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L'homme qui sauva l'humanité

L'homme qui sauva l'humanité

Publié le 3 sept. 2023 Mis à jour le 3 sept. 2023 Culture
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L'homme qui sauva l'humanité

Hermann Koening se réveilla en sueur, au milieu de la nuit. Il n’avait presque plus la force de tendre le bras vers le commutateur de la lampe de chevet tant le cancer s’était répandu partout dans son être, le rongeant des entrailles jusqu’à la peau. La mort rodait depuis deux jours et il n’en pouvait plus d’attendre. Cependant, ce n’était pas la douleur qui l’avait tiré du sommeil mais un cauchemar terrible. Il eût préféré que ses derniers instants fussent moins torturés mais comment lutter contre son inconscient ? Et voilà qu’à l’orée de la mort, à trois heures du matin, la figure réjouie de son grand-père Ebbe venait le hanter. « Beau travail, Hermann ! » lui disait-il amicalement. Pourquoi fallait-il que ce fût lui qui vienne le féliciter ? Pourquoi pas son propre père? Il réussit à se tourner avec grand peine pour attraper l’humidificateur en spray, qu’il actionna sur son visage. La fièvre brûlait son esprit et les métastases s’occupaient avec gourmandise de son corps. Hermann laissa retomber son bras tout en conservant bien serré dans la main le petit spray.

Ainsi allait-il disparaître cette nuit. Au petit matin, il en était maintenant convaincu, il ne resterait plus que son petit tas d’os et de chair flasque déjà emballés dans les draps de son lit devenu trop grand. Il s’était fait à l’idée depuis longtemps mais sa résistance et son optimisme l’avaient jusqu’à présent fait considérer la mort comme un événement lointain. « Tant que j’aurais la possibilité d’améliorer les choses sur Terre, je resterai en vie » se disait-il. Mais à cinquante-six ans, il lui fallait tout arrêter.

Hermann Koening avait espéré mourir doucement dans son sommeil, s’endormir une dernière fois et disparaître. Hélas, il lui faudrait voir la mort en face. L’angoisse l’étreignit. Il allait mourir mais il n’avait pas à rougir de son existence, de sa réussite et de sa contribution à l’évolution de l’humanité. Il ne regrettait rien.

Hermann avait grandi dans une ferme de Westphalie où son père, petit exploitant agricole, s’était décidé de faire vivre sa famille le plus sobrement du monde. La guerre avait marqué son esprit et sa foi s’était affermi dans un protestantisme rigoriste. Son grand-père Ebbe avait été instituteur et adhérent au programme nazi, forçant son fils à s’engager dans les jeunesses hitlériennes. Après la capitulation, grand-pa Ebbe avait repris ses fonctions d’instituteur et attendit paisiblement que la mort vienne le cueillir dans son jardin bien entretenu où il faisait pousser des roses et des orchidées, à 88 ans, au bout d’une vie plutôt confortable. C’était un amateur de boutures, de croisements divers et sa quête ultime était de produire la plus belle rose du monde. Un vœu bien innocent au regard de l’hitlérisme. L’Über Rose n’était qu’une gentille chimère de vieil homme cherchant une occupation à un long veuvage oisif.

Mais, le père d’Hermann n’avait jamais pardonné à Ebbe son engagement dans le troisième Reich et à l’âge adulte, il se tourna vers la religion et l’agriculture, comme si l’expiation du mal de la famille devait passer par une réconciliation de la Terre et du Ciel. C’est dans cet univers que grandit le jeune Hermann, auprès de son père et de sa mère, tous deux gens dévoués et d’une grande générosité ; très vite il se sentit investi d’une mission : il lui faudrait sauver l’humanité. C’était sa manière de laver la honte de ce passé trouble et comme réparer la dette de l’Allemagne envers le monde. Il ne doutait pas que des milliers de jeunes gens de sa génération travailleraient main dans la main dans cet objectif. Sa passion pour les sciences et son optimisme devaient changer le cours du monde.

Hermann avait grandi dans une campagne humide et modeste, il était fortement attaché à la terre et la subsistance de la société. Il connaissait le circuit agricole, le rythme des saisons et des semences, les jachères, le temps de la moisson et des récoltes, le rythme continu du travail aux champs. Il voyait les efforts concentrés de ses parents pour faire vivre l’exploitation. Il voyait aussi l’angoisse lorsque le temps était trop chaud, lorsque les intempéries inondaient tout, lorsque le vent couchait les blés tendres, il voyait la précarité de l’agriculture et le maigre rendement de la ferme. Contrairement à son père, il ne croyait pas que Dieu les punissait à chaque mauvaise récolte, pas plus qu’il ne les remerciait par une moisson abondante. Hermann était un pragmatique et son objectif était simple : trouver le moyen de nourrir la planète de manière sûre. Une fois que l’humanité n’aurait plus de problème de subsistance, tout le monde mangerait à sa faim et les pays les plus démunis eux-mêmes pourraient espérer un développement et une croissance au même titre que les pays occidentaux. On pourrait le trouver naïf, bien sûr, mais l’engagement était noble. C’est donc dans ce but qu’il entreprit des études d’agronomie. Ses parents l’encouragèrent dans cette voie, trouvant qu’un fils bien armé sur la question serait bien utile pour reprendre la ferme dans quelques années. Ainsi, il partit à Hanovre à dix-huit ans. Il découvrit le pouvoir bien connu des engrais, les différentes sortes de fertilisants, naturels et chimiques. Cependant, les engrais ne pouvaient pas régler tous les problèmes : cela permettait tout au plus de faire pousser les plantes de manière certaine car le sol et le sous-sol étaient bien préparés pour faire éclore les graines. Mais il y avait tous les parasites, les criocères, les taupins, les zabres ou les tipules. Sans parler des pucerons. Sans compter avec les étourneaux. L’engrais ne protégeait pas les plants. Très vite, il comprit que les pesticides étaient une obligation pour permettre une maximalisant du rendement de la parcelle agricole. C’était inéluctable.

En cours, un enseignant leur parla des dommages des pesticides sur l’environnement : le rendement agricole avait un prix, il polluait les sols, il polluait l’air, il pouvait intoxiquer un homme. La chimie pouvait à la fois sauver l’humanité et la tuer si elle n’était pas utilisée intelligemment. « C’est à vous d’être prudent et de faire les préconisations qui s’imposent. Nous avons besoin des pesticides pour produire de manière rentable nos céréales et nos fruits et nos légumes, mais nous devons avoir conscience que cette chimie est volatile, toxique et à terme, elle polluera notre propre sol. » Hermann se risqua à poser une question à ce moment-là : « Monsieur, si l’usage des pesticides est si dangereux, pourquoi les utiliser de manière massive ? N’a-t-on pas trouver de solution aujourd’hui ? » L’enseignant le regarda d’un air désabusé « Jeune homme, si vous trouvez la recette d’une plante qui peut pousser de manière sûre et certaine en repoussant les prédateurs, alors vous obtiendrez un prix Nobel. Pour le moment, nous n’avons d’autres choix que l’usage de la chimie sur nos sols. »

Hermann Koening ne pouvait pas se satisfaire d’une telle réponse. Immédiatement, son cerveau se mit à réfléchir à toute allure : il lui fallait trouver la recette ! Mais pour cela, il lui faudrait changer de domaine d’étude. Cela n’avait pas été simple à faire mais il réussit à s’inscrire l’année suivante en biologie génétique. A cette époque, ce n’était que les prémisses. Il lui fallut poursuivre longtemps son cursus pour atteindre le niveau requis pour imaginer sa fameuse recette. C’est durant cette période qu’il rencontra Justina, et qu’ensemble ils partagèrent le projet de sauver l’humanité. Il fallait qu’elle fût bien amoureuse de ce fougueux jeune homme pour l’accompagner dans ce projet fou. Cependant, sa force de caractère et son intelligence l’avait fascinée si bien qu’elle mit toutes ses compétences à son service.

Dans les années 90, les épisodes de sécheresse et d’inondations exceptionnels commencèrent à se multiplier sur la planète faisant osciller les prix des céréales et donc celui de la farine et du pain. La solution de la transgenèse des plants, déjà existante pour le soja et le maïs, devait s’appliquer au blé. Justina et Hermann développèrent plusieurs pistes, firent quelques publications sur le sujet et à la fin de leur doctorat furent recrutés directement par une groupe d’agro-industrie qui leur donna les moyens d’atteindre leurs objectifs. En trois ans, ils avaient réussi à créer un blé pouvant résister à pratiquement toutes les catastrophes. Son inconvénient était l’impossibilité de se dupliquer naturellement : les semences ne duraient qu’une récolte et il fallait donc sans cesse recourir à de nouvelles graines, moissons après moissons. Mais ce détail pourrait être corrigé plus tard.

Le groupe d’agro-industrie fit une large campagne de communication sur ce nouveau produit et toute la planète progressivement se mit à utiliser cette semence. Certes, cela avait un prix, mais quel rendement ! Même en Afrique, le blé pouvait pousser dans des zones de faible pluviométrie, en bordure de désert. Oh bien sûr, des irréductibles paysans et consommateurs critiquaient vertement le principe même de modifier des organismes vivants qui allaient être consommés ensuite. Ils déploraient le manque d’étude d’impact sur le corps humain de ces OGM. Hermann savait qu’il y avait un risque sur la flore intestinale des hommes, de se nourrir avec des produits transformés et des organismes modifiés artificiellement. Il savait aussi qu’il y avait une urgence à agir tant les pesticides avaient brûlé les sols et pollué l’air, générant des cancers chez les agriculteurs du monde entier. Or, avec ses plants transgéniques, il n’y avait plus besoin de chimie, ou presque, l’air serait à nouveau respirable et les agriculteurs retrouveraient un certain confort qu’ils n’auraient jamais dû perdre. Progressivement, Hermann et Justina travaillèrent sur l’amélioration des gènes des aliments pour garantir partout une même qualité nutritive. Leur lutte contre les pesticides se transforma en colère sourde lorsqu’ils devinrent parents de leur petite Lina. On ne parlait plus alors que des perturbateurs endocriniens présents dans les aliments transformés, dans certains produits domestiques, dans les vêtements mêmes, et qui rendaient malade un enfant sur cinq : on vit apparaître un nombre croissant d’autismes de toutes formes, d’intolérances alimentaires variées, de maladies auto-immunes insoupçonnées et de troubles du comportement particulièrement inquiétants. Un enfant sur cinq était condamné à vivre à moitié, luttant avec des régimes spécifiques, des sondes intrusives, des puces connectées, des électrodes, ou traitements médicaux plus ou moins lourds. La société avait eu du mal à mettre en place des écoles adaptées pour tout ce petit monde, on avait dû former à la pelle des éducateurs, des nutritionnistes, des psychologues, faire des tests et des dépistages préventifs à grande échelle, mais au final, le constat était sans appel : un enfant sur cinq naissait avec un handicap. Lina n’échappa pas à ce malheur et fut diagnostiquée autiste à deux ans. Elle ne parlerait jamais. Elle ne prendrait jamais ses parents dans ses petits bras. Elle ne les regarderait jamais dans les yeux.

Cela les accabla bien entendu mais ils comprenaient bien l’urgence de sauver l’humanité. A quoi servait de nourrir la planète si elle ne produisait que des infirmes à termes ? Si les industries continuaient à glisser des nanoparticules dans leurs produits, il y avait de grande chance pour qu’elles condamnent à plus ou moins court terme l’épanouissement de l’humanité. Hermann et Justina, et avec eux de nombreux chercheurs, protestèrent contre l’usage systématique des nanotechnologies. Au bout d’un long bras de fer politique, les groupes industriels acceptèrent de faire mentionner sur l’emballage de leurs produits les caractéristiques moléculaires utilisées, en gros, s’il y avait des nanoparticules manufacturées ou non. On s’aperçut très vite que tous les emballages en comportaient, ne serait-ce que dans le plastique de l’emballage. Cela n’empêcha pas les gens d’acheter les produits, plus ou moins résignés.

Apparemment, personne ne semblait prendre très au sérieux les épidémies, les tares des bébés, les maladies nouvelles qui venaient régulièrement pourtant faire la Une des journaux télévisés. Un scandale sanitaire chassait un scandale financier qui chassait un scandale politique. La population continuait donc, dans une indifférence appliquée, de consommer des produits toxiques, de faire des crédits pour acheter des produits toxiques et de voter pour des gens qui leur accorderaient le pouvoir d’acheter encore plus de produits toxiques. C’était le cercle vertueux de la démocratie occidentale et tout le monde s’en félicitait. Après tout, la société avait réussi à prendre en charge tous les problèmes, alors pourquoi fallait-il s’inquiéter ?

C’est dans cette période de doute que Justina contracta un cancer du sein. Elle venait de fêter ses quarante ans et mourut en trois mois. Elle ne s’était même pas battue. Lina dessinait des cercles verts et bleus dans un institut spécialisé de Hambourg. Hermann se sentait seul comme jamais et désespérait de parvenir à sauver quoi que ce soit. Sa belle Justina était morte et rien ne semblait le consoler. A quoi bon poursuivre ce chemin quand on voit l’échec de la vie elle-même, autour de soi ? Il sombra dans une mélancolie que personne ne pouvait empêcher. Ses parents priaient nuit et jour pour que Dieu lui vienne en aide mais en vain. Jusqu’au jour où, il vit Robocop à la télévision. Parfois, les idées les plus essentielles viennent d’intuitions insoupçonnées. Il comprit ce qui devait être l’avenir de l’homme. Le seul moyen de protéger l’espèce restait de transformer l’homme génétiquement, de l’améliorer comme il avait su le faire avec le blé. Un homme amélioré en somme. Ce n’était pas le transhumanisme délirant des puissants de la Silicon Valley, ces rêveurs égotistes qui cherchent l’immortalité avec le même enthousiasme et le même succès que Nicolas Flamel. Son idée allait révolutionner la biologie, il le savait. Mais ce n’était pas une mince affaire et il y avait urgence.

Il constitua autour de lui une équipe de chercheurs chevronnés. Les objectifs étaient simples : il fallait repérer quels étaient les gènes qui codent la digestion et programme la flore intestinale notamment. Une fois isolés, il faudrait trouver un moyen de les reprogrammer pour les rendre insensibles lorsqu’on digère du blé transformé, ou qu’on ingère tel type de perturbateur endocrinien. Si l’objectif était évident, les méthodes pour isoler les gènes, repérer les vitamines, les enzymes, les hormones qui sont concernées par le dérèglement, c’était beaucoup plus compliqué. Combien de génération de rats de laboratoire passèrent entre les mains d’Hermann et de son équipe ? Il n’y avait pas de décompte pour cela. Chaque année qui passait, on percevait la gravité de la situation sanitaire : autour d’eux, les troubles sévères du comportement se multipliaient. D’un enfant sur cinq ou six on était passé à un enfant sur trois. Bientôt, ce serait un enfant sur deux. Et tout ça à cause du mode de vie occidental ! Les lobbys industriels préféraient empoisonner le monde entier plutôt que de faire la moindre concession. Le progrès était devenu absurde et dangereux. Mais Hermann était programmé pour sauver les hommes, il ne pourrait pas mourir avant de les avoir délivrés du mal, il en était persuadé. Cette foi infaillible dans sa mission sur Terre dynamisait toute l’équipe jusqu’au jour où, enfin, l’expérience porta ses fruits.

Cela prit quinze ans pour obtenir un résultat probant sur le rat. Il y avait trois gènes qui programmaient la flore intestinale et à partir de là, la capacité des individus à résister aux bactéries diverses et variées. En les codant d’une certaine manière il était possible d’obtenir une flore intestinale solide qui annihilerait les produits toxiques, même chez le plus petit des nourrissons. En grandissant, les chances de contracter un cancer s’amenuisaient et sa résistance physique ne faisait aucun doute. Les rats modifiés paraissaient plus vigoureux que leurs congénères. Quant aux connexions neuronales, même s’il était difficile de poser un diagnostic clair sur le comportement des rats de laboratoire, on ne voyait pas de problèmes particuliers se développer.

Une fois cette découverte faite, la publication des résultats dans la presse scientifique eut une résonance internationale et on invita Hermann sur de nombreux plateaux télé pour qu’il en parle. Autour de lui, beaucoup de parents se plaignaient de leur progéniture, ne comprenaient pas pourquoi leur enfant était si excité ou avec des allergies abominables qui perturbaient sa bonne croissance. Des couples fortunés, bien élevés, devaient gérer des avortons, des demi-idiots, des souffreteux et des hypertoniques, au même titre que les familles pauvres et sans éducation. Ce n’était pas juste et les résultats de cette étude apportaient un peu d’espoir à ces parents et aux futurs parents – surtout ceux-là en vérité.

Mais il n’était pas évident de généraliser une modification génétique sur un embryon. Ce que le laboratoire était parvenu à faire sur des rats n’était absolument pas reproductible dans la réalité humaine à l’échelle de la planète. Il fallut réfléchir longuement aux procédés et aux bonnes conditions d’utilisation des traitements. C’est à ce moment-là, précisément, que le cancer commença à se déclarer chez Hermann. Curieusement, il comprit que cela signifiait que sa mission touchait à sa fin. Il allait bientôt trouver le moyen de faire évoluer les hommes. Il pourrait mourir ensuite. Ce n’est pourtant pas lui qui trouva le procédé mais un membre de son équipe. Plutôt que d’agir sur le fœtus, il fallait agir sur la mère : en injectant dans le sang de la parturiente un traitement chimique régulier, entre la troisième et la quatorzième semaine, quotidiennement, il était possible de générer la modification génétique naturellement. Enfin, il fallait la provoquer quand même.

Cette solution avait le mérite de satisfaire l’industrie pharmaceutique qui a pu produire en grand nombre ce traitement pour que toutes les mères l’acquièrent à vil prix très vite. Baptisé « GénoPlus », il se répandit partout, et aucune femme n’envisageait de grossesse sans ses doses de GénoPlus. En l’espace de cinq ans, ce traitement avait gagné le monde entier et les résultats sur les enfants se vérifièrent très vite : le nombre d’autistes chuta autour des 5 %, les enfants atteints d’allergie aussi, et le nombre de cas d’hyperactivité fut divisé en deux. Il y avait tout lieu de se réjouir.

Hermann reçut le prix Nobel de médecine, mais sa maladie l’empêcha de venir le récupérer en Suède. Très affaibli depuis les quatre dernières années, il s’était réfugié dans sa ferme de Westphalie. Lina n’avait pas beaucoup progressé en dessin. Jour après jour, elle avait tracé des cercles bleus et verts sur du papier recyclé grisâtre. Sans faire de crise. Calmement, appliquée, avec sa petite main d’adolescente effarée, elle faisait des ronds. Bientôt Hermann allait mourir et elle ne s’en rendrait pas compte. Elle ne verrait pas la différence. Elle continuerait à tracer des petits ronds bleus, sans savoir que son père avait sauvé l’humanité.

Hermann pensa à Lina pendant quelques instants et sourit. Cela lui permit de ne plus penser à grand’pa Ebbe et son sourire inquiétant.

Derrière les volets, la nuit pâlissait pour laisser croire à un jour nouveau. C’est donc à l’aube que mourut, fier de lui, Hermann Koening, l’homme qui avait sauvé l’humanité. Lorsqu’on l’apprendrait, nul doute que la presse en parlerait, que les journalistes du monde entier évoqueraient sa mémoire et son parcours en termes élogieux. Peut-être même un scénariste se saisirait de sa vie pour rédiger un biopic. Hermann ne s’en préoccupait plus maintenant.

Dans quelques années, cependant, les familles se rendraient compte que leurs chers enfants vigoureux et modifiés sont comme les blés transgéniques : absolument stériles. « Beau travail, Hermann ! »

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