Giorgia Tann, une des femmes les plus cruelles de l’Histoire américaine
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Giorgia Tann, une des femmes les plus cruelles de l’Histoire américaine
Giorgia Tann est née le 18 juillet 1891 dans la ville de Philadelphie dans l’État du Mississippi, au sud des États-Unis. Son père, George Clark Tann, est un juge influent et sa mère, Beulah Yates, institutrice. La maison familiale est un endroit accueillant où George Clark Tann convie souvent des enfants abandonnés afin de les confier aux âmes charitables de son entourage. Mais comment Giorgia Tann, personnalité généreuse à ses débuts, est-elle devenue la femme la plus détestée des États-Unis ? Comment a-t-elle brisé la vie de plus de 5 000 personnes ? Et quel héritage a-t-elle laissé ? Découvrons-le tout de suite.
Une samaritaine respectueuse des lois
Giorgia Tann connaît les lois, son père est juge et elle-même souhaite suivre les pas de ce dernier. Elle comparait à l’examen du barreau d’État du Mississippi. Elle veut devenir avocate, mais son père rejette cette idée. En effet, le droit pratiqué par une femme célibataire demeure impopulaire à cette époque. De fait, elle abandonne cette voie pour celle de travailleuse sociale. Ne désirant pas se marier, elle étudie à New York à l’université Columbia et décroche un poste de directrice de réception dans une agence d’adoption, la Mississippi Children’s Home Society. Licenciée pour ses méthodes de placement douteuses, elle déménage à Memphis où elle exerce un nouvel emploi à la Tennessee Children’s Home Society, la Société des foyers d’accueil du Tennessee. Elle y gravit les échelons et se retrouve en 1924 à la tête de cet organisme.
Giorgia Tann
À l’âge de 31 ans, elle adopte un bébé, une petite fille du nom de June. Sa réputation de femme magnanime dotée d’une grande compassion est installée.
Très professionnelle, elle s’évertue donc à trouver des parents affectueux et respectés pour ses protégés.
Un réseau d’influence grandissant
Giorgia Tann sait bien s’entourer. Le maire de Memphis, Edward Hull Crump est une connaissance et un ami de longue date. Par son intermédiaire, la ville devient presque sous son contrôle. De plus, elle compte parmi ses proches la juge des affaires familiales Camille Kelley. Mais la soif de pouvoir de Giorgia ne s’arrête pas là, elle envisage de déployer son réseau d’influence dans tout le pays en voulant implanter d’autres antennes d’adoption.
Son emprise s’applique aussi bien à des médecins, des infirmières, qu’au tribunal des affaires familiales. Même Hollywood s’y prendra. En effet, elle réussit à faire adopter des fratries à des acteurs et actrices à coup de campagnes publicitaires chocs.
Sa notoriété atteint les plus hautes sphères. Eléanord Roosevelt, la femme du président des États-Unis Franklin Roosevelt, la sollicite pour bénéficier de ses précieux conseils en matière de bien-être des enfants.
On pourrait croire que cette femme est extraordinaire, pleine de bonté et de générosité. En réalité, de sombres raisons la motivent.
La cruauté de Giorgia Tann
La Société des foyers d’accueil du Tennessee pilotée par Giorgia Tann n’a pas de but lucratif, un bambin peut trouver la chaleur d’une maison pour 7 dollars si le futur parent candidat réside dans la région. Mais vers la fin des années 1940, 80 % des enfants placés le sont dans le privé.
La demande d’adoption est alors largement supérieure à l’offre, les orphelins de l’institution qu’elle dirige ne suffisent plus pour satisfaire la demande. Dès 1924, elle falsifie les documents d’adoption en trafiquant les certificats de naissance. Plusieurs dossiers sont même détruits.
Elle organise un marché noir très lucratif alimenté par des séries d’enlèvements de petits avec la complicité de son réseau, dont ses deux grands amis, le maire Crump de Memphis et la juge Kelley des affaires familiales. Des enfants sont achetés au marché noir dans tous les États-Unis, au Canada, au Mexique… pour environ 5 000 dollars.
Le seul critère de sélection des parents-adoptants concerne leurs revenus et non leurs capacités affectives ou éducatives. C’est ainsi que des victimes sont mises entre les mains de personnes peu scrupuleuses ou pédophiles.
Certains des complices de Giorgia n’ont pas toujours à cœur de l’aider dans sa funeste entreprise. Elle les fait chanter. Le fait qu’ils aient recouru à l’adoption d’enfants par son intermédiaire les oblige à se taire, de peur d’en perdre la garde.
Les viles méthodes d’une grande manipulatrice
Sa méthode pour remplir le listing d’adoption est de profiter de la grave récession économique des années 1930.
Elle s’en prend aux parents très modestes et aux mères célibataires vulnérables. De nombreuses familles poussées par la crise quittent leur logement pour vivre sur un bateau de fortune sur le bord du Mississippi. Leurs progénitures leur sont arrachées par les services sociaux de Giorgia.
À l’hôpital, lorsqu’une femme était sur le point de donner naissance, avec la complicité des médecins et des infirmières, elle lui fait croire qu’elle avait accouché sous anesthésie d’un bébé mort-né.
Giorgia Tann emploie une autre de ses techniques de persuasion. Elle parvient à convaincre les mamans de lui laisser leur petit malade, ayant besoin selon elle de soins spécifiques. Une fois le patient en sa possession, elle annonce aux parents que ce dernier est décédé malgré tous les soins apportés.
Ruse, mensonges, tromperie, vol, elle recourt à tous les stratagèmes possibles pour remplir son foyer d’accueil et son compte en banque.
Des enfants sont même enlevés devant le pas de leur porte ou encore dans les terrains de jeux. Le chemin de retour d’école à pied peut se révéler tout aussi fatal.
Environ 500 à 600 enfants disparaissent dans la région de Memphis. Le business de Giorgia Tann lui permet d’encaisser plus d’un million de dollars.
Une fois à l’orphelinat, de mauvais traitements, des abus et des privations attendent les victimes. Le personnel alcoolise même les enfants afin de pouvoir les canaliser. Beaucoup d’entre eux finissent par succomber. En 1932, Memphis devient la ville des États-Unis au taux de mortalité infantile le plus élevé.
L’héritage de Giorgia Tann
En 1945, s’élèvent des voix de parents biologiques comme adoptifs. Volés, abusés, ils sont conscients de l’irrégularité de l’adoption. Le scandale éclate. En 1948, le nouveau gouverneur Gordon Browning ordonne une enquête à la Société des foyers d’accueil de Memphis. La ligue américaine du bien-être des enfants découvre des dossiers d’adoption détruits. En conséquence, le foyer d’accueil de Giorgia Tann perd son financement et ferme ses portes en 1950. La sinistre directrice meurt le 15 septembre 1950 à l’âge de 59 ans des suites d’un cancer.
Tristement, très peu des acteurs de ce marché noir sont poursuivis, ni Giorgia, qui décède 3 mois après le début de l’enquête, ni le maire de Memphis, ni la juge Kelley. L’imbroglio juridique est tel que le nouveau juge des affaires familiales légalise finalement 5 000 adoptions. De ce fait, des chérubins kidnappés au certificat de naissance détruit sont contraints de rester chez leur famille adoptive. Aussi, des parents biologiques ne retrouveront, hélas, jamais leurs enfants. Rares sont les survivants de Giorgia Tann qui ont réussi à rejoindre leurs proches.
Mémorial aux victimes de la Tennessee Children’s Home Society.
Lisa Wingate, journaliste et romancière, a écrit un livre inspiré de ces faits réels et qui retrace cette tragédie : Les enfants du fleuve.