Chapitre 7
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Chapitre 7
Chapitre un. Le nouveau
Après mes aventures celtiques, la réalité new yorkaise, avec son timing parfait, me rappelait à l'ordre. Je devais commencer par le plus dur : annoncer à ma mère que l'enseignement n’avait jamais été mon rêve, mais le leur. J’avais préparé un discours en béton, structuré, limpide. Mais quand je me retrouvai face à elle, les mots s’emmêlèrent comme des écouteurs oubliés au fond d’un sac.
— Maman… je ne vais pas faire mon doctorat.
Elle leva les yeux de son tricot. Silence. Trop de silence. Puis, enfin, un souffle.
— Je vois.
Je m’attendais à un ouragan. Une pluie de reproches. Un chantage émotionnel digne des grandes tragédies. Mais elle se contenta de poser son ouvrage et de me regarder avec une douceur inhabituelle.
— Tu as trouvé ce que tu veux faire, alors ?
Je hochai la tête.
— Oui.
C’était vrai. Pour la première fois depuis longtemps, je ne voulais pas juste m’éloigner d’un chemin, je voulais en emprunter un autre. Et je savais exactement lequel.
Le lendemain, avant que le doute ne s’insinue, j’écrivis ma lettre de démission. Une lettre très polie, en essayant de ne pas mentionner que j'avais préféré une secte de druides à une promotion. C’était d’une simplicité déconcertante : quelques lignes griffonnées sur un papier, une signature, et une impression de légèreté immédiate. J'ai repensé à cet endroit. Ce lieu où tout est rangé dans un ordre parfait, calibré, prévisible. Un lieu où l'odeur du papier neuf est aseptisée et où chaque livre est une promesse de succès formaté. Un lieu qui aurait pu être n'importe quel bureau d'une grande multinationale, un endroit où on te vend du "développement personnel" alors que tout est fait pour te dépersonnaliser. En partant, je me suis dit que, au final, un simple bout de papier accroché à un arbre avait plus de charme que tout ce merchandising savamment organisé. Bref, j'ai glissé la lettre sur le bureau de mon manager, en mode "mission accomplie", et je suis partie. Barnes&Noble continuerait très bien sans moi. Et moi, pour la première fois, j’avais hâte de voir ce qui m’attendait ensuite.
Quand j’arrivai chez Henry, il m’accueillit avec son sempiternel sourire et une tasse de thé fumante. J’inspirai profondément avant de lâcher :
— Alors je signe où ?
Il éclata de rire et me tendit une pile de papiers.
— T’as même pas envie de négocier ?
— Si, bien sûr. Je négocie que tu me donnes la boutique et un peu de ton savoir-faire en prime.
— Marché conclu.
Il me tendit un stylo et, en quelques minutes, la librairie était officiellement mienne. Mienne. L’ampleur du mot m’étourdit un instant. Je levai les yeux vers les étagères en bois, l’odeur des livres anciens, le parquet qui grinçait sous mes pas. J’étais chez moi.
— Au fait, ajouta Henry avec désinvolture, l’appartement au-dessus est à toi aussi si tu le veux. J’ai décidé de partir vivre à la campagne. Trop de bruit ici.
J’étais prête à lui sauter au cou.
— Henry, je t’aime.
— Ça, je le savais déjà.
Tout d’un coup, j'ai réalisé que mon rêve de retourner à Greenwich Village, celui que j'avais mis en veilleuse au fond de mon cœur, était en train de se réaliser. J'ai fait quelques pas dans l'arrière-boutique, et là, j'ai eu cette sensation qui te traverse l'âme. Un sentiment d'appartenance, de complétude, de "j'y suis enfin". Chaque étagère, chaque livre, chaque recoin, c'était comme retrouver un vieil ami, un confident, une partie de moi que j'avais oubliée. Mon vrai chez moi. Je me suis mise à sourire comme une gosse.
Le souvenir m'est revenu, cette phrase que Henry m’avait lancée le jour où il m’avait proposé de reprendre la boutique : "Je veux retrouver mon Abby.. Où est-elle passée ?" Là, dans cette librairie, je savais où elle était passée. Et je savais que j'étais enfin prête à la laisser revenir.
Le déménagement fut rapide. Je n’avais pas grand-chose à emporter : quelques valises, mes carnets de notes et l’envie fébrile de commencer cette nouvelle vie.
Une fois installée, je me mis à relire mes poèmes écrits pendant mon voyage en Irlande. Ils n’étaient pas parfaits, mais ils vibraient d’une vérité brute. Alors je pris une décision : ils méritaient de voir le jour. Quelques semaines plus tard, La Traversée était imprimé. Un modeste recueil, mais le premier d’une longue série, je l’espérais.
Et puis, une nuit, installée à la grande table de la librairie, une tasse de thé refroidissant à côté de moi, je tapai les premiers mots de mon roman :
Imaginez le monde recouvert de neige, puis imaginez une douce lumière dorée qui commence à briller. C'est à cela que ressemble Imbolc : un magnifique mélange de fraîcheur hivernale et d'espoir de jours plus chauds. C'est comme trouver une petite fleur qui pousse à travers la neige.
Alors, oui. Ma vie avait pris un tournant inattendu, mais pour la première fois, j'avais l'impression d'être sur le bon chemin. Peut-être qu'en fait, les "nouveaux départs", ce n'était pas des trucs de magazines, mais des moments où on a le courage de suivre sa propre voie. Et si cette voie passait par une librairie dans le Village, des poèmes et un roman en gestation, c'est que j'étais vraiment au bon endroit.
Un sourire étira mes lèvres. C’était un début. Mais cette fois, c’était le bon.
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Fin
Inna Grim il y a 4 heures
Merci, Erwan ! Ça me fait tellement plaisir ! 😊😊😊
Erwann Avalach il y a 4 heures
Je viens de lire cette histoire d'une traite, il fallait que ce soit le 1 février, et je l'ai beaucoup aimée. Si j'étais dans le jury, je voterais pour cette nouvelle !