63. La Légende de Nil. Jean-Marc Ferry. Livre III, Le Royaume de Chembê, Chapitre premier, 2
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63. La Légende de Nil. Jean-Marc Ferry. Livre III, Le Royaume de Chembê, Chapitre premier, 2
Ferghan prit contact avec les deux hommes d’équipage de son astronef, pour leur transmettre le signalement du suspect, leur demandant de l’aviser dès qu’ils l’auraient repéré. L’astronef est équipé d’appareils de détection. Ceux-ci étaient, à l’origine, destinés à permettre d’établir une cartographie précise de la planète. Maintenant, cet équipement sert aussi bien à guider aéroglisseurs et navires qu’à surveiller les mouvements de troupe et pister tout être vivant, homme ou animal, quelque peu volumineux. Une fois l’objet ciblé, les appareils peuvent en grossir cinquante-mille fois l’image. C’est ainsi que les équipiers de Ferghan eurent tôt fait de lui indiquer le suspect : près d’un hangar à bateaux, à l’Ouest du cap avancé, où se termine le « Bunker » de Santem. L’homme correspond effectivement au signalement donné. Ferghan l’interpella, sitôt qu’il s’en fût approché à quelque trente pas :
— S’il te plait, regarde-moi et souviens toi bien de mon visage ! Je suis Ferghan des Seltenjœth, fils de Rus Nasrul, le Grand. J’ai mission de prévenir tout complot ou maléfice visant Santem, sa famille et ses invités. Si ton intention est hostile à leur égard, oseras-tu défier mon père ou moi-même en combat singulier ? Que tu perdes ou gagnes, on verra alors en toi un brave. Mais si tu songes à assassiner par traitrise, tu mourras en lâche. En attendant, tends-moi tes mains, les paumes tournées vers le ciel ! Il me faut voir quel homme tu es.
En prononçant ces paroles, Ferghan marchait droit vers l’homme qui recula jusqu’à ce que son dos rencontre une cloison du hangar. Le jeune homme le fixait de ses yeux d’argent, comme pour lui imposer sa volonté par suggestion.
— Je te demande juste de tendre tes mains devant toi, les paumes tournées vers le ciel. Rien d’autre.
L’homme finit par obtempérer sans comprendre. Doucement, Ferghan avança alors ses mains, les paumes tournées vers le sol, et il les posa sur celles de l’homme. Elles étaient moites, et il put en observer la forme et les lignes. « Qui a dit que l’on ne doit pas juger d’après l’apparence ? Ce n’est sûrement pas une maxime de survie ! ». De fait, le contact des mains de cet homme ainsi que leur première observation suffirent à Ferghan pour le persuader qu’il a, face à lui, un criminel. Le jeune homme saisit les doigts de l’homme dans les siens, repliés au niveau de la deuxième jointure. Une particularité qu’il partage avec son père est une vigueur prodigieuse dans les mains. Ferghan peut se tenir sur trois doigts, le corps à l’équerre. Des années durant, il a pratiqué l’alpinisme dans les monts des Seltenjœth. Il n’utilisait ni cordes ni piolets : ses doigts s’accrochent à la roche avec la force de serrage d’une tenaille mécanique. C’est ce dont le suspect dut faire l’expérience : en dépit de ses efforts, il ne parvenait pas à desserrer l’étreinte. Le jeune homme ne se donnait aucune peine pour tenir son vis-à-vis à bouts de doigts. Inutile aussi de tenter quelque coup de tête ou de pied : Ferghan aurait tout le temps de voir venir. La prise est imparable.
— Nous allons t’emmener pour t’interroger. Il est tout à fait inutile de tenter de t’échapper, tu te fatiguerais pour rien.
Sans trop comprendre, l’homme finit par s’incliner devant l’évidence : il est bel et bien « menotté ». Impossible de se dégager. Le plus difficile fut, pour Rus Ferghan, de saisir son téléphone portable, pour appeler ses coéquipiers. Il y parvint finalement et, plaquant l’oreille contre l’appareil appliqué sur son épaule droite :
— J’ai quelqu’un pour vous. Je le conduis vers les collines, dans votre direction. Vous n’aurez qu’à prendre livraison.
Ferghan put, sans susciter l’émoi, traverser la fête avec son prisonnier. Ce dernier ne souhaitait pas attirer l’attention. Parvenu en contrebas des collines, deux hommes attendaient. Ils s’emparèrent du suspect, mais manquèrent de vigilance, car, dès que celui-ci fut libéré de l’étau emprisonnant ses doigts, il sortit de sous sa toge une sorte de dague à lame fine comme celle d’un fleuret, mais plus courte et beaucoup plus rigide. Rageur, il en frappa Ferghan dans le dos, à hauteur de la clavicule. La lame s’enfonça profondément jusqu’à ressortir par devant. Les équipiers de Ferghan allaient réagir avec brutalité, mais le jeune homme les stoppa.
— Ce n’est pas grand-chose. Ne vous occupez pas de moi. L’essentiel est de le mener là où vous savez.
Mais à peine une heure plus tard, Ferghan ressentait une brûlure presque intolérable dans la région de son corps, située entre le sternum et l’omoplate. La fièvre se mit à monter et sa tête, à tourner. Il perdait l’équilibre et il dut s’asseoir sur un banc, affalé contre une table, les bras croisés, la tête dans les bras. Son corps fut saisi de tressaillements. Il sentit alors une main se poser sur sa nuque :
— Puis-je vous aider ?
Ferghan articulait des mots à peine audibles. Il était pris de sueurs froides, de la salive s’écoulait de sa bouche. Deux hommes se tenaient près de lui, ceux-là même qui s’étaient approchés de la table de Gurlien et Parm. Un attroupement se formait, et les « clients » prirent la décision :
— Il n’est pas bien. Nous allons le porter chez Gurlien. Il connaît le jeune homme, il s’occupera de lui. Il sera bien soigné.
Ferghan était près de défaillir. Sur le chemin, il fut pris de vomissements, avec une sensation d’étouffement. Lorsque Gurlien le reçut chez lui, il fit apprêter une chambre dotée d’un bon lit et du nécessaire de toilette, appela d’urgence un ami, docteur en médecine, qui diagnostiqua une envenimation sans doute due à une morsure de serpent. Les deux « clients », présents au chevet de Ferghan, s’empressèrent de rendre le service attendu, en allant chercher les remèdes prescrits. Ferghan dormit douze heures d’affilée. À son réveil, il trouva Parm assise au pied du lit.
— Que vous est-il arrivé ? C’est une drôle d’idée d’aller jouer avec les serpents !
Le jeune homme dut lui expliquer qu’en fait de serpent il s’agit d’une dague empoisonnée. La lame en était si fine, que l’entaille était à peine visible. D’où la méprise du médecin. Parm se montrait plus qu’impressionnée, presque terrorisée. Ferghan voulut la rassurer :
— Ne craignez rien ! L’homme est mis hors d’état de nuire. Il est à présent sous bonne garde.
— Ce n’est pas pour moi, Ferghan, que je m’inquiète. C’est pour toi. Ici, tu seras bien. Gurlien sera de retour dans deux jours. Je pense que d’ici là tu seras rétabli. C’est ce que dit le médecin.
— Je serai parti avant. Je dois prendre congé dès à présent. Pouvez-vous bien saluer et remercier votre mari pour moi ?
— Gurlien ? Je ne suis pas son épouse. Plutôt sa compagne, disons. Mais tu peux me dire « tu ».
Un silence, un peu tendu, s’établit entre eux. Ferghan ne sut que balbutier :
— Ah ! Je croyais… il t’avait présentée…
— Comme son épouse… C’est une sorte de courtoisie de sa part. Mais je ne suis pas sa femme, et ne le serai pas. Il le sait. Je le taquine souvent, en lui disant : « Tu n’es pas beau, mais je te trouve mignon ». C’est vrai… Enfin, c’était… Toi, tu es beau et mignon.
Elle le regarda avec les yeux très particuliers des femmes traversées de petites passions. Ferghan en fut saisi : « Elle est incroyablement belle » ; et elle lut aussitôt cette pensée qui fut pour elle comme une autorisation.
— Montre-moi ta blessure !
Il se tourna pour lui présenter l’épaule meurtrie. Le tour de la plaie est violet foncé. Parm posa la main sur la poitrine du jeune homme, très doucement, pour le rétablir bien à plat sur le dos. Elle descendit le drap, tout en caressant le buste de Ferghan, puis son ventre. Il ne put retenir son sexe de se tendre sous le regard de la jeune femme ; et plus elle le fixait, plus l’érection se faisait impérieuse… jusqu’à ce qu’elle vînt s’asseoir sur lui, tandis qu’elle ôtait sa toge pour s’offrir à son amant.