Deux vieux-pères
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Deux vieux-pères
Deux vieux sages, un jour m'ont mis en garde :
- Tu te perds, tu fais n'importe quoi. Ecris gamin, continue, mais sois sincère sinon c'est nul.
Ils sont deux vieux pères. Ils sont vieux ! mais vieux ! Si vieux, que le nez de l'un semble tomber par terre ! Et l'autre ne parle plus qu'en citations ! Bon Dieu ! Il y en a bien un troisième, mais lui il dort. (C'est un ange malin qui oublie son prénom dès qu'il voit passer une belle paire de fesses, et le reste du temps il dort et ne voit rien : pour le réveiller il faut lui souffler directement sur le visage. Dans la narine par exemple). Mais les deux autres, quel oeil attentif.
Celui au grand nez de sorcière, il se glisse partout où personne ne l'attend. Et il apparaît devant toi en te faisant peur, juste pour rire. Il n'est pas méchant, ça l'amuse. Et il pense en secret, en rigolant à l'arrière de ses yeux : ça te servira plus tard arrête de faire la chochotte. Et comme le mot "chochotte" lui a plu, il le balance en pleine poire au prochain p'tit mec qu'il croise. Chochotte ! Le p'tit mec lui répondra ou il se vexera. Mais dans les deux cas, père long-nez, lui, il jouit. Dans les deux cas il a gagné ! Mais lui il s'en fout de gagner. Il méprise les gagnants, même. Les gagnants c'est tout lisse, c'est tout brillant, mais pas trop brillant non plus : beurk. Il n'aime pas c'est tiède et mou. Donc eux, il les taquine un peu, lorsqu'il s'ennuie. Mais c'est moins drôle car les gagnants prennent ça très au sérieux. Faut pas leur froisser la chemise, vous comprenez... les gagnants, quand on leur prend leur jouet, ils n'essayent pas de le reprendre. Vieux-père long-nez lui, il te perce ton ballon, et il rit. Il rit beaucoup ! Mais ensuite il en sort un meilleur de derrière son dos, et il te le donne. Il est comme ça. Puis il s'en va. Il s'en va faire des choses normales que tout le monde fait. C'est aussi pour ça qu'il est sage. Il passe l'air de rien et tu ne le remarques pas. Même son nez passe inaperçu grâce à une savante technique de camouflage : il retrousse le bout de son nez, et en gonflant ses pommettes, il peut aisément cacher les trois premiers centimètres de sa base. Certes, la contrepartie c'est qu'il devient moche. Mais il s'en fiche complètement.
En matière de plasticité du visage vous ne pouvez pas faire mieux d'ailleurs que le deuxième sage vieux-père. Chacune de ses citations (donc, en réalité, chaque mot qu'il prononce) est accompagnée de simagrées bizarres qui donnent beaucoup de relief à son visage d'habitude assez plat. Même, à force de jouer des expressions toujours plus incongrues, son visage s'est creusé de rides étranges qui, pour sûr, au microscope doivent avoir beaucoup en commun avec les gorges du Tarn. Il parle au hasard mais toujours à propos. Il pioche dans sa mémoire tel proverbe africain, telle longue phrase incompréhensible. Tantôt il suscite la curiosité, tantôt il endort. Il cultive le doute chez son interlocuteur en passant du coq à l'âne, l'air de rien, et il devient tantôt ceci, tantôt cela, il glisse entre les doigts comme du sable. Tantôt il semble pouvoir trancher une jugulaire de sang froid. Tantôt le monde semble lui avoir déchiré le coeur. De temps en temps, il lève la main, fait une grimace, et voilà qu'un de ses amis se pointe. Il les fait littéralement sortir de terre.
Mon Dieu, que ces vieux sages sont vieux, vieux ! très vieux, des vieux-pères... très vieux...