6-N'oublie pas ton râteau !
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 28 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
6-N'oublie pas ton râteau !
Ben non, je vais pas l'oublier. Ou c'est plutôt lui qui va pas m'oublier.
3° râteau en quatre ans. Et celui là, il est beau. J'avais déjà entendu des excuses de la part de mecs qui veulent pas te froisser, pas te faire de la peine, être poli ou pas trop maladroit :
T'es pas trop mon type en fait / tu sais j'aime ma femme / je traverse une mauvaise passe/ et ta copine elle est pas intéressée ?
Là, on est passé dans la cour des grands. Un mec qui, à 43 ans, te dit droit dans les yeux après 6 mois de drague intensive, décolletés, allusions, jeux de mots, cadeaux, sms, qu'il n'a pas remarqué que tu le draguais, alors là je dis chapeau ! Palme d'or d'interprétation ! Il s'est tellement mis des barrières pour vivre un couple parfait, pour suivre le modèle parental, pour être un mari parfait, un bon père, un bon fils, qu'il n'est même pas capable de voir quand une fille le drague. D'ailleurs il m'a confié que ça ne lui était jamais arrivé de se faire draguer, en tout cas il ne s'en était jamais rendu compte. Même bourré avec ses potes, il n'y voit rien. Barrière hyper-cosmique activée !
Il confessera que c'est quand même un peu beaucoup, un peu chelou. Il s'en excuse. Et qu'il pourrait même aller consulter. J'abonde dans son sens. On peut respecter les règles parce que ça nous rend heureux, mais pas forcément pour coller à des schémas hérités et pour lesquels il faut se mettre quatre couches de lunettes. Donc tous mes plans de drague seraient réellement tombés à l'eau, et quand je faisais ceci ou écrivais cela, lui de croire au hasard, à la femme de ménage, au bon copinage. "Quand tu dis à une femme qu'elle est charmante, bien coiffée et qu'elle sent bon, tu comprends que ça peut ressembler un peu à de la drague ?" "Ah bon, je le dis souvent, ben faut que je fasse attention à qui je le dis alors".
Voilà. L'innocence et la gentillesse incarnées.
De là à penser que tous mes assauts ont été vains, ce serait un peu gros. Inconsciemment du moins, il a compris des choses, senti des allusions, répondu à demi mot. J’en mettrai ma main à couper.
J'ai dit que je le croyais, je l'ai écouté avec compassion. Sinon ça sert à rien d'écouter. Mais je suis légèrement dubitative. Il m'a pas dit "non car j'aime ma femme", il a dit non car il veux coller à l'image du type parfait qu'il se façonne. Il m'a pas dit "tu me plais pas" mais il a dit "ça ne remet pas en cause le fait que tu es une femme désirable". Va comprendre.
Comme disent les copines, rien n'est perdu, ça ressemble à un noui ! Le temps va faire son œuvre dans sa petite tête et tous les compliments que je lui ai dit vont tourner, résonner jusqu'à faire un petit trou dans le cervelet et ronger sa substantifique moelle. J'y planterai un petit râteau pour qu'il prenne racine et grandisse, comme l'arbre de la honte et de l'espoir.
Juillet 2019