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Poupette

Poupette

Publié le 20 juil. 2024 Mis à jour le 31 juil. 2024 Romance
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Poupette

Je vois bien qu’elle est fatiguée. Son pied n’est plus aussi rythmé sur ma pédale. Elle a le dos courbé, ses yeux lui piquent à force de se concentrer sur mon aiguille. Nous avons toutes les deux besoin d’une pause, mon moteur s’échauffe, elle vient de dévier sa course et peste contre moi. Je n’y suis pour rien, moi je ne suis qu’une machine à coudre qui ne déraille que lorsqu'on s’en sert mal. Bon d’accord, j’ai parfois des ratés et j’emmêle la canette, mais je ne le fais pas exprès, c’est parce qu’il me manque que la parole pour lui dire « stop, il y a un truc qui cloche ». Alors, si elle ne fait pas attention à mes bobos, je casse un fil ou je double un zigzag. C’est notre signe. En général, elle s’arrête, fronce ses yeux clairs, rattache ses cheveux et dit « Ok, Poupette, on fait une pause.» 

Poupette, c’est le nom qu’elle m’a donnée. Notre première rencontre date du 12 juin 1930. Amélie fêtait ses dix-huit ans. Je vois encore le pétillement dans ses yeux lorsqu’elle m’a découverte. (Sa mère avait économisé pendant des mois pour offrir à sa fille la machine de ses rêves). Il faut vous dire que j’avais fière allure, je n’avais jamais servi. Je suis une machine à coudre à pédale, Singer n°15 avec canette centrale, entraînement réversible équipée d'une lampe de confort électrique. J’ai un écrin en bois et des pieds en fer forgé. 

Amélie a passé des heures pour m'apprivoiser, pour apprendre à me connaître, pour comprendre mes moindres rouages. Je me souviens de ses premiers essais maladroits, des ourlets tordus et des coutures irrégulières. Petit à petit, elle est devenue une experte, ses doigts dansant avec grâce sur mes commandes. Ensemble, nous avons confectionné sa première robe de soirée. Elle avait décidé de copier un modèle de chez Schiaparelli, un modèle chic et audacieux. Je me souviens de chaque détail de cette robe. Le tissu était un satin noir brillant, choisi avec soin pour sa fluidité et son éclat. Elle avait passé des heures à étudier les croquis de Schiaparelli dans les magazines de mode, à mesurer et couper avec une précision presque obsessionnelle. Chaque pièce du patron était posée avec délicatesse sur le tissu, chaque coup de ciseaux était déterminé et assuré.

La conception de la robe n’était pas simple. Il y avait des plis à maîtriser, des coutures complexes à réaliser, et une coupe qui devait épouser parfaitement les courbes de son corps. Mais avec chaque point, chaque passage de fil, nous nous rapprochions un peu plus de l'œuvre finale. Le satin glissait sous mes aiguilles, obéissant à ses gestes précis. L’alliance de la technicité et du savoir-faire humain.

Elle avait décidé d'ajouter une touche personnelle : une broderie subtile sur le col, inspirée des motifs Art Déco qu’elle aimait tant. Cela demandait une patience infinie et une attention au détail, mais elle y mettait tout son cœur. Je pouvais sentir sa passion dans chacun de ses ajustements.

La première fois qu’elle a enfilé cette robe, son regard dans le miroir était empreint d'une fierté immense. Elle tournoyait, admirant la fluidité du tissu, la perfection des coutures, et le reflet de son travail acharné. C’était bien plus qu’une simple robe de soirée ; c’était le symbole de son indépendance, de son émancipation, et de sa capacité à créer quelque chose de magnifique de ses propres mains.

Ce soir-là, lorsqu’elle est sortie avec cette robe, elle rayonnait. Et moi, Poupette, j'étais là en arrière-plan, invisible, mais présente, fière d’avoir contribué à cette œuvre d’art. Ce fut surtout le début d’une grande amitié entre nous.

Cette robe de Schiaparelli fut le début d'une longue série de créations. Amélie a commencé à confectionner des robes pour ses amies, avec succès. Tant et si bien qu’elle a ouvert un atelier de confection rue des Dames. Des tenues de tous les jours aux pièces plus audacieuses, nous continuons à travailler ensemble, chaque projet étant un nouveau défi, une nouvelle opportunité de se surpasser. 

Comme deux amies, nous passons des heures ensemble, souvent tard dans la nuit. Elle parle parfois à voix haute, m’expliquant ses choix, ses doutes, ses inspirations. Je l’écoute répondant avec la constance de mes mouvements mécaniques. Ensemble, nous façonnons bien plus que des tissus. Nous entremêlons notre histoire, machine et humain ne faisons qu’un.

Mais je m’égare, là voilà qui répond au téléphone.

— Bonjour Eléonore,  

— …

—  Oui, tu peux prévoir un essayage de ta robe de mariée demain vers quinze heures.

— …

— À demain, je t’embrasse.

Elle raccroche, un sourire aux lèvres, puis se tourne vers moi. Ses yeux brillent d’excitation et de détermination. Je sais qu'elle se prépare à un nouveau défi, l’un des plus importants de sa carrière. Confectionner une robe de mariée n’est jamais une tâche facile. Tout doit être parfait : le moindre détail, la moindre couture doivent être irréprochables. C’est une œuvre de dévotion, un symbole d’amour et de promesse. Et en plus, c’est pour sa meilleure amie. Eléonore est modiste et elle conçoit les chapeaux assortis aux tenues d’Amélie. 

— Allez Poupette encore un petit effort et je te laisse tranquille pour ce soir.

Amélie s’installe devant moi. Elle prend une profonde inspiration avant de poser ses mains sur le tissu délicat. La soie glisse entre ses doigts, prête à être façonnée une dernière fois pour la soirée. Elle ajuste le tissu sous mon aiguille, les yeux fixés sur la ligne de couture.

Je me mets en mouvement, mes rouages parfaitement huilés répondant à son pied sur la pédale, en harmonie. Les coutures se forment avec une précision impeccable, chaque point étant une petite victoire. Amélie travaille avec une concentration intense, son visage se détendant légèrement à mesure que le travail avance.

Le silence de l’atelier est seulement interrompu par le doux ronronnement de mon moteur et le léger claquement de l’aiguille perçant le tissu. De temps en temps, Amélie me murmure des mots d’encouragement ou fait des petits commentaires sur son travail. Nous sommes en parfaite synchronisation dans une danse délicate entre la machine et l’humain.

 

Enfin, l’ourlet est terminé. Amélie soulève doucement la robe et l’examine sous la lumière. Un sourire de satisfaction éclaire son visage. Elle pose la robe de mariée avec soin sur le mannequin, admirant l’ensemble de son travail. La robe est splendide, chaque détail reflétant l'amour et l'effort.

— Merci, Poupette, murmure-t-elle en caressant la surface en bois de la machine à coudre. Tu as été parfaite, comme toujours.

Elle se lève, étire ses bras fatigués et regarde une dernière fois la robe et la machine avant d’éteindre la lumière de l’atelier. 

— Bonne nuit Poupette. Toutes les deux, nous avons besoin de repos, pour être prêtes à finaliser les derniers ajustements demain.

 

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Commentaires (6)

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Noa Mineilit il y a 1 mois

Que c'est doux, j'aime beaucoup !

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Laure Peard il y a 1 mois

Merci, j’ai écris ce texte pour le concours de nouvelles avec l’IA. Bonne journée

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Gand Laetitia il y a 1 mois

Merci j'aime beaucoup. Hâte de lire la suite :)

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Laure Peard il y a 1 mois

J'ai réussi à publier selon vos conseils.

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