

Auguste
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Auguste
Chapitre 1
C’est une serrure bien rudimentaire qui bloquait Auguste. Un mécanisme qui aurait probablement cédé rapidement avec un coup de pied bien placé. Si cette technique lui avait paru rapide et efficace, elle ne s’illustrait pas par sa discrétion et aurait provoqué à coup sûr un attroupement de passants trop curieux.
Avec méthode, Auguste s’empara de ses outils de crochetage parfaitement rangés dans une poche intérieure de son long manteau. Après quelques secondes de manipulation, un déclic sonore se fit entendre signalant que la voie était libre. Auguste laissa transparaitre une moue de déception devant le peu de résistance du mécanisme. La porte aurait pu tout aussi bien rester ouverte.
Il entra dans la maison en toute discrétion et se retrouva nez à nez avec une fillette d’environ 8 ans. Avant qu’il ne puisse réagir, la fillette tourna les talons et partit en courant et en hurlant. L’effet de surprise n’était visiblement pas au rendez-vous, elle allait rapidement alerter les occupants de la maison.
Il avait décidé de crocheter la serrure comme un vieux réflexe, comme s’il avait oublié comment frapper simplement à une porte. Les habitudes ont la vie dure et les siennes risquaient de le mettre dans des situations difficiles.
La fillette revint bien vite accompagnée de sa mère portant un bébé dans les bras. Auguste leva doucement les bras :
-Je ne vous veux aucun mal.
-Mais vous entrez chez nous comme un voleur, souligna la mère sur un ton qui oscillait entre la peur et la colère.
La fillette sous le coup de la surprise, était en larme. Ses pleurs et ses cris rajoutaient de la tension à l’atmosphère déjà pesante.
-Que voulez-vous ? Il n’y a rien à voler ici de toute façon, reprit la mère toujours sous le choc et craignant pour la vie de ses enfants.
-Je ne suis pas là pour prendre mais pour donner. Je sais que vous avez du mal à nourrir vos enfants et j’aimerais vous aider.
Auguste posa le sac qu’il tenait sur l’épaule au sol et farfouilla à l’intérieur. Il en sortit des fruits, légumes et de la viande séchée. Il posa toutes les denrées sur une petite table devant lui. Il tourna les talons et se dirigea vers la porte d’entrée. Une expression de surprise passa sur le visage de la mère :
-Mais qui êtes-vous ?
Auguste pris quelques secondes pour réfléchir à la question. Tant de choses avaient changé dans sa vie ces dernières semaines, que pouvait-il répondre à cette question ?
-Je vous ai amené de quoi survivre, et je reviendrai si cela est nécessaire.
-Mais qui vous envoie ? Pourquoi faites-vous cela ?
Encore des questions auxquelles Auguste avait lui-même du mal à répondre. Il n’était plus sûr de rien et sa seule envie était de fuir au plus vite. Il grogna et partit d’un pas assuré vers la sortie. La mère le rattrapa sur le pas de la porte et lui saisit le bras :
-Pourrais-je au moins connaître votre nom ?
-Appelez-moi Auguste.
Chapitre 2
Auguste serpentait dans les petites ruelles de la ville. C’est ici qu’il se sentait le plus à l’aise, à l’ombre des grandes bâtisses, anonyme parmi les passants. A plusieurs reprises il avait visité des demeures ce matin-là pour y déposer des vivres. A chaque fois les occupants lui soumettaient les mêmes interrogations et lui, restait muet. Pourquoi faisait-il cela ? La réponse la plus évidente pour Auguste était qu’il y était simplement obligé.
Une voix provenant d’un renfoncement entre deux bâtisses coupa net le fil de sa réflexion :
-Auguste !
Il reconnaissait cette voix, c’était elle qui l’envoyait aider les gens en difficulté. Il ne savait pas à qui elle appartenait, l’homme se dissimulait toujours sous un long manteau à capuche. Le fait que cette voix arrivait systématiquement à le retrouver en ville confirmait qu’Auguste était probablement sous surveillance.
-Ne te retourne pas Auguste et écoute attentivement, reprit la voix sur un ton monocorde. J’ai une mission un peu spéciale à te confier mais connaissant tes multiples talents, cela ne devrait pas poser de problème.
Auguste avait effectivement de nombreux talents mais la plupart lui auraient valu plus de problèmes que de reconnaissance. Il n’était pas le style d’homme que l’on cherche mais plutôt celui que l’on évite. L’homme encapuchonné précisa donc sa pensée :
-Il y a un riche marchand en ville qui prélève une taxe sur les artisans pour accepter de vendre leurs créations. Cela n’est pas acceptable, seul le Seigneur Montgris est responsable de la collecte des taxes et des impôts.
-Vous voulez que je l’intimide pour qu’il mette fin à ses agissements ?
-Malheureusement, les intimidations n’ont eu aucun effet sur son comportement. Il convient donc de passer à la prochaine étape. Ce marchand doit mourir.
-Un assassinat ?
-Ne sois pas surpris, je suis sûr que tu n’as pas perdu la main.
-Je pensais avoir laissé tout cela derrière moi.
-Vois le bon côté des choses, assassiner une personne mauvaise est finalement un acte de bonté.
-Un acte de bonté qui prend la vie de quelqu’un.
-Tu préfèrerais que ce soit la tienne que nous prenions ?
Auguste ne voulait pas courir de risque, il se savait épié et il n’aurait nulle part où se cacher. Cette voix le retrouvait toujours, peu importait les chemins ou les détours empruntés. Le dilemme se posait donc en ces termes : prendre une vie ou perdre la sienne.
-C’est d’accord finit-il pas conclure.
-Très bien, voici un parchemin qui contient toutes les informations utiles pour ta tâche.
Un bras surgit de l’ombre enserrant fermement un rouleau. Auguste s’en saisit, le temps de reprendre ses esprits son interlocuteur avait disparu.
Chapitre 3
Cela faisait maintenant deux bonnes heures qu’Auguste était posté au coin d’une ruelle scrutant avec attention les entrées et sorties du marchand dans sa boutique. Le parchemin était très synthétique, il décrivait la boutique ainsi que l’apparence physique du marchand. Auguste ne connaissait pas cet homme et s’il avait parfois visité sa boutique par le passé, c’était toujours en pleine nuit pour ne justement rencontrer personne.
L’assassinat faisait effectivement partie de ses talents mais sa vie avait été si bouleversée ces derniers temps qu’il ne pensait pas avoir à s’équiper de son attirail à nouveau. En tant que professionnel, il prenait grand soin de son matériel, rien n’était laissé au hasard.
Ses observations lui apprirent que la tâche ne serait pas très difficile. Le marchand était une sorte de terreur du quartier qui n’avait visiblement pas les épaules pour prétendre à étendre son pouvoir. Il était accompagné de deux gardes du corps un peu balourds dont la musculature semblait inversement proportionnelle à leur capacité de réflexion.
Auguste pris des notes, tourna autour de la boutique pour en noter l’emplacement des fenêtres et les distances entre les bâtiments. Il pensait qu’une bonne planification venait à bout de la majorité des événements fâcheux. Le fait qu’il était toujours en vie lui donnait probablement raison sur ce point.
A la nuit tombée, Auguste était prêt à bondir sur sa proie. Il aperçut une fenêtre d’où émanait encore la lumière de plusieurs bougies même à cette heure tardive. Il monta sur un toit pour avoir une vision directe de l’intérieur de la pièce. Le marchand attablé à son bureau, parcourait d’épais livres de compte. Il semblait seul, aucune trace des deux brutes.
En quelques bonds et autres acrobaties, Auguste se retrouva bientôt blotti contre le dormant de la fenêtre du marchand. Il entreprit de crocheter la fenêtre voyant que sa cible portait toute son attention à ses livres de compte. La fenêtre s’ouvrit facilement mais avec un grincement rappelant un marteau métallique que l‘on frotterait contre une enclume.
Le marchand se retourna et hurla. La porte de son bureau s’ouvrit avec fracas laissant entrer ses deux hommes de main. Les réflexes d’Auguste prirent le dessus. Il se saisit de deux petites arbalètes dissimulées dans les poches latérales de son manteau et tira rapidement deux carreaux en direction des balourds. Ils s’effondrèrent en provoquant une légère secousse. Il fallait réagir rapidement, le marchand hurlait toujours.
Auguste sortit prestement sa dague et la planta avec la même célérité dans la carotide du marchand. Le geste était précis, mécanique et répété. Le marchand s’étala lui aussi de tout son long sur le sol entouré d’une aura rouge visqueuse qui prenait de plus en plus d’importance.
Ce geste avait rappelé à Auguste tant de souvenir. Il se remémorait le nombre de fois qu’il avait regardé ses victimes dans les yeux en attendant que leur force vitale les quitte définitivement.
Il s’échappa par les toits. A cause des cris, les gardes du château ne tarderaient pas à débarquer pour démarrer leur enquête. Une fois à bonne distance, Auguste descendit du toit et s’assit sur un muret le temps de calmer sa respiration.
C’est à ce moment que la voix se rappela à son bon souvenir. Elle semblait une fois de plus émaner du néant :
-Bien joué, tu nous es définitivement d’une grande utilité. J’ai encore de nombreux projets pour toi.
Auguste restait silencieux, concentré sur sa respiration. Elle reprit :
-Je veux que tu te rendes à la chambre forte du château et que tu y dérobes quelques objets. Ce sont des objets d’une grande valeur sentimentale que le Seigneur Montgris a confisqué à ses propriétaires qui ne pouvaient payer l’impôt.
Auguste soupira :
-Voler le Seigneur Montgris en personne ?
La voix laissa planer un silence comme si elle voulait qu’Auguste continue à se torturer avec l’idée qu’elle venait de lui suggérer puis elle reprit :
-Je me débrouillerais pour que les gardes ne soient pas à leur poste.
-Ils pourraient être à leur poste que la mission ne serait pas beaucoup plus difficile pour moi, répliqua sèchement Auguste.
Auguste ne sut jamais si cette dernière réplique arriva aux oreilles de son interlocuteur car un long silence fut la seule réponse dont il dût se contenter.
Chapitre 4
Auguste se présenta le soir même au château. Cette fois-ci pas d’arme dans ses poches hormis une petite dague. Il voulait éviter au maximum les cliquetis et autres bruits métalliques. Tuer un marchand pouvait déjà vous causer des ennuis, mais assassiner un garde du château, vous menait droit à l’échafaud. Il faudrait tout miser sur la discrétion la plus totale.
Cette nouvelle mission n’était pas anodine car Auguste connaissait les propriétaires des objets. Son premier larcin concernait une cotte de maille appartenant à Hugues, un marchand qu’il connaissait bien. Hugues était quelqu’un d’ingénieux et de débrouillard. Il arrivait à mettre la main sur de nombreuses choses, légales ou non, dont un pouvait avoir besoin. Autre avantage, il ne posait aucune question. Il n’avait donc pas connaissance des agissements d’Auguste, il se contentait de fournir la marchandise demandée et d’encaisser sa commission. Auguste se faisait une joie de pouvoir remplir sa mission et de rendre service à son tour à Hugues.
La seconde pièce à subtiliser était la bague de fiançailles d’Aurore. Aurore était la femme de Gaultier avec qui Auguste s’était lié d’amitié dans sa précédente vie. Aujourd’hui Gautier était mort, exécuté et Aurore tenait Auguste pour responsable. Elle n’avait peut-être pas tout à fait tort. Auguste n’avait pas revu Aurore depuis l’exécution de Gaultier mais le regard de haine qu’elle lui avait lancé ce jour-là était toujours gravé dans sa mémoire. L’idée même de la revoir le faisait frissonner.
Chaque chose en son temps décida Auguste. Il fallait en priorité pénétrer dans la chambre forte du château. Auguste escalada le mur d’enceinte et se retrouva rapidement sur le chemin de ronde. Ce n’était pas la première fois qu’il venait ici de nuit. Il connaissait les moindres interstices et les moindres fissures dans les murs. Il connaissait même les heures de relèves des gardes, tant il avait passé de temps à les observer. Il se dirigea d’un pas décidé directement vers la chambre forte.
Il pénétra dans une ouverture au rez-de-chaussée, se déplaçant dans les couloirs qu’il connaissait par cœur. Toutefois il nota un petit changement, les gardes supposés défendre le trésor ne se trouvaient pas à leur place. La voix avait-elle effectivement autant de pouvoir qu’elle semblait l’insinuer ? Il redoubla de précaution et approcha de la porte de la chambre forte.
Quand s’est-il retrouvé ici pour la dernière fois ? Il y a 6 mois peut-être. Cette fois-là il avait failli se faire attraper, il avait fui en laissant derrière lui son butin. Aujourd’hui il était hors de question de repartir les mains vides. Il alluma une bougie.
Après quelques secondes, les serrures cliquetèrent et libérèrent la porte de son chambranle. En entrant dans la pièce, la lumière de la bougie fut réfléchie par de nombreux objets brillants. Auguste dut attendre que ses yeux s’adaptent à cette vague de lumière inattendue en pleine nuit.
Une fois de plus son ordre de mission ne laissait pas la place au doute. La cotte de maille était décrite dans les moindre détails, Auguste s’en empara et la fit disparaitre dans son sac. Pour la bague, nul besoin de descriptif, le souvenir des mains d’Aurore lui suffisait.
Il sortit de la chambre forte, referma les serrures et souffla la bougie. Encore une mission remplie sans aucune difficulté, on lui mâchait vraiment le travail. Pour quelqu’un qui avait peaufiné l’art de la discrétion et du larcin pendant plus de 10 ans, c’en était presque insultant.
Chapitre 5
Auguste pris la décision de débuter ses visites avec Hugues. Il repoussait au maximum sa rencontre avec Aurore mais il savait qu’il n’aurait pas le choix. La boutique de Hugues contenait un entassement d’objets en tout genre. Il fallait être vigilant et regarder systématiquement où on posait le pied. Le sol de la boutique ne devait pas avoir vu la lumière du jour depuis une bonne dizaine d’année. Ce bazar décourageait la plupart d’entreprendre des fouilles et c’était justement le but recherché. Hugues n’aimait pas que l’on mette son nez dans ses affaires.
Auguste fut accueilli au son du traditionnel « Je peux vous aider ? » qui semblait surgir de nulle part. A la suite de cette salutation, un petit bonhomme émergea de ce qui semblait être un empilement de vases :
-Auguste ! Ça fait longtemps que je ne t’avais pas vu trainer par ici. Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? Une nouvelle paire de bottes ? Un chapeau ? Un cadeau pour les dames ?
-Rien de tout ça Hugues, merci, moi aussi je suis content de te revoir. Cette fois-ci c’est moi qui t’apporte quelque chose.
Auguste plongea la main dans son sac et en sorti la cotte de maille. Hugues resta les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte.
-Je crois que ceci t’appartient reprit Auguste, un léger sourire trônant sur son visage.
-Oui… je… mais où as-tu dégotté cela ?
-Elle vient directement des coffres du Seigneur Montgris.
-Oh Auguste, j’espère que tu ne vas pas aux devants de gros ennuis.
-Ne t’inquiète pas pour moi, en ce qui me concerne, la situation ne peut que s’améliorer.
Hugues retourna la cotte de maille dans tous les sens et la regardait comme s’il la voyait pour la première fois :
-Elle a appartenu à mon père, j’y tiens énormément, je ne pensais pas la revoir un jour. Les affaires marchent moins bien depuis que le Seigneur Montgris est au pouvoir. Ses gardes patrouillent à longueur de journée et j’ai perdu de nombreux clients. Ils ont saisi cette armure pour non-paiement des taxes. Cela m’a déchiré le cœur.
Auguste resta silencieux, Hugues était toujours admiratif et semblait vivre un rêve éveillé. Il sortit enfin de son hypnose :
-J’ai entendu dire que toi aussi tu as dû laisser certaines de tes activités de côté.
-C’est vrai, avoua Auguste.
-J’ai même entendu dire que ton nom se trouvait sur la liste des futurs pendus.
-C’est vrai également.
-Et aujourd’hui tu aides la population à supporter le Seigneur Montgris, c’est tout à ton honneur.
-J’aimerais que les choses soient aussi simples.
Auguste sortit de la boutique la mine abattue. La population commençait à voir en lui un espoir alors que toute sa vie il n’avait été qu’une fripouille et un vaurien. Il le serait encore d’ailleurs s’il n’écoutait que ses instincts. Mais il se savait épié et le moindre pas de travers le ramènerait au bout d’une corde.
Chapitre 6
Auguste était planté devant la porte de la maison d’Aurore, pétrifié. Il avait imaginé leurs retrouvailles des dizaines de fois et pas un seul scénario ne connaissait une fin heureuse. Il fallait maintenant affronter la réalité. Il prit quelques grandes inspirations et toqua à la porte. Elle s’ouvrit lentement sur un visage surpris. Cet effet de surprise passé, c’est une gifle qui souhaita la bienvenue à Auguste. Il ne pouvait en être autrement, pas après ce qui s’était passé. Cette gifle était le point de départ de 75% des scénarios imaginés par Auguste, dans les 25 autres pourcents, il recevait un coup de pied dans le tibia.
-Comment oses-tu venir ici ? lança Aurore sur un ton empreint de fureur. Tu as détruit ma vie.
Gauthier, le mari d’Aurore, et Auguste partageaient certaines activités. Petits larcins, enlèvements contre rançon et autres joyeusetés tombant malheureusement sous le coup de la loi. Ils risquaient la plupart du temps quelques jours de cachot mais avec l’arrivée au pouvoir du Seigneur Montgris, toutes les sentences avaient été alourdies.
Gauthier avait été arrêté et pendu à la suite d’un vol qui avait mal tourné dans une noble maison de la ville. Le Seigneur Montgris organisait régulièrement des pendaisons spectaculaires en public à titre d’exemple. Cela lui permettait d’assoir son autorité et d’être craint de la population.
Revoir Aurore avait fait remonter à la surface de nombreux souvenirs qu’Auguste pensait ensevelis à tout jamais.
-Si tu viens pour des excuses, c’est peine perdue, hurla Aurore. Jamais je ne te pardonnerai ! Tu m’entends ? Jamais !
-Je ne veux pas de tes excuses, je veux seulement te ramener ceci.
Auguste plongea la main une fois de plus dans son sac pour sortir la bague d’Aurore et la tendit droit devant lui. Il n’arrivait pas à la regarder dans les yeux. Aurore resta bras croisés un moment sans réagir, elle semblait partagée entre la surprise et une certaine colère contenue. Elle finit par briser le silence et arracha prestement l’anneau de la main d’Auguste.
-C’est maintenant que je dois tout te pardonner ?
-Je ne te demande rien en retour.
-Tu as toujours eu une mauvaise réputation et tu entrainais Gaultier systématiquement dans des affaires louches. Je l’implorais d’arrêter mais rien à faire. Il te voyait comme un ami, alors que tu n’es qu’un criminel.
Un criminel, elle avait raison et Auguste le savait. Toute sa vie durant il n’avait provoqué que des pleurs et des cris. Il avait même pris du plaisir parfois. C’est la vie qu’il avait choisi et qui lui plaisait. Aurore n’en avait pas fini :
-Cette bague représentait l’amour que je portais à Gaultier, cet amour que tu m’as enlevé. Elle a énormément de valeur pour moi et me rappelle à quel point je te déteste, Auguste. Tu crois pouvoir te racheter par ce genre de bonne action mais cela ne marche pas, tu ne pourras pas effacer si facilement le mal que tu as fait.
-Je ne cherche pas à effacer quoi que ce soit.
Auguste au fond de lui voulait fuir cette situation, s’échapper rapidement de cet enfer de culpabilité. Aurore avait remis la bague à son doigt et l’admirait. C’était le moment idéal pour disparaitre. Auguste se déplaça aussi discrètement que possible mais après quelques pas, la voix d’Aurore le rattrapa :
-Auguste ?
-Oui ?
-Merci.
Chapitre 7
Auguste était maintenant à plusieurs centaines de mètres de la maison d’Aurore mais il avançait toujours à bonne allure. Il voulait aller le plus loin possible, être ailleurs. C’est alors que la voix raisonna une fois de plus dans son dos :
-Bon travail cette fois encore mais la population souffre toujours. Beaucoup n’ont pas de quoi manger, la famine gagne petit à petit certains quartiers.
-Qu’attendez-vous de moi cette fois ? Que je passe derrière les fourneaux ?
-Tu n’as malheureusement aucun talent en tant que chef, Auguste. Mais tu pourrais faire un petit détour par la chambre forte du Seigneur Montgris pour le délester de quelques pèces, maintenant que tu connais les lieux.
-Si mon dernier passage a été remarqué, la garde pourrait être renforcée. Ce n’est pas prudent de revenir aussi vite sur les mêmes lieux.
-Ne t’inquiète pas pour les gardes, je m’en occupe.
Le soir venu, Auguste pénétra une fois de plus dans l’enceinte du château. Il était bien plus inquiet cette fois-ci. Il ne pourrait pas éternellement piller la fortune du Seigneur Montgris sans se faire attraper. Il devait donc rester vigilant.
Comme lors de son premier passage, il ne croisa aucune patrouille. Il arriva devant la porte et comme un rituel, alluma une bougie, avant de sortir les outils de crochetage de son manteau. En quelques secondes, la serrure céda.
Les pièces d’or constituaient un butin bien plus lourd et le transport risquait d’être rythmé par les entrechoquements de la monnaie. Lorsqu’il estima que le sac contenait de quoi mettre à l’abris de la famine de nombreuses familles, Auguste le referma et serra les sangles avant de le rejeter sur son dos. Il éteignit la bougie avant de ressortir.
Il ouvrit la porte et fut accueilli par une intense lumière pour le moins inhabituelle et un hurlement :
-Halte là !
Auguste, ébloui, avait du mal à distinguer les silhouettes, mais il devait y en avoir une douzaine. Il arrivait cependant à distinguer 12 pointes de lances dirigées dans sa direction. Son cerveau en ébullition commença à réfléchir à un plan de sortie. Mais il fallait se rendre à l’évidence, se battre contre douze hommes en armes avec une vingtaine de kilos d’or sur les épaules constituait une très mauvaise idée.
Auguste, résigné, leva donc lentement les bras en espérant finir au cachot plutôt que transpercé de toute part.
On entendit résonner dans le couloir les pas lourds d’un homme arrivant au pas de course. Il arriva hors d’haleine et interrogea les gardes :
-Le Seigneur Montgris voudrait connaître la raison de toute cette agitation.
-Monsieur l’intendant ! démarra un garde. Nous avions remarqué une intrusion il y a quelques nuits lors de notre tour de garde. J’ai donc pris l’initiative de garder quelques hommes devant la chambre forte pour vérifier que notre voleur ne reviendrait pas. Et j’ai eu raison de changer les ordres, nous venons d’arrêter notre voleur.
-Vous avez donc changé les ordres de sa Seigneurie sur votre propre initiative ?
-Oui, Monsieur l’intendant.
-Votre nom ?
-Je m’appelle Albéric.
-Très bien, je ferais en sorte de m’en souvenir. Amenez le prisonnier auprès du Seigneur Montgris pour qu’il puisse décider de son sort.
Chapitre 8
Après l’ascension de plusieurs escaliers en pierre en suivant l’intendant et un imaginant la proximité des lances dans son dos, Auguste arriva devant une porte de bois massive, finement sculptée. L’intendant frappa et au bout de quelques secondes la porte s’ouvrit doucement.
-Seigneur Montgris, nous avons attrapé un voleur qui en voulait à votre or.
-Vous avez attrapé un voleur ? Répéta le Seigneur Montgris pensif.
-Sur l’initiative personnelle du chef de la garde Albéric, précisa l’intendant.
Ce dernier afficha un grand sourire et s’inclina devant son Seigneur :
-Fort bien, reprit le Seigneur Montgris. Intendant, rappelez-moi de proposer une promotion à notre chef des gardes.
-Bien entendu Mon Seigneur, acquiesça l’intendant.
-Faites entrer ce voleur dans mon bureau, nous allons discuter. Albéric, veuillez garder cette porte pendant l’entretien.
-Voulez-vous que je remette le butin dans la salle forte mon Seigneur, interrogea Albéric toujours sur son nuage.
-Non, j’aimerais connaître la valeur dont ce brigand pensait nous délester.
Auguste pénétra dans le bureau. Le Seigneur Montgris chuchota à l’oreille de l’intendant puis referma la porte derrière lui à double tour. Il s’installa à son bureau, leva la tête vers Auguste et lança :
-Prend un fauteuil, tu t’es vraiment fait avoir comme un débutant.
-La garde n’aurait pas dû être là ce soir.
-Oui, c’est vrai, il faut que je m’occupe de cet Albéric, je vais l’envoyer s’occuper de la frontière nord en guise de promotion. Depuis quand les gardes prennent-ils des initiatives ?
-Pourquoi me faites-vous piller votre propre coffre Monseigneur ?
-Tu ne connais pas grand-chose à la politique n’est-ce pas Auguste ?
Le silence d’Auguste sur la question incita le Seigneur Montgris à poursuivre.
-Pour éviter à la ville de se faire attaquer, je dois donner une image forte, inflexible. Les crimes ont d’ailleurs beaucoup diminué depuis que je la dirige. Mais pour éviter toute révolte il faut que les gens aient de quoi vivre. J’ai donc choisi cette solution. Je dirige la cité d’une main de fer et je permets à des gens comme toi de maintenir un certain équilibre.
-Je ne suis pas un bienfaiteur et vous le savez.
-Evidement que le sais, je t’ai rencontré le jour de ton exécution, ce jour-là tu étais prêt à tout pour continuer à vivre, même à entrer à mon service. J’avais justement besoin de quelqu’un avec des talents comme les tiens. Ton ami n’avait pas su retourner sa veste au bon moment.
-Gaultier….
-Peu importe son nom. Auguste nous avons un problème, tu as été arrêté par les gardes et il y a de nombreux témoins. Comment me faire respecter si je ne te fais pas condamner à mort ? Malheureusement, j’ai encore besoin de toi. Je te propose donc de te sauver par la fenêtre.
-Par la fenêtre ?
-Tu cours sur les toits comme un chat, tu n’auras aucun mal à retomber sur tes pattes. Moi je resterai ici, couché au sol, feignant d’avoir été assommé par le brigand que tu es.
-Fuir le château après en avoir assommé le Seigneur va me valoir un avis de recherche. Beaucoup de monde risque de marcher sur mes talons.
-Tu as raison, c’est trop dangereux, je te propose donc une autre solution : organiser ton exécution publique demain après-midi !
-Finalement, je vais opter pour la fenêtre.
-Sage décision ! Cependant, je ne pourrai pas te sauver la mise à chaque fois. La prochaine fois que tu te retrouveras dans ce bureau, je n’aurai que la seconde solution à te proposer. J’espère que je suis clair.
Auguste acquiesça et se dirigea lentement vers la fenêtre toujours aux aguets. Il n’était pas à l’abri d’un ultime coup fourré de Sa Seigneurie. Il ouvrit la fenêtre, estima la hauteur et envisagea les différentes pistes de fuite. Rien de bien compliqué finalement, il sauta sur la base de la fenêtre au moment où le Seigneur Mongris le héla :
-Auguste, tu oublies ton sac !
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