Lettre d'un battement de terre
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Lettre d'un battement de terre
Il m'arrive de regarder les quais et de voir des silhouettes qui ne sont pas. Dès lors, je m'interroge sur les moyens que je déploie pour tenter d'effacer l'escapade, ce moment de répit accordé, où dans cet espace, elle s'est subtilement logée.
Je ne cherchais rien, je te le rappelle, je ne cherche pas souvent les autres, ou peut-être quand j'en ai besoin, peut-être quand j'en fais le dessein.
L'ai-je appelée ? Je me demande.
L'ai-je attirée ? Je veux m'en défendre.
J'ai subtilisé à la vie ce court instant, une délicate nuit où les roses battent aux vents et que mon cœur tout attendri, fleurit.
De cette timide et dense soirée de liberté, s'est faufilé le sort. Ou la providence ? Ma mère le dirait assurément. Ma mère compte parmi ces femmes enchanteresses qui divinisent les rencontres. Sa voix gronde en moi. Mon ami, laisse-moi te rappeler comment je me suis retrouvé désarmé, face à l'arrivée de ma bien aimée.
Il est tard, je croise un oiseau du Paradis au détour d'une rue festive, enivrée par la foule, par les voix qui chantent une langue que je ne sais pas parler. L'ambiance est chaude, je m'en délecte, l'ambiance annonce une trève. J'ai bien pensé à toi, aux verres brandis dans les airs et à nos bras entrelacés qui savourent le présent sans s'en destituer. Le souvenir de ces soirs ferait presque s'évaporer le gèle, au réveil d'un roulement à assumer.
Elle passe, elle circule, elle parade et la foule paraît se défaire à son passage ; c'est comme observer un vent chaud défier un courant d'air frais. Cher ami, je l'ai longuement observée. Je ne me souviens pas avoir respiré, ce moment m'a ôté au temps, à ma personne, aux quand dira t-on.
Tu sais trop bien que je ne parle pas de coup de foudre, la foudre certainement pas, elle ne foudroie pas les hommes de ma condition. Mais les femmes ont ce pouvoir qui frôle le mystique, et dans cette rue animée par l'excitation, je me vois touché par une grâce dépassant l'opacité de certaines illusions.
Je la suis attentivement du regard avant que mes jambes ne m'imitent à leur tour. Elle le sait, elle le sent, elle ne fait rien pour autant. C'est d'un naturel tel, que son essence me capture, me voilà magnétisé par un être qui au demeurant ne fait que marcher.
À ce moment-là, je n'y pense pas, aux lendemains, aux obligations, aux hommes qui m'attendent pour regagner nos quartiers. À ce moment-là, quelque chose jubile en moi : je suis enclin aux foudres du destin.
Elle s'assoit le long d'un quai, on dirait qu'une fleur vient de pousser là où nul verdure ne saurait exister. Je m'avance, je ne peux faire que ça. Quand elle relève la tête et que son visage me parvient, je le maintiens, il naît d'un tout petit rien, le parfum d'un séraphin m'invitant à déserter les miens.