La petite fille aux allumettes et le Vendeur de bougies (Partie 1)
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La petite fille aux allumettes et le Vendeur de bougies (Partie 1)
La petite filles aux allumettes et le Vendeur de bougies
Inspiré du conte « La petite fille aux allumettes » d’Hans Christian Andersen
Partie I : Dans le froid de la Cobaltique
Il faisait froid, effroyablement froid, ce jour-là, en Cobaltique. Il neigeait depuis tôt le matin et le ciel ne cessait de s’assombrir. La nuit approchait. En cet hiver, il ne faisait pas bon sortir de chez soi. La plèbe, pourtant, n’avait pas vraiment d’autres choix. Il fallait bien travailler pour gagner son pain. Il fallait bien braver le gel pour réchauffer son intérieur de quelques bûches. Il fallait bien souffrir pour survivre.
Cette dure et cruelle réalité, cependant, n’était effective que pour le bas peuple, la main d’œuvre. Réfugiés dans leurs châteaux ou autres manoirs, les nobles et les riches restaient bien à l’abri des fardeaux de l’hiver. Entre leurs murs de pierre, réchauffés par les feux de cheminée dont les combustibles avaient été ramassés par leurs larbins et esclaves, ils festoyaient et mangeaient en bonne compagnie, leurs amis aussi favorisés qu’eux par la naissance ou le succès. Ils étaient en bonne santé. Ils étaient au chaud. Ils étaient puissants. Qu'Ils étaient loin d’imaginer la pénible vie quotidienne de ces hommes et de ces femmes qui partageaient leur pays et leur époque !
Parmi ces petites gens, dans un petit village sous la tutelle d’un seigneur qui ne s’en rappelait l’existence qu’au jour de collecter les taxes, vivait une fillette. Elle n’avait jamais été éduquée, ce qui n’était pas étonnant à cette époque où les prieurés étaient encore rares. D’aussi loin qu’elle s’en souvenait, elle avait toujours vécu avec son père et sa vieille grand-mère. Si cette dernière était la seule personne à lui avoir apporté un peu de bonheur en ce monde, son paternel, lui, n’avait eu de cesse de lui faire prendre conscience de leur condition pitoyable. Il la battait, l’exploitait au travail et la punissait pour tout et, surtout, pour rien. Son petit corps déjà frêle était couvert de bleus et de plaies. Elle était maigre, car son père ne lui donnait jamais que les restes. Bref, la petite n’était qu’un exemple de la banalité de l’époque.
Quelques mois plus tôt, sa piètre existence s'était encore trouvée plus triste. La maladie, cruelle conséquence de leur hygiène de vie, avait emporté sa grand-mère. C’est à ce moment que la petite fille comprit que son père avait bien un cœur caché sous ses airs de tortionnaire. Car la perte de la vieille dame suscita en lui un acharnement encore plus conséquent sur sa progéniture, comme un moyen de se débarrasser de tous ces sentiments désagréables qui le tenaillaient désormais. Si la petite n’avait pas encore vu l’Enfer jusqu’alors, c’était désormais chose faite.
Les punitions et les violences faisaient plus que jamais partie de son quotidien. Elle passait de travaux en travaux, sans s’arrêter, du matin au soir, pour ramener à la maison quelques sous ou une maigre pitance. Et une fois le seuil de leur porte brinquebalante passé, elle était cognée par l’homme. Jamais un merci, jamais de félicitations. Des coups, toujours des coups.
Aujourd’hui, la petite fille traversait les rues du village en priant les passants de lui acheter une allumette. C’était la nouvelle idée de son tortionnaire. Il était persuadé qu’elle parviendrait à se faire quelques pièces qu’il pourrait ainsi dépenser une fois qu’elle se serait endormie sous la fatigue et la douleur. Mais hélas, il s’était trompé. Du matin au soir, creusant presque un chemin dans la neige par son trajet répétitif, pieds nus et engourdie, elle ne vendit pas une seule petite allumette.
Comme la nuit approchait à grands pas, la petite commençait à être de plus en plus effrayée. Que dirait-il si elle revenait bredouille ? De rage serait-il capable de la tuer ? La laisserait-il seulement rentrer sous leur toit délabré ? Par ce froid, elle se voyait mal survivre à une nuit au dehors. Déjà, elle sentait ses membres transis comme jamais, et son nez coulait sans cesse. Par moments, elle avait si froid dans ses vêtements sales et troués qu’elle grelottait à ne pouvoir rien faire d’autre. Puis elle se remettait en marche, réclamant la pitié des passants. Mais ceux-ci n’avaient que faire d’elle et avaient bien d’autres soucis en tête…
Finalement, exténuée par sa journée, elle tomba de fatigue au sol. Elle se releva péniblement et se traina jusqu’au mur d’un taudis contre lequel elle s’assit. Malgré les nuages qui n’avaient de cesse de couvrir la Cobaltique de leur pellicule blanche comme les os, elle pouvait voir la lune qui commençait à monter dans le ciel pour l’illuminer. Elle repensa à ce qui l’attendait, angoissée à l’idée d’être confrontée à son père après cet échec.
Transie de froid, frissonnant et grelotant, elle sentait des larmes glacées couler sur ses joues. De ses petites menottes tremblotantes, elle prit la boite d’allumettes qu’elle n’avait eu de cesse de présenter aux villageois. Peut-être… peut-être pouvait-elle s’en servir pour se réchauffer, rien qu’un peu ? Son père ne verrait peut-être même pas l’absence d’une allumette… Après moult hésitations, elle se décida à la frotter.
Elle dut s’y prendre à trois fois, mais quelle merveille apparut enfin ! Une petite flamme, fantastique, ensorcelante, radieuse ! Cependant, le plus extraordinaire était encore le grand feu de bois qui était apparu presque en même temps devant elle. Aussi ardent qu’un bûcher, il emplit les alentours d’une chaleur agréable et salvatrice, faisant fondre la neige à proximité.
N’en croyant pas ses mirettes, la petite fille se releva et, dans un mouvement malheureux, éteignit sa précieuse allumette. Aussitôt, la fournaise disparut. Il ne restait de son existence que les traces de la neige fondue. Croyant comprendre ce qui venait d’arriver, la jeune fille fixa son allumette en respirant très fort. Puis elle en attrapa une nouvelle dans son paquet.