Pour la première fois de sa vie, André prie. Non pas le Dieu des juifs, auquel il n’avait jamais accordé qu’une indéniable valeur historique et le haut fait d’avoir mis sur Terre un peuple marqué par la pire des bénédictions: celui d’être le peuple élu, différent de tous les autres peuples de la Terre. Un peuple choisi par un Dieu distant qui avait cessé de le protéger du jour au lendemain, après l’avoir accompagné dans tous les déserts, sans aucune autre explication que la chute d’un Temple contre le Mur duquel, depuis deux mille ans, les hommes continuaient à pleurer et à implorer un retour en grâce. À ce Dieu là, il ne savait pas quoi dire.

Il prie donc cette femme qui le regardait d'en haut des autels de toutes les églises de la Terre qu’il avait visitées, pour s’agenouiller davantage devant l'art que devant le sacré. Il pria la Madone dans toutes ses formes. Il pria la mère du Dieu des voisins, qui dans chaque tableau faisait les yeux doux à l’humanité entière, non pas pour la séduire, mais parce qu’elle l’avait conquise depuis deux mille ans en la bénissant sans interruption, après qu’elle se soit montrée capable de crucifier l’Enfant qui n’avait fait rien d’autre que répandre le Bien sur Terre lors de son passage.

Il priait une femme parce c’était d’un miracle de femme dont il avait besoin. Il la prie avec des mots qu'il ne connaissait pas, mais qu’elle reconnaîtrait assurément.

Autres Nomades, Paris 2016

Photo, Giotto, Natività. Cappella degli Eremitani, Padova