Maigret : une quête intime
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Maigret : une quête intime
J'ai presque hésité à aller le voir, le Maigret de Patrick Lecomte.
Sur Facebook, un fan de Georges Simenon s'indigne : "Ce film ne respecte absolument pas l'histoire contée par Simenon et n'a d'yeux que pour un Depardieu pédant, grandiloquent et ennuyeux à en mourir, sans traduire l'atmosphère du roman".
Passionné par Simenon, fan du pédant grandiloquent Depardieu et du triste sire Leconte, je décide d'y aller tout de même et de me faire ma propre opinion.
Une inspiration assez lâche...
Le Maigret de Patrick Leconte est vaguement inspiré de Maigret et la jeune morte. Pas le meilleur de la série, assurément. Et c'est peut-être pour ça que Leconte l'a choisi.
L'histoire : une jeune femme est retrouvée morte, un soir. Un inconnu a prévenu la police. Personne ne connaît la jeune fille. Maigret va se mettre en quête de son identité. Selon son habitude, il va s'imprégner de son histoire, de son environnement, reconstituer son personnage en visitant les lieux où elle a vécu, en interrogeant les personnes qui l'ont croisée, etc.
Tout cela alors que, pour tout le monde, il s'agit d'une pauvre fille sans intérêt. Une mort de pauvre, pas de quoi fouetter un chat. Maigret, pourtant, s'obstine, creuse, fouaille, scrute, fouille et dénoue l'écheveau de l'histoire.
Dans le livre, Maigret est presque en concurrence avec Lognon, surnommé l'inspecteur malgracieux. Il n'apparaît pas dans le film.
Dans le roman, c'est une histoire de gros sous qui a motivé l'assassinat de la jeune fille, pas dans le film. C'est le milieu qui l'a assassinée dans le livre, mais dans le film, les coupables appartiennent à la haute bourgeoisie.
L'histoire du livre présente des ramifications en Belgique et aux États-Unis, ramifications totalement absentes du scénario de Patrick Leconte et Jérôme Tonnerre.
La recréation contre la servitude
On pourrait croire, dès lors, que les scénaristes ont vidé l'histoire de sa substance et qu'il ne reste, en effet, de la place qu'au cabotinage d'une star qui aurait pu s'en passer.
C'est tout le contraire.
En fait, Leconte et Tonnerre ont resserré l'histoire, l'ont condensée, lui ont donné une densité qu'elle était loin d'avoir dans le roman.
L'espace géographique est réduit : c'est dans Paris que tout se passe. Tout tourne autour de Maigret qui fait de cette morte une obsession personnelle.
Et on sent, derrière le visage crispé de ce Maigret taiseux, un Depardieu tout en retenue, tout enveloppé d'une étrange pudeur. Car ce que Maigret veut régler, ce n'est pas un banal fait d'hiver, mais une quête personnelle. C'est un drame intime qui est le moteur de son acharnement.
Alors que le fan de Simenon s'indignait qu'on ne respectait pas l'histoire, le film la recrée, l'amplifie, l'ancre dans une profondeur inédite. Profondeur qu'une reproduction servile du récit original n'aurait pu atteindre.
En fait, Leconte et Tonnerre nous ont fait un superbe cadeau : un Maigret plus vrai que celui du livre...