Il était une fois... Halloween 1 : Jack O'Lantern
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Il était une fois... Halloween 1 : Jack O'Lantern
Journal d'Eléonore - Jeudi 31 octobre 2024
Ce matin, comme tous les matins lorsque mes fenêtres me dévoilent un décor nappé de brouillard, je pense à lui.
Un sourire étire mes commissures, puis l'impatience de le voir arriver le fait taire quand je souffle sur mon thé pour en dissiper les volutes parfumées. Et comme chaque matin, je regarde la pendule, compte à rebours et réalise qu’il dort probablement encore alors que son avion de ligne traverse les nuages pour me rejoindre tout à l'heure.
Mon ami du bout du monde, avec lequel nous nous retrouvons tous les ans, en cette période de l'année, pour mener à bien l'étrange mission que l'on nous a confiée.
Les effluves odorants d'orange et de cannelle me ramènent au soir où Gabriel et moi, au détour d’un vagabondage de plumes buissonnières, avions décidé de faire une longue promenade à travers la campagne irlandaise. L'air était frais, et les teintes dorées et pourpres de l'automne embellissaient chaque sentier qui bordait notre chemin. Alors que la fin d'après-midi s'effaçait pour laisser place à la nuit, une lumière étrange a attiré notre attention au détour d'un chemin buissonneux. Lentement, une figure mystérieuse se dévoila dans la pénombre. Une silhouette, grande et maigre, se dessinait vaguement à la flamme vacillante de la lanterne sculptée dans un navet qui éclairait partiellement ses traits émaciés. Son regard intense perçait la nuit d'une fantasmagorique lueur, un sourire énigmatique flottait sur son visage creusé. Il se dégageait de son étrange présence une aura à la fois fascinante et terrifiante, comme un écho du passé revenu hanter le présent.
Mon cœur s'est serré violemment, lorsque je reconnus Jack O' Lantern, le célèbre ivrogne légendaire, mais je ne pus m'empêcher de trébucher lorsque sa voix profonde et rocailleuse s'adressa à nous :
« Bonsoir, jeunes âmes égarées. Savez-vous ce que représente vraiment Halloween ? »
Nous avons secoué la tête, fascinés et, je dois bien l'admettre, légèrement terrifiés. Jack s'assit sur un rocher, tenant sa lanterne près de lui, et commença à raconter son histoire.
« Il y a bien longtemps, j'étais un homme comme les autres, mais mon penchant pour l'alcool et les mauvais tours m'ont valu le surnom de Jack l'ivrogne. Une nuit, alors que je me saoulais dans une taverne, j'ai rencontré le Diable en personne. Il venait réclamer mon âme. Malin comme j'étais, je l'ai piégé en lui proposant un dernier verre. Pour payer, j'ai convaincu le Diable de se transformer en pièce de monnaie. Une fois transformé, je l'ai placé dans ma poche à côté d'une croix en argent, l'empêchant de reprendre sa forme initiale. Pour être libéré, il dû promettre de ne pas réclamer mon âme pendant dix ans. Lorsqu’il revient au bout de cette décennie gagnée, je le fis grimper, par ruse dans un pommier et, alors qu'il était occupé, je gravis une croix sur l'écorce, le piégeant de nouveau et l'obligeant ainsi à jurer solennement de ne jamais prendre mon âme. Le Diable, piégé, accepta mais finit par se venger.»
Jack continua, sa voix se mêlant au crépitement du feu :
« À ma mort, ni le Ciel ni l'Enfer ne voulurent de moi. Le Diable, toujours furieux, m'a condamné à errer éternellement avec une lanterne faite d'un navet pour éclairer mon chemin dans l'obscurité. Depuis ce jour, je parcours la terre, veillant sur les âmes égarées et rappelant à tous le véritable sens de cette nuit sacrée. »
Ses yeux brûlaient d'un éclat surnaturel lorsqu'il ajouta :
« Halloween n'est pas seulement une fête pour s'amuser, c'est un moment pour se souvenir des ancêtres, pour mettre la terre en repos avant l'hiver. Les récoltes sont terminées, et c'est le temps de la réflexion et de la préparation. »
La voix de Jack semblait résonner dans la fraîcheur de l'automne, et un frisson m'a parcouru l'échine. Soudain, sans crier gare, Jack a esquissé un sourire inquiétant. Avant que Gabriel et moi ne puissions réagir, il a levé sa lanterne, et une lumière aveuglante nous a enveloppés. En un éclair, nous avons été aspirés par l'incandescence de la flamme maléfique, plongés dans un tourbillon d'ombres troubles et de lumières intenses.
Quand j'ai ouvert les yeux, je me suis retrouvée dans une clairière éclairée par des feux de joie. Gabriel, déjà sur pieds, me tendait des paumes réconfortantes. L'air était chargé des fragrances mếlées de bois brûlé et de terre humide, et la douce litanie des paysans qui s'affairaient tout près, résonnait dans l'atmosphère. Autour de nous, des silhouettes en costume anciens terminaient la dernière récolte de la saison, leurs rires se mêlant aux crépitements des flammes.
Gabriel et moi nous sommes regardés, peinant à réaliser que nous n'étions plus dans le présent, mais projetés dans une époque révolue, où les traditions ancestrales s'animaient sous nos yeux. La réalité et la légende s'étaient entremêlées, et nous faisions désormais partie de l'histoire.
Soudain, les visages des paysans se pétrifièrent, leurs yeux se vidant de toute expression. Un froid glacial envahit la clairière, et une ombre massive s'éleva derrière les feux de joie. Jack O' Lantern, toujours souriant, se tenait à l'orée de la lumière, ses yeux brillaient d'une malice terrifiante.
« Bienvenue dans votre nouvelle réalité », murmura-t-il, sa voix résonnant comme un écho sinistre.
La légende vous a réclamés.
Carnet de Gabriel - Jack O'Lantern
Le ciel était chargé d’irlandaises promesses
Que quelques feuilles d’or murmuraient dans le vent,
Éleonorę marchait, tout en délicatesse,
Ses cheveux noirs flottaient ; j’en faisais tout autant.
Elle était flamboyante en ce couchant d’octobre
Qu’illuminait encore quelques derniers rayons,
Mais tandis qu’on allait, en la nature sobre,
Deux yeux se sont ouvert au milieu de haillons.
Le corps frêle, émacié, sous un chapeau de paille,
Les vêtements usés d’être par trop portés,
L’homme nous souriait, quelques dents en batailles
Eclairées par un feu de braise, en un navet.
Nous avions devant nous la légende vivante !
Le sieur Jack O’Lantern, errant sur les chemins
Depuis des décennies, et pour bien des suivantes :
Condamné par le diable et puni de sa main.
En quelques mots choisis il nous conta l’histoire
Que la modernité occulte malgré lui :
Les dernières récoltes, les chants au répertoire,
Les feux, les traditions, les anciens qu’on chérit.
Absorbé par ses mots, nous n’avons vu venir
Ni sa lanterne en feu ni ses yeux rougeoyants.
Tout s’est mis à tourner, mêlant ses souvenirs,
Et nous avons plongé en un tout autre temps.
Halloween était gaie, joyeuse et rassemblait
Dans un semblable esprit les jeunes et les anciens :
La valeur des amis, la chaleur des foyers,
L’hommage aux disparus, l’entraide et le soutien.
Puis, au milieu des champs, les gens se sont tournés :
Nous étions parmi eux et chacun nous voyait.
Jack O’Lantern riait et s’est mis à chanter :
« Vivez cette légende, elle vous a réclamée ».
Notes
Illustration par un prompt IA Seelab, puis retravaillée sous Affinity.