Chapitre 40
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Chapitre 40
Chapitre 40
Florence, 23/12/21
J’ai eu la chance de pouvoir prendre quelques clichés des traces blanches observées dans le ciel étoilé. C’était très furtif. A l’œil nu, je n’ai quasiment rien distingué, mais en jetant un coup d’œil aux photos, j’ai découvert de façon très nette des lumières roses dans l’étendue céleste. Je suis ravie que Christiane soit venue me chercher, même si je suis frigorifiée. Je la remercie chaleureusement et m’apprête à rentrer dans mon chalet, mais elle m’invite à venir boire une tisane pour me réchauffer. Valentine et Sylvie sont rentrées bien avant nous, vite lassées d’observer un ciel où il ne se passait rien. Comme notre guide nous l’avait expliqué, on se fait souvent une fausse idée des aurores boréales parce que nous avons tous en tête les magnifiques photographies qui circulent sur internet ou qui illustrent les livres sur la Laponie. C’est trompeur. Même si celle d’aujourd’hui n’était pas exceptionnelle, je suis quand même ravie d’avoir quelque chose à montrer à Valentine. Au moins sur l’appareil-photo, elle pourra la voir alors que, dans le ciel, elle n’aurait rien pu distinguer, elle encore moins que les autres enfants. Christiane m’informe que les filles dorment paisiblement.
- J’avais quelque chose à me faire pardonner, ajoute-t-elle en me versant une tasse de thé.
- Excusez-moi ! J’ai été dure avec vous. Je n’aurais pas dû réagir ainsi dans la maison du Père Noël.
- Ne vous excusez pas. Je sais ce que ça fait de perdre un enfant. Valentine m’a tout raconté.
Cette fois-ci, je ne retiens pas ma douleur à l’intérieur de mon corps. Je la laisse s’écouler par mes yeux. J’ai juste envie de me laisser aller, soutenue par Christiane. Elle n’est pas Mathilde, mais malgré tout, sa présence et ses mots me font du bien.
- Je suis bien placée pour savoir quelle détresse nous envahit quand notre enfant s’envole. Le mien n’a pas vécu. Je n’ai pas partagé beaucoup de moments avec lui puisque ma grossesse s’est arrêtée au bout de trente-et-une semaine, mais malgré tout, pour moi, il a existé et mon petit Titouan occupera toujours une place dans mon cœur. Quand je pense à vous qui avez vécu plusieurs années avec votre fille, j’imagine que la douleur est encore plus intense.
- Je ne sais pas si on peut mesurer l’intensité de la douleur au nombre de semaines de grossesse ou d’années d’existence de nos enfants. Comme tu le dis, si je peux te tutoyer, dans ton cœur, comme dans le mien, il y a une place pour nos enfants. Dans chacune de nos veines, leur absence se fait sentir.
- Oui, bien évidemment, on peut se tutoyer. Le temps n’efface pas la peine, mais il l’adoucit. Je te trouve très courageuse d’avoir entrepris ce voyage. De là-haut, ta petite étoile doit être très fière de toi.
Une boule dans ma gorge m’empêche de poursuivre cette conversation. La tasse réchauffe mes mains tandis que Christiane m’encourage à pleurer et à exprimer toute ma peine. Au moment de partir, je la remercie du fonds du cœur et elle me serre dans ses bras. Par rapport à tout à l’heure, je me sens libérée d’un poids.
- Bonne nuit ! A demain et merci.
- Je t’en prie. Bonne nuit à toi aussi.
Dans mon chalet, je repasse en boucle les photos du ciel. J’ai un petit sourire en imaginant la réaction de Valentine demain matin quand elle les découvrira. Je m’endors en rêvant d’aurores boréales vertes et de ma petite Clara au milieu d’elles en train d’agiter un ruban de soie.
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