Les fenêtres
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Les fenêtres
Elle sent son cœur se serrer, pourtant un cœur, elle ne sait pas vraiment qu’elle en a un.
Elle ne met pas de mots, ni même d’images sur cet étau qui l’étreint. Comment pourrait-elle ?
Ce qu’elle sait, d’instinct, c’est qu’elle doit pallier quelque chose dont elle ignore la contenance, pour survivre.
Son reflex primaire, au creux de ses cordes vocales, est la seule voie qu’elle ne saurait emprunter.
Pourtant, elle comprendra très vite que c’est son silence qui la maintiendra en vie.
Du moins, dans un premier temps.
Le hurlement du silence lui est devenu familier. Il résonne au fond d’elle comme un piano sans corde.
En apparence paisible telle la surface d’un lac, il y a toute une vie qui vibre en dedans. Sans bruit, sans vague.
Ne pas faire de bruit. Chut, le chaos guette et peut tout emporter avec lui. Son sourire, sa joie innocente, son envie de danser.
Elle sait déjà qu’il pourrait grignoter sournoisement ce qu’elle chérit secrètement. Il lui faudra nourrir sans relâche cette pulsion de vie, battements aux ailes fragiles, inlassablement empêchée.
Tel un soldat qui n’a le choix que d’avancer, elle ajuste ses pas. A l’affût, elle tangue entre les mines menaçantes, déformant son être tout entier.
Pourtant, le champ sur lequel elle doit progresser explosera maintes fois, malgré ses tentatives d’esquive. Elle apprend pas à pas, aucun démineur ne viendra la sauver.
L’état d’alerte qui coule dans ses veines pulse dans sa tête, il prend toute la place ne laissant que peu d’espace pour s’élever. La tête hors de l’eau, pourtant elle tient. Contre marrées et tempêtes, se débattant de tout son corps, elle aura souvent l’impression d’étouffée, de se noyer, d’être aspirée par le dessous.
La rive s’effrite sous ses doigts, ce refuge inné lui est refusé. Elle criera à l’injustice longtemps, errant dans l’incompréhension innocente des pourquoi.
Elle a grandi à la campagne. Le calme, les grands espaces et les couleurs aussi. Le vert puissant du printemps, les nuances orangées de l’automne, sa saison préférée et les collines immaculées de blanc de l’hiver. Elle passera beaucoup de temps à la fenêtre, s’imaginant voler comme un oiseau.
A la maison on passe du rire aux larmes en une fraction de seconde ! La joie est intense, les coups aussi. La transition est presque imperceptible, sournoise. Elle connait bien ces passages secrets émotionnels. Elle y reconnait chaque porte, chaque trappe, chaque trou. Elle sait quand s’y cacher et comment. Quand ouvrir ou refermer les portes, quand elles claqueront ou non. Elle est en Terre connues dans ce labyrinthe tourmenté, mêlé de douce ivresse et de détresse.
Les fenêtres, des ouvertures sur le monde extérieur, seront comme une promesse.
Jackie H il y a 3 mois
Comment louvoyer en terrain miné, ou en eaux minées (encore plus traîtresses), pour survivre, et ne pas perdre espoir car c'est l'espoir qui fait vivre...
Luce il y a 3 mois
❤️🩹
Gand Laetitia il y a 3 mois
Je ne sais pas si c'est le fait que aujourd'hui, je ressens des émotions que je n'ai pas envie d'effacer mais votre texte est très profond, poignant et m'a beaucoup ému. Alors, je vous remercie et je vous souhaite pour la suite tout le bonheur possible au-delà de vos mots.
Madé Ame il y a 3 mois
Merci à vous 🙏🏻 Je suis toujours fébrile quand mes mots font écho, de quelques manières que se soient, au dedans des gens.
Gand Laetitia il y a 3 mois
Je comprends mais vous le méritez...