Adieu fantôme...
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Adieu fantôme...
Ah… Cette nuit fut fabuleuse. J’ai merveilleusement bien dormi. J’étais tellement épuisé, que de retour chez les parents, dans la ferme de mes grands-parents, me fait le plus grand bien. J’ai eu un rêve bizarre cette nuit, j’ai eu l’impression que quelque chose me touchait, cela m’a réveillé et pourtant j’étais bien seul. Mais ce qui m’étonna fut de voir la lampe de chevet de mon enfance sur mon lit alors que je suis persuadé qu’elle était sur ma table de nuit hier soir… Oui je me rappelle bien c’est là que je l’avais éteinte… Bizarre… Je l’ai sans doute déplacée dans la nuit sans m’en rendre compte.
La porte s’ouvre sans que je vois quelqu’un l’ouvrir…
- Franck, à table, ton petit déjeuner est prêt, et moi je dois partir au travail !
- OK Maman, j’arrive, je m’habille et je descends.
C’était ma mère qui m’appelait juste en entrouvrant ma porte.
Je me lève et m’habille rapidement, car il fait un froid glacial dans ma chambre. Étonnant car je me rappelle fort bien avoir réduit le chauffage mais jamais de l’avoir arrêté par ce froid glacial qui traîne à l’extérieur. Avec ses murs épais de très vieille maison, la température de ma chambre aurait pourtant due rester confortable, alors qu’il fait réellement une froidure exceptionnelle… Mais la fenêtre est ouverte… C’est impossible que j’ai pu l’ouvrir, je ne suis pas cinglé…Par cette température en plus… Que se passe-t-il ? La lampe, le radiateur, la fenêtre… Je ne comprends pas… Je deviens fou ou quoi ? Je verrai plus tard, après avoir mangé cela ira mieux. Serais-je tellement épuisé que je ne sais même plus ce que je fais ? Si Oui , médecin d’urgence !
Mais où sont mes habits, ils étaient là sur la chaise… Ah Non ! cela devient trop…
- Maman ! As-tu pris mes habits ? pour les laver ?
- Non mon chéri je ne suis pas rentré dans ta chambre.
C’est impossible… Que se passe-t-il ?
Sans mes habits, je me lève et j’ouvre mon placard pour y prendre mon vieux peignoir tout usé que je n’avais pas enfilé depuis des années d’éloignement de cette chère maison. Il est frais, mais en bonne laine il me réchauffera rapidement. J’y trouve aussi mes vielles charentaises, usées elles aussi, mais si confortables. Je me retourne, et surprise, la porte est fermée alors que ma mère l’avait laissée entrouverte… Non mais qu’arrive t’il ici ? Il n’y a pas eu de courant d’air, je ne l’ai pas entendu claquer… C’est à n’y rien comprendre.
Je sors de ma chambre et descends l’escalier sentant une odeur rajeunissante de mes chers petits déjeuners d’enfance, avec ces effluves de pain grillé, de café et d’œuf sur le plat. Mon appétit grandit d’un coup et me réjouis du moment qui va venir une fois dans la cuisine. Le poêle est chaud et l’ambiance douce. Ma mère s’apprête à sortir et je l’embrasse tendrement.
- A ce soir Franck, couvre toi bien il fait un froid de canard dehors. Si tu peux aller donner un coup de main à ton père à l’étable ou au foin, ce serait sympa, et cela te rajeunira encore plus...
- Je n’y manquerai pas t’inquiète. Bonne journée ! Et fais attention, par ce froid il y a sans doute du verglas au virage du bas, là où le voisin était sorti de la route… Ce pauvre Christian… Paix à son âme.
Une fois assis, je déguste mon œuf sur le plat avec de délicieuses tartines de pain grillé et le beurre de la ferme, avec un café noyé dans le lait de nos vaches. C’est extraordinaire comme mes parents ont réussi à maintenir dans notre hameau, l’ambiance et les produits de mon enfance.
Mais que se passe t’il ? Ma tasse de café se déplace toute seule de quelques centimètres, je la prends en main, et elle me résiste. Ah non ! mais ! je suis contraint de la récupérer de toutes mes forces, et soudain sans résistance, je renverse la plupart de mon café au lait. Non ! M….. là c’en est trop !
Que peut-il se passer dans cette ferme ? Serait-ce ce vieux Christian qui revient nous embêter comme il l’avait fait jadis ? Je me rappelle alors en rigolant, un peu jaune tout de même, cet épisode de ma jeunesse, où après l’accident mortel de Christian, certains voisins avaient suggéré que je n’avais pas versé le sel dans le virage alors que je m’en étais engagé… J’avais 10 ans, et j’avais oublié cet engagement de ma part devant plusieurs anciens voisins… Est-ce que Christian me revient ? En pensant que je fus responsable de sa disparition dans l’abîme sous le virage ? Oh l’angoisse ! Si c’est cela je ne serai plus jamais calme ici chez moi… Non je deviens dingue, cela n’existe pas… Et pourtant toutes ces aberrations… Aller n’insiste pas sur ces bêtises, on est passé au 21em siècle, ces histoires anciennes ne sont plus de ce jour… Et pourtant… Je vois subitement une image dans le grand miroir qui est dans l’angle de la pièce, et j’ai l’impression que c’était Christian qui venait me revoir.
Petit déjeuner avalé, tel une madeleine de Proust, j’enfile une veste de mon père et je sors vers l’étable où je devrais le retrouver. Je ne l’y vois pas. Je traverse donc cet espace si odorant nos vaches vers l’escalier qui monte à la grange, pour aider mon père à nourrir notre cheptel, et je le découvre allongé dans le foin, comme s’il dormait.
- Papa, tu veux que je t’aide ? Qu’y a-t-il ? Tu es fatigué ? tu as eu un problème ?
- Ah Franck, excuse moi j’ai eu un coup de pompe, et une hallucination… Figure toi que je viens de voir ce vieux Christian traverser la grange et partir par le mur du fond, en le traversant… J’en fus tellement ébahi que je me suis allongé et je me suis rendormi. Comment vas-tu ce matin ? Bien dormi ?
- Oui très bien, mais j’ai vécu des choses bizarres ce matin. Que se passe t’il ici ? Jai eu des objets qui se sont déplacés, ma tasse de café qui m’a résisté, une porte qui s’est fermée toute seule… C’est quoi tout ça ? Cela vous arrive souvent ?
- Non ! Ce n’est pas arrivé depuis ton départ de la maison, mais depuis hier soir et ton retour, j’ai comme l’impression que Christian est revenu. Nous aussi on a eu des phénomènes étonnants cette nuit.
Un silence pesant s’établit entre nous, puis il reprend
- Christian doit toujours t’en vouloir de ton oubli de salaison du virage du bas. Pourtant il devait aller trop vite, il avait trop confiance, et il s’est envolé dans le ravin. Ce fut tout de même atroce, sa voiture explosant au fond et prenant immédiatement feu… Il était méconnaissable, alors que quand on le voit réapparaître… il est comme il était avant l’accident. Certes vieux, mais encore très bien sur lui et très apprécié de ces dames… toujours en train de les courtiser…
- Ces phénomènes bizarres ne sont plus arrivés depuis mon départ ? Je me rappelle que dans ma chambre j’avais régulièrement des mouvements d’objets. Je ne donnais alors aucune importance à ces bizarreries. Mais, c’est vrai j’avais totalement oublié tout cela.
- Oui il t’en veut sans doute encore et son retour fantomatique en est une preuve…
- Mais que puis-je y faire ? Il connaissait ce virage que l’on prend toujours avec beaucoup d’attention, même en été. De plus on n’a aucune visibilité, et il est en pente inverse, vers le ravin… La moindre inattention, et c’est la catastrophe.
Mon père se lève et prend une fourche, se tient debout, le menton posé sur ses deux mains sur le manche de la fourche.
- Fils, mon Franck, je crains qu’il faille que tu quittes cette maison… Christian nous embête quand tu es là, et sans toi, il est sans doute plus paisible. Mais en ta présence, j’ai peur pour nos animaux et la ferme. Furieux il pourrait y mettre le feu, même par inadvertance…
- Papa, arrête cela n’existe pas… Nous avons sans doute des hallucinations… Tu veux vraiment que je parte ? On en discutera ce soir mais je ne pense pas que maman soit d’accord.
- Oui tu as raison. Excuse-moi. Je fus tout de même sidéré et ébahi de le voir passer devant moi…
- Écoute. On est là tous les deux, je te propose qu’on appelle Christian et qu’on lui parle. Je vais m’excuser auprès de lui, sans doute que cela lui permettra d’aller mieux et de partir définitivement vers des cieux plus cléments.
- Christian, viens ! Reviens ! Nous savons que tu es parmi nous. Et je t’en prie, accepte mes excuses, je n’avais que 10 ans et j’ai oublié ma promesse de saler le virage…
- Et accepte aussi mes excuses de ne pas avoir rappelé à Franck cette salaison si importante…
Et venant du fond de la grange, comme au travers du mur qu’il aurait traversé, nous entendons une réelle voix d’outre-tombe, sombre mais claire et dure en même temps :
- Je vous pardonne mes chers amis… Cela fait plus de 20 ans que j’attends cette demande d’excuse que vous n’évoquiez pas. Par définition, pour vous, ce n’était pas de votre faute si j’étais disparu dans l’abîme… C’était d’après vous deux, de la mienne, allant trop vite, comme tu l’as encore dit de suite…Vous savez, pour nous les morts, l’essentiel dans la vie est de savoir pardonner et savoir demander le pardon à ceux que nous avons offensés. Dans la mort, cela nous permet de la vivre paisiblement et sereinement. Merci de ces excuses je vais enfin partir serein. Adieu !
- Merci Christian ! Nous ne t’oublierons jamais. Inutile de revenir nous voir pour nous rappeler notre erreur. Tu reste ancré dans nos souvenirs et nos âmes. Adieu !
- Et surtout prends bien soin de toi là-haut ! Drague gentiment toutes les femmes qui nous ont quittées. Adieu à toi, vieux frère !