

Je suis Elles. Elles sont Ailes.
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Je suis Elles. Elles sont Ailes.
D’une plume de sarcelle, j’ai décoré la prunelle du Grand Lac d’un nuage laiteux.
D’une plume de tourterelle, j’ai farci le Vent de ritournelles.
D’une plume d’hirondelle, j’ai festonné de rayons l’Astre du jour.
J’ai bleui le firmament et verdi les plaines.
J’ai ondoyé les ruisseaux et adouci les rochers.
La Paix illumine l’aquarelle de l’Univers.
Je suis Ailes.
Elles dansaient avec les trois sœurs : Maïs, Courge et Haricot.
Elles tressaient à leurs cheveux des foins d’odeur, et y piquaient une fleur d’ail.
Elles épinglaient des étoiles au sourire de la Lune.
Elles traversaient les rives de l’Eau qui marche avec la souplesse de la sauterelle.
Elles rêvaient, belles et rebelles.
Je suis Elles.
J’étirais mes ailes d’un océan à l’autre. Je survolais les Rocheuses, les Prairies et le Fjord. Mes ailes dessinaient des conifères, des étangs, des orignaux. Mes ailes arpentaient le territoire en brise légère ou en tempête de neige.
Mes Ailes les protégeaient, tandis qu’Elles berçaient leurs petits repus du lait de leurs mamelles, vaquaient aux champs ou pêchaient dans la rivière.
Elles enjolivaient leur vie d’une étincelle de rires, la chérissaient, la couronnaient d’un arc-en-ciel. Elles étaient Ailes.
Mes Ailes se sont asphyxiées aux fables du Géant, un Géant qui morcelle les terres ancestrales et usurpe les ressources. Le Géant se jette sur Elles, grand-mères ou pucelles, les humilie, leur crache au visage, les harcèle, déchire leurs Ailes, les efface. Elles s’enlisent dans le désastre boueux du Géant.
Leurs paupières tuméfiées
Leurs yeux terrorisés
Leurs membres ensanglantés
Elles étouffent leurs cris. Elles hurlent dans leurs silences violés. Elles se mutilent l’âme à grands coups de frayeur, de honte, de détresse. Leur cœur meurtri leur brûle la gorge. Elles veulent se pendre à mes Ailes.
La profondeur de leur nuit les extrait de mes Ailes. Sans ailes, Elles ne reconnaissent plus leurs aïeuls, ignorent leurs rites spirituels.
Sans Elles, mes ailes se déchiquètent, mes plumes s’éparpillent en couche mortuaire.
Rendez-nous nos ailes, m’implorent-Elles.
Je suis Elles.
Je suis Ailes.
J’ai mal à mes Ailes.
Je souffre avec Elles.
Mes Ailes les cherchent.
Je les accueille sous l’ombrelle de la sororité. J’endosse leurs vêtements traditionnels et enfile leurs semelles. Vers la margelle, nous marchons ensemble sur la passerelle. Nous buvons à la même écuelle les mots guérisseurs; nous chantons à l’unisson Du pain et des roses. De mes ailes d’hirondelle, de tourterelle et de sarcelle, je construis une nacelle pour les mener vers Elles.
Elles déploient leurs ailes. Mes Ailes se muent en Elles.
@ Véronique Morel, octobre 2015 (publié sur Mes dentelles de mots)
Ce texte honore la sororité des femmes, encore et aujourd'hui, 30 ans après la marche Du pain et des roses.
Photo tirée de ce lien qui n'existe plus:
http://www.renders-graphiques.fr/image/upload/normal/coeur_ailes_fleurs_feuilles_dcoration.png

