Partir ou rester?
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Partir ou rester?
S’abstenir, espérer, essayer, tomber, se relever, attendre et puis grandir et éprouver l’exil auprès des siens. Ne plus se reconnaitre dans les rues, égarer ses rêves et sa parole, mourir de froid sous le soleil.
A 34 ans, tout me poussait à m’arracher à ma terre, à abandonner les miens, ceux que j’aime, Alger, son soleil et ses ruelles, l’odeur du café chaud et sucré. J’habitais encore chez mes parents, une famille nombreuse dans un appartement de quatre pièces. J’avais la rage au cœur. J’en voulais aux politiciens qui semaient le désespoir, aux partis politiques qui se déchiraient sans être capables de proposer une alternative, aux innombrables organisations de la société civiles sclérosées et dépassées par la réalité
Je quittais mon pays, le pays de la démesure, de l’extrême. Du tout ou rien. On ne peut jamais y vivre tranquillement sans s’écorcher l’esprit. Partir ou rester, abdiquer ou se rebeller, céder ou résister, aimer ou haïr, agir ou renoncer, se taire ou s’exprimer, croire ou douter, être écartelée en permanence, sans répit, entre une succession de choix dichotomiques. C’est une torture. La modération n’existe pas. S’abstenir, espérer, essayer, tomber, se relever, attendre et puis grandir et éprouver l’exil auprès des siens. Ne plus se reconnaitre dans les rues, égarer ses rêves et sa parole, mourir de froid sous le soleil. Un jour, la colère explose, vous réduit en miettes et vous ébranle. Partir devient une question de survie.
Je quittais ceux que j’aime, le journalisme, ma passion et une terre qui a vu naître mes désirs les plus fous. J’ai fui, je l’avoue. J’ai tout fui. Ce n’est pas une fierté, c’est un déchirement, un exil forcé. Comment survivre à tout ? A ce désespoir monstrueux qui dévore mes veines, à cette blessure qui gonflait chaque jour. Je n’avais plus la force d’affronter l’immobilisme et la mort. Fermer une porte derrière moi et en ouvrir une autre. S’envoler en Egypte était une aventure, sauter dans le vide pour braver mes limites. J’en avais besoin. Mon désespoir me poussait dans les bras d’un pays en plein révolte, qui crachait sa peine et étalait ses rêves ensoleillés depuis des mois. Un pays qui me ressemblait dans sa colère et ses aspirations, qui se cherchait et qui, comme moi, désirait toucher le ciel étoilé.