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Lanzarote sur Loire

Lanzarote sur Loire

Publié le 2 mars 2022 Mis à jour le 2 mars 2022 Culture
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Lanzarote sur Loire

 

Je suis du genre prévoyante. L’année précédente, j’avais bien réussi mes coups. A Noël, je lui avais offert le Taschen sur Hyéronimus Bosch et le 06 janvier le Taschen sur Ucello. J’avais appris lors de ce premier anniversaire qu’être née le jour de la célébration de l’épiphanie chrétienne vaccinait de toute approche galettienne, entre autres. J’avais alors bien compris que je ne devais sous aucun prétexte rater la décélébration de cette date.

Mais la deuxième année, bercée que j’avais été par un réveillon de Noël à ma façon, c’est-à-dire avec assez peu de perspective pour qu’il n’y ait pas un gramme de déception dans l’air, j’avais laissé passer son organisation. La veille, je la regardais dans les yeux et lui avouait : « je suis désolée chérie, je ne veux pas que tu te méprennes, je n’ai absolument rien prévu pour ton anniversaire...mais réellement, ne t’attends à rien, je n’ai rien... ». Je l’avais, hélas, sentie à moitié convaincue. Il aura fallu que nous allions au temple de la consommation pour le ravitaillement nécessaire hebdomadaire pour qu’elle comprenne dans mes quêtes visuelles désespérées d’un quelconque objet sacrificiel pour le rituel qu’effectivement, je n’avais rien prévu. C’est dans le rayon DVD qu’elle en eut la révélation...

« Et un DVD ? tu aimes les DVD non ? »

Dans son regard, des larmes sèches. Je l’ai donc prise dans mes bras pour danser au milieu du rayon sur la musique du temple, je ne me souviens pas du titre mais n’importe quel Hit des années 90 lui résonnerait sans faillir, et lui assénait le coup de grâce :

« Avoue que personne d’autre que moi ne peut te faire ce genre de cadeau d’anniversaire... ! »

Et la sécheresse de ses yeux se chargea enfin des miettes d’humidité de l’air ambiant d’un temple. Humidité nécessaire à la digestion de la révélation. Elle sourit. Elle accepta la fatalité. Je me sentais prise entre la bêtise médiocre de ma condition et le génie de l’adaptation en milieu hostile, comme si j’étais en train de réaliser une petite œuvre de transformation de l’un à l’autre à moi toute seule. Médiocres, nous le sommes tous. Nous avons une large gamme de choix pour nous en accommoder.

 

La médiocrité c’est l’air que nous respirons, sans elle, point de départ.

 

 Ainsi, j’aurais pu en rester là et m’en repaître. J’avais acquis une certaine maîtrise de l’exercice. Au point que j’avais senti qu’y compris dans la médiocrité la plus grise, il suffit parfois de peu pour. Dans la voiture qui revenait presque d’elle-même à la maison, chargée des produits nécessaires à l’équilibre alimentaire mental de n’importe qui en pareille situation, mais sans DVD, j’eus une illumination : Internet !!! Avec Internet, j’avais encore largement le temps !!!

 

 Ne rien lui dire. Fermer sa bouche. S’il te plait Alexia, tais-toi. Ta gueule, putain !!!...nan, mais sérieusement, excuse-moi mais s’il te plait...  Ferme là, on verra à la maison. Je n’ai jamais compris mon incapacité au secret.

 

Mais là, je faisais ce que je pensais être d’énormes efforts. Je me suis tout-à-coup souvenue du cadeau que nous avions fait à sa sœur et à son beau-frère pour la naissance de leur enfant. Lors du repas de réunion familiale, en plein cœur d’aout, je demandais audience au dit beau-frère, avec toute la discrétion dont je peux faire preuve, c’est-à-dire guère. Nous nous écartâmes tout de même de la table des convives à la faveur d’une cigarette. L’envie y étant ou non, je n’étais pas sûre d’avoir meilleure occasion.

« Alors voilà, on est en pleine saison, on n’a pas eu le temps de chercher un cadeau, etc. »

Quelques acquiescements plus loin...

« Du coup on s’est dit qu’on allait penser aux parents, si ça vous convient bien sûr... »

Acquiescement légèrement plus appuyé, probablement par la curiosité.

« En fait on voulait vous offrir une journée de soins ici, ils proposent une formule qui pourrait vous aller. Le seul hic, c’est qu’il faudrait que vous acceptiez de laisser la petite toute la journée aux parents, et... »

Acquiescement beaucoup plus prononcé avec questionnements.

« Si j’ai bien vu dans la formule, vous avez un repas, une heure de soins, et accès au spa, genre au hammam et autres trucs qu’ils ont ici... »

Il suffirait qu’il confirme avec sa femme. Ce qui fut fait dans les trente secondes suivant notre retour à la table des convives.

 

Et voilà. Internet résous le problème du temps.

 

Les images fusaient dans ma tête, je pourrais tout trouver sur Internet ! Et encore à temps ! Je n’aurais qu’à attendre le lendemain matin, le matin exact de son anniversaire pour chercher sans qu’elle s’en aperçoive. Et pour le coup, elle ne s’en douterait vraiment pas. J’étais en passe de réussir le hold-up parfait sans l’avoir fait exprès. De faire une imposture géniale. De celle qui ne fonctionne qu’avec la condition nécessaire, au sens philosophique du terme c’est-à-dire qui ne peut ni ne pas être ni être autrement, de la demi-conscience de ce que je faisais.

 

Les proportions conscience/inconscience peuvent varier d’une expérience à l’autre, mais c’est toujours en plein milieu que réside ce que d’autres appellent « le génie ». S’ils savaient, les pauvres...

 

Je me suis levée très tôt, je suis une chercheuse un poil bordélique, j’ai besoin d’étaler les propositions même et surtout si la solution est évidente. Depuis un an, nous ne parlions que de ça. Un voyage. Parce que c’est à peu près à l’exact opposé de ce que nous vivons huit mois de l’année, enfermées que nous sommes dans un charmant village du centre de la France. Nous avions déjà passé un certain nombre d’heures à cette recherche, sans avoir trouvé. Ce n’est pas que les offres manquaient, bien au contraire. Trop d’offres. Beaucoup trop pour deux presqu’individues qui ne savent pas choisir, encore moins ensemble. La Grèce, l’Egypte, Rhodes, etc ? C’est en pensant à elle que je me suis enfin résolue, au bout de deux heures. Je n’avais tout simplement pas les moyens de lui offrir le voyage en entier, alors j’ai simplement acheté deux billets d’avion. Pour nous obliger à partir. Pour que cette question du choix n’en soit plus une. La destination ? Du soleil et des plages en janvier pour une économie limitée ? Finalement la destination s’est imposée toute seule. Et voilà, je suis sur la page de confirmation de paiement pour deux billets aller/retour vers Lanzarote. Je suis dans un tel état que je ne sais pas trop ce que je fais. Entre léthargie et excitation, cet état du matin après la première clope dont je ne pourrais me passer. Cette recherche m’a permis de le faire durer au moins deux heures. Et hop, je clique sur confirmer. La magie s’effrite quand je me rends compte qu’il reste encore pas mal de questions auxquelles il faut que je réponde sans rien savoir. Est-ce que nous voyagerons côte à côte ? Est-ce que je veux assurer les vols contre l’annulation ? Plus jeune, j’aurais envoyé valser tout ça, fermer l’ordinateur et simplement laisser passer le temps en attendant l’occasion de me faire pardonner. Manque de spontanéité. Mais là, pas. J’ai répondu à toutes les questions, j’ai pris toutes les assurances multipliant le prix des billets par deux, et je suis enfin arrivé à la dernière page. Soulagée. Je n’avais plus qu’à imprimer les billets et à venir me coller à elle dans le lit encore chaud de la nuit d’hiver. Sa réaction était bien à la hauteur, évidement, elle ne s’attendait à rien. Alors une semaine à Lanzarote à côté de rien, c’est beaucoup. Je n’ai pas tempéré son enthousiasme tout de suite en lui disant que je n’avais pris que les billets d’avion. J’ai attendu que nous nous levions et qu’elle ait bu sa première boisson chaude. Et c’est là qu’elle ne m’a agréablement pas surprise.

« Je sais...on va pouvoir regarder les locations !!! »

Elle n’était pas déçue.

Elle n’est pas déçue...

 

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