L'héritage
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L'héritage
Il faudra y aller, partir à sa recherche. Elle retournera dans la maison retrouver le flacon et les effluves du parfum. Elle retournera les placards, farfouillera le moindre recoin d’étagères, derrière le paravent, dans la grosse armoire vitrée ou sous le lavabo. Et lorsqu’elle aura mis la main dessus, qu’elle le tiendra presque religieusement entre ses mains, commencera son périple.
D’abord, elle cherchera des informations sur internet, passera quelques coups de téléphone, enverra des emails. Lorsqu’elle aura trouvé sa destination, elle préparera ses bagages, sommaires. Ça ne sera pas un long voyage, un sac à dos suffira. Le train sera son meilleur allié, ce genre d’odyssée dans le passé nécessite d’avoir l’esprit libéré, et le roulage du chemin de fer lui donnera l’occasion d’être ancrée dans l’instant.
Arrivée dans la ville élue, elle déambulera, exaltée, dans les petites rues qu’elle imagine étroites et pavées, avec de hauts immeubles serrés les uns contre les autres. La boutique aura sa devanture au rez-de-chaussée d’un de ces immeubles, la vitrine sera encadrée d’un bardage en bois bleu électrique. Au moment de pénétrer dans l’atelier, elle marquera un temps d’arrêt, les deux pieds sur le seuil, les narines grandes ouvertes et tous ses sens olfactifs en émoi.
L’artisan s’approchera d’elle pour connaître l’objet de sa requête. Elle expliquera tout, dans les moindres détails. Bien sûr que l’émotion la prendra à la gorge, il ne pourra pas en être autrement. Peut-être que cela donnera une touche supplémentaire à la création qui sortira des mains de cet artiste, la touche de tendresse mélangée d’affection.
Chargée de son précieux trésor, elle s’empressera de faire le chemin inverse, cette fois en essayant d’échapper au temps qui file. Vite la retrouver.
Elle ira directement retrouver sa grand-mère sur son lit d’hôpital. Elle sera seule avec elle, sortira de son sac la petite fiole de parfum précieusement emballée, accompagnée d’une note décrivant les ingrédients qui la composent. Elle s’approchera doucement d’elle, pour lui tenir la main et ouvrira la bouteille, dont le parfum embaumera la chambre de nostalgie, la nostalgie de l’enfance. Elle lui murmurera :
— Tu vois, j’ai réussi. J’ai retrouvé ton parfum, caché derrière la bouteille d’eau de Cologne de Papy. Il n’en restait pas beaucoup mais assez pour qu’on ressaisisse ses arômes.
Elle serrera très fort dans la sienne la main inerte de la vieille dame. Alors, et seulement alors, elle acceptera que sa grand-mère la quitte.