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Chapitre 24

Chapitre 24

Publié le 8 juin 2022 Mis à jour le 24 juin 2022 Culture
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Chapitre 24

Chapitre 24

Florence, 9 octobre

Un bon mois s’est écoulé depuis la rentrée scolaire. Aujourd’hui, c’est moi qui conduis la camionnette du marché. Thomas a estimé que j’étais désormais prête à faire mon premier samedi de ventes toute seule. Je suis prudente sur la route car il a plu hier et je sais que les feuilles mortes et la brume peuvent devenir un cocktail très dangereux surtout sur l’itinéraire sinueux qui mène au marché de Gérouville. A cette heure matinale, peu de véhicules circulent, mais je pourrais rencontrer des animaux sauvages. Je roule donc doucement et me force à rester concentrée. Malgré tout, mon esprit s’évade malgré moi. Cette semaine, j’ai rencontré la maîtresse de Clara. Je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer quand elle m’a parlé de l’exposé sur les rennes. La pauvre dame ! Je lui ai expliqué que Clara allait bientôt nous quitter et que j’allais réaliser son rêve en l’emmenant en Laponie. Je lui ai aussi parlé de la gentillesse de Cézanne et Bérengère en insistant sur le fait que sans eux, je n’aurais pas pu faire ce voyage à temps. Je m’en veux de lui avoir déballé tout cela de cette manière, mais je suis à cran. Dès que je me projette dans l’avenir, je craque. Comme Mathilde me l’enseigne, j’essaie de voir le côté positif, j’essaie de penser aux bons moments que nous allons passer ensemble, mais automatiquement, je pense aussi à l’après et au fait que je ne sais pas combien de temps encore nous pourrons imprimer des souvenirs communs. Parfois même, j’angoisse à l’idée de ne pas avoir suffisamment de temps pour arriver jusqu’à Noël. Je me focalise sans doute trop sur son état de santé, mais je la trouve fatiguée, pâle et moins enjouée aussi. Aurait-elle remarqué la tristesse dans mes yeux, malgré mes tentatives pour la masquer ? Je fais beaucoup d’efforts pour rester zen et enthousiaste. Mathilde me masse tous les jours et dénoue mes crispations. Elle m’initie à la méditation, mais à chaque fois que je pense à Clara, le stress m’envahit. J’ai l’impression d’effectuer une course de vitesse contre le temps.

J’arrive sans encombre sur la place du marché. Il n’est pas encore sept heures, mais pratiquement tous les commerçants sont déjà installés. Les plus matinaux sont les primeurs. Entre le montage de leur barnum et l’installation des caisses de fruits et légumes, ils n’ont pas le temps de chômer. Contrairement à eux, je n’ai pas grand-chose à déballer. Je les salue rapidement et m’empresse d’aller brancher mon camion réfrigéré sur le courant via la borne que la mairie met à disposition des ambulants. J’ouvre le hayon sur le côté latéral de la camionnette, dévoilant ainsi ma vitrine qui est encore vide pour l’instant, pour éviter la casse pendant le transport. Je commence par sortir les caisses de fruits et légumes de Bérengère qui sont entreposées dans l’allée centrale pour les déposer au pied des clients. Je range les pots de miel de Mathilde sur le comptoir tandis que les produits frais comme les fromages et les yaourts de Thomas, et les préparations à base d’escargots de Cézanne trouvent place à l’intérieur de la vitrine réfrigérée.

Avant que je ne prenne la route, Thomas est venu m’aider à charger le camion. Il a insisté pour que j’emporte l’affiche des boites de Noël pour les plus démunis. Même si c’est encore un peu tôt dans la saison pour y penser, j’ai accepté, afin que les clients puissent déjà y penser. Je la mets bien en évidence. Je n’ai plus qu’à déverrouiller ma caisse et allumer ma balance électronique. Et j’allais oublier : quelques plateaux d’œufs de Théo à portée de main. Me voilà prête. Un peu de gel hydroalcoolique sur les mains et le premier client me tend déjà sa boîte d’œufs pour que je la remplisse.

  • Bonjour Monsieur ANDRE.
  • Bonjour ma p’tite dame. Le chef n’est pas là aujourd’hui ?
  • Il me laisse gérer comme une grande.

Les commandes s’enchainent. Le temps défile à une vitesse folle. Il est onze heures quand je regarde l’heure pour la première fois. Je n’ai même pas eu le temps de boire un peu d’eau. Mon voisin de marché, celui qui est juste en face de moi profite de ce moment de répit pour faire un brin de causette.

  • Vous avez bien vendu ce matin.
  • Oui, comme je suis toute seule, ça prend un peu plus de temps que d’habitude à servir les clients. Je ne suis pas certaine que la recette du jour sera meilleure, mais c’est sûr que je n’ai pas le temps de m’ennuyer.
  • Faut dire qu’avec tout ce que vous vendez ! Enfin, avec le choix qu’vous avez, c’est sûr qu’vous avez beaucoup de clients. Moi, c’est pas pareil. Heureusement que je ne suis pas souvent ici et que je change régulièrement de région sinon je finirais par ne plus rien vendre. Les nappes, on n’les change pas tous les jours. C’est pas comme vos produits frais.
  • Vous voyagez toute l’année alors ?
  • Oui, exactement ! Et c’est pas pour me déplaire. Ça m’fait voir du monde.

Une cliente vient d’arriver devant mon stand. C’est la maîtresse d’école de Clara. Mes joues s’empourprent en repensant à ma crise de larmes d’il y a quelques jours.

  • Bonjour, me dit-elle avec un grand sourire jovial.
  • Oh bonjour. Je voulais m’excuser…

Elle ne me laisse pas finir ma phrase.

  • Ne dites rien. Ne vous excusez pas. Pendant que vous étiez en train de discuter avec votre voisin, j’en ai profité pour regarder attentivement votre affiche pour les boites de Noël et une idée m’est venue à l’esprit. Je pourrais proposer cette initiative solidaire aux élèves de ma classe. J’aime beaucoup les sensibiliser à ce genre d’opération envers les plus démunis, surtout avant les fêtes de Noël. Tout le monde n’a pas la chance de fêter Noël dans l’effusion et je trouve que c’est bien que les enfants en prennent conscience.
  • C’est chouette, oui.
  • J’anime une page sur les réseaux sociaux suivie par près de cinquante mille personnes sur la pédagogie positive. Je pourrais certainement faire une publication pour inciter des collègues et des parents qui me suivent à rejoindre le mouvement.

Je suis émue. Je ne sais pas trop comment la remercier et lui montrer ma gratitude, mais déjà, les larmes réapparaissent. Je suis fâchée contre moi. Je ne vais pas encore pleurer devant elle. Eh bien si. Pas moyen de faire autrement. Je suis à fleur de peau. Mes larmes coulent pour un rien : parfois de rage, d’autres fois de tristesse, mais aussi de joie, comme maintenant. J’effectue quelques clignements de paupières et essaie de retrouver une attitude détachée, mais pas trop.

  • C’est vraiment très gentil de votre part. Ca me touche.
  • Les parents sont en général très réceptifs à tout ce que je propose.

Je me dis que j’aurai tôt fait de rembourser Bérengère et Cézanne si de nombreuses écoles adhèrent au projet. Cette pensée me réchauffe le cœur, car je n’aime pas me sentir redevable envers qui que ce soit. Ça me conforte aussi dans l’idée que Clara est tombée dans une bonne école et que cette institutrice est vraiment formidable et pleine d’humanité.

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