluche. Au contact du tissu, elle fut frappée par une sensation de froid inattendu, presque glacial, qui lui fit retirer sa main immédiatement. Elle regarda son mari, cherchant une explication, mais lui aussi était figé, incapable de détacher son regard des yeux jaunes de la peluche. Ceux-ci semblaient presque briller, réfléchissant une lumière invisible, comme s’ils renfermaient une intelligence propre.

Les parents de Mino se sentirent soudain oppressés, comme si une présence invisible s’était installée dans la pièce avec eux. L’atmosphère était devenue lourde, étouffante, et un silence sinistre enveloppait toute la maison, un silence qui semblait avaler tout son, tout mouvement. Ils prirent conscience qu'ils ne se sentaient pas seuls. C’était comme si la peluche les observait, comme si elle contenait quelque chose… ou quelqu’un.

Ils reculèrent, effrayés par cette pensée, mais un chuchotement sourd s’éleva soudain dans la pièce, un son faible, lointain, mais qui semblait provenir du chaton en peluche. Un murmure presque imperceptible, comme le souffle d’une voix ancienne :

- Merci de m’avoir libéré…

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